I'll be your guide // Benjy & Heather //

*Département des aurors, Ministère de la Magie.

Un homme vêtu d'un pantalon noir et d'une chemise blanche sans prétention s'activait encore dans les bureaux presque déserts. Il terminait de rédiger un rapport détaillé sur la disparition d'une certaine Julie Woulag, une parmi tant d'autres, qui rejoindra le tiroir des affaires "non-résolues", à son plus grand dam. Un coup d'oeil à sa montre lui indiqua qu'il était déjà 20 h 30. Poussant un soupir, il finit de ranger quelques papiers avant de prendre son long manteau.
Dehors, l'air glacé lui sauta à la gorge, lui décrochant un frisson. Rabattant son col, il s'engagea dans la ruelle en face pour rentrer chez lui. S'il restait aussi tard au Ministère le soir c'était pour oublier. Plus il passait de temps au Ministère, moins il était chez lui. Ce vide, cette l'absence oppressante. Il ne le supportait plus. Se sentant plus seul que jamais, il avait cédé quelques fois à la tentation de l'alcool, ça rendait ses soirées moins pénibles. Mais bien vite il s'était rendu compte que ce n'était qu'un leurre et que cette parenthèse ne faisait que rendre la chute encore plus rude. Perdu dans ses pensées, il se déplaça mécaniquement pour contourner la femme qui se tenait sur le trottoir face à une porte. En sentant une main frôler la sienne, il eut un petit mouvement de surprise.*

- Non, c'est moi. J'étais perdu dans mes pensées et ne faisais pas attention où j'allais.

*Il adressa un petit sourire rassurant à la femme qui se trouvait face à lui avant de porter son attention sur la porte.*

- On dirai que ce n'est pas ici que vous trouverez les réponses aux questions que vous vous posez.

*Ajouta-t-il en jetant un nouveau regard à la porte avant de le reporter sur toi.*

-Hum, on m'avait pourtant dit du bien de cette dame, force m'est de constater qu'elle n'est pas vraiment... apte à pratiquer ce qu'elle prétend faire.

- Et pourtant vous hésitez à toquer de nouveau à sa porte. C'est amusant de voir comment le cerveau peut être à la fois si indépendant et si manipulable. Une toute petite question qui reste sans réponse est capable de troubler votre sommeil, de vous coupez l'appétit voir même de changer vos convictions. Ne trouvez-vous pas cela effrayant ?

*En te voyant te décaler pour laisser l'accès à la porte il parut décontenancé et soudain mal-à-l'aise, comme si cette simple porte (ou plutôt ce qui se cachait derrière) renfermait une menace pour lui.*

- Oh euh non pas du tout. En vérité, je ressens le besoin de toujours tout contrôler. Surtout lorsqu'il s'agit d'informations me concernant. Alors ... peut-être que j'y crois un peu en somme. Je n'ai jamais essayé en tout cas.

*finit-il par ajouter dans un haussement d'épaules. T'adressant un nouveau regard, il remarqua seulement alors que tu semblais désarçonnée, encore en plein dans tes réflexions après ton entrevue.*

- Vous allez bien ? vous semblez troublée.

*Il avait amorcé un pas vers toi avant de se raviser, son bras retombant doucement le long de son corps.*

*Chassée ? Il haussa un sourcil sous l'effet de la surprise. Pourquoi diable la voyante l'avait-elle chassée ? qui pouvait être cette femme face à lui pour avoir un problème aussi effrayant ? Y avait-il un lien avec Vous-Savez-Qui ? Les questions défilaient dans son esprit alors que ton teint blanchissait à vue d'oeil. Cette fois, la pudeur ne retint pas son geste, et il s'avança vers toi au moment même où tu basculais en arrière. Délicatement, il te réceptionna dans ses bras, calant ta tête dans le creux de son coude.*

- Mademoiselle, vous m'entendez ?

*demanda-t-il d'une voix douce et posée. Deux prunelles d'un vert foncé le fixèrent alors et il se perdit un temps dans leur contemplation, soulagé de constater qu'il ne s'agissait que d'un petit malaise. Quand tu eus repris un peu plus tes esprits, il te redressa doucement et conserva une main entourant fermement tes épaules : t'assurant un appui stable en cas de nouvelles faiblesses. En entendant que tu n'avais rien mangé depuis le matin même, ses lèvres se pincèrent de désapprobation mais il ne pipa mot.*

- Venez, je connais un endroit agréable à deux pas d'ici où nous pourrons nous réchauffer autour d'un petit plat. ça vous dit ? De toute manière, vous avez vraiment besoin d'avaler quelque chose et il hors de question que je vous laisse rentrer chez vous seule dans cet état.

*Tout en te disant ça, il effectua une légère pression pour t'inciter à avancer. Quelques mètres plus loin et au détour d'une rue, il vous arrêta devant une vitrine originale garnie de végétation.*

- Après vous.

*Glissa-t-il en s'effaçant pour te tenir la porte. L'intérieur accentuait plus encore ce qu'on pouvait apercevoir au-dehors. Un petit arbre avait poussé au milieu de la pièce, se prolongeant à l'étage. Le mur végétal sur la droite était orné de plusieurs fleurs tandis que les autres murs de la pièce étaient agrémentés de nombreuses peintures. Les habituelles chaises en plastiques avaient été remplacées ici par de vieux fauteuils moelleux, rendant le lieux encore plus chaleureux.*

- Est-ce que cet endroit vous convient ou est-ce trop excentrique pour vous ?

*te chuchota-t-il discrètement avant de poursuivre plus pour lui même et le regard rêveur.*

- Quand j'y viens, je m'y sens comme un enfant. Chaque endroit où se pose votre regard est un objet de curiosité pour l'oeil, je trouve cela très distrayant...

*Sortant de sa rêverie, il se rendit soudainement compte que ce n'était peut-être pas un endroit que tu apprécierai. Devenu peu sûr de lui, il ajouta précipitamment:*

- Mais si cela vous incommode, je peux vous emmener dans un endroit plus classique.

- Vous êtes vraiment une personne gentille ? Cela existe encore ? Où vous comptez me jeter dans le fossé le plus proche … ?

*La question le surpris. Pendant un instant il ne sut dire si tu plaisantais simplement ou si cela trahissait des expériences passées. Tournant la tête, il murmura à ton oreille d'un ton amusé.*

- Oh ne vous inquiétez pas pour ça, je suis juste la réincarnation de Jack l’Éventreur ...

*Si cette tentative de distraction n'était pas suffisante pour dissiper ton malaise, il espérait qu'au moins cela te détendrait un peu. Il fut rassuré de voir ton enthousiasme et un doux sourire s'installa sur son visage.*

-Vous connaissez ?

*Ta voix le tira de ses pensées et il s'installa à la table face à toi. A vrai dire, le fait que d'un point de vue extérieur, cela s'apparentait à un date ne lui avait même pas frôler l'esprit. Il avait toujours eu un rapport à l'autre difficile : parfois dans la spontanéité absolue, d'autre fois dans le calcul total. Il ne se l'expliquait pas.*

- Pour être honnête, non pas du tout. Ma culture musicale est assez désastreuse pour tout vous dire...

*Avoua-t-il non sans agrémenter sa remarque d'une légère grimace.*

- Benjy Fenwick. Enchanté ! Oui, je dois bien avouer que c'est assez cocasse comme situation mais ... j'aime bien. Pas vous ?

*La serveuse arriva alors pour vous donner les cartes. Benjy ne prit pas la peine de regarder la sienne, il savait déjà quoi prendre.*

- j'aime bien découvrir de nouvelles choses *se sentit-il obligé de se justifier* donc je prends toujours le plat du jour quand je viens ici. *il se pencha un peu au-dessus de la table pour te glisser sur le ton de la confidence* et je n'ai encore jamais été déçu !

*Dès que la serveuse fut partie avec les commandes, il reprit.*

- Par rapport à ce que nous disions tout à l'heure, je crois que nous savons toujours qui est la personne face à nous. J'entends ici : si elle nous veut du bien ou du mal. C'est quelque chose que l'on ressent mais qu'il faut savoir écouter. C'est ça le plus dur au fond je crois : parvenir à entendre la voix de l'esprit sans que cela nous empêche d'écouter cette voix plus profonde que certains appellent l'âme. Vous savez, quand chez certaines personnes il y a des détails qui pour d'autres paraitraient sans importance mais qui attirent votre attention et qui vous dérangent.

*Il faillit ajouter qu'en ce qui te concernait, tu avais été "trahie" par ton corps dans le sens où tu avais fait un malaise en sa présence. Ton corps ne se serrait pas mis en position de vulnérabilité s'il n'avait pas été convaincu qu'il ne lui arriverait aucun mal. Oh bien sûr, Benjy savait qu'il pouvait encore te décevoir, ou que vos deux personnalités pouvaient ne pas se convenir mais cela était autre chose. Une certitude : si vous étiez là, l'un en face de l'autre, ce n'était pas dans le but de faire du mal, bien au contraire, vous aviez tous deux besoin d'être apaisés.*

- ce serait avec plaisir ! Bien qu'il me serait plus agréable encore que vous n'ayez plus de maux.

*Il ne s'expliquait pas ce comportement : cette attention particulière et ce besoin de t'offrir un peu de douceur alors qu'il te connaissait à peine. Sa gentillesse était originelle mais cela faisait bien longtemps qu'il l'avait dissimulée, qu'il ne se la permettait plus. Cette fois en revanche il sentait que c'était différent. Et même si on ne pouvait pas encore parler de confiance, il sentait qu'il pouvait être lui-même sans risque.*

- Oh non ne m'appelez pas ainsi, vous êtes loin d'être une demoiselle en détresse. Je suis professeur et vous ?

*Ce qui n'était pas vraiment un mensonge quand bien même ce n'était pas son activité principale. Ta dernière remarque le dérouta un peu. Il se recula pour aller appuyer lentement son dos sur le dossier de sa chaise alors que son regard se voilait, fixant un point imaginaire par-dessus ton épaule. Il finit par baisser la tête et regarda ses mains qui trituraient nerveusement sa serviette.*

- Oui ... J'ai été manipulé. C'était il y a plusieurs années. J'avais trop souvent tendance à croire en la bonté des gens et ... quelqu'un en a abusé. Dès lors, je me suis refermé et retiré de la vie sociale. La solitude me convenait jusqu'à ce que récemment, une personne franchisse mes barrières. Je traversais une période difficile et elle est venue m'apporter son aide comme je le faisais jadis. Les choses m'ont un peu échappées et soudainement j'ai pris peur. J'ai cru, à tord, que cette personne cherchait à me manipuler sauf que cette fois les enjeux étaient plus grand. Mon passé m'est revenu en pleine figure et j'ai fait une analogie avec le présent. Résultat, j'ai fait subir à cette personne qui était venue m'aider la même chose que ce que j'ai vécu il y a quelques années. De la position de victime je suis passé à celle de bourreau.

*Il poussa un soupir alors que le visage d'Orcus s'inscrivait derrière ses rétines. Secouant doucement la tête, il reposa sa serviette et releva le regard vers toi soudainement mal-à-l'aise.*

- Pardon, ce n'est pas très joyeux. Changeons de sujet, je ne voudrais pas vous ennuyer avec mes histoires.

*C'est le moment que choisit la serveuse pour arriver avec les entrées : une soupe de lentilles corail accompagnée par du pain de seigle. Un dessin avait été tracé avec la crème fraiche et quelques herbes aromatiques agrémentaient le tout.*

- Ils vous font peur ? Comment ça ? Non, je ne vous trouve pas le moins du monde cruel, j'aimerai juste comprendre ce qui vous effraye tant chez eux.

*Kingsley ? Il avait bien entendu ? Le même que celui qui officiait au Ministère de la Magie ? Est-ce une simple coïncidence ou appartiennais-tu au monde magique toi aussi ? Peut-être est-ce une façon de lui demander s'il y appartennait lui aussi. Déjà tout à l'heure tu avais fait mention de ces maux qui te troublaient et une partie de son nom t'avait échappée. Mais il n'avait su comment ré-aborder le sujet. Il ne voulait ni te blesser ni te rappeler à de mauvais souvenirs alors que tu semblais avoir besoin de passer une bonne soirée. Finalement il avait opté pour l'attente, voir si de toi même tu conduirais d'une manière ou d'une autre la conversation vers lui. Son sourcil s'était haussé à l'entente de ce nom, seul signe trahissant son questionnement interne et sa surprise.*

- Qui est ce Kingsley ? Il a dû vous avoir fait beaucoup de mal et semble vous torturer encore on dirait.

*ajouta-t-il d'une voix douce. Levant son verre, il trinqua avec toi, ses lèvres s'illuminant d'un sourire franc. Son regard devint rieur quand il comprit à quoi étaient dues les soudaines rougeurs sur tes joues.*

- Ne vous en faites pas, j'ai aussi pris l'habitude de donner des conseils que je ne sais tenir moi-même.

*Alors que tu évoquais ta vis amoureuse, un sourire triste passa sur son visage. Il comprenait tout à fait ce que tu pouvais ressentir. Après Poudlard, il s'était enfermé dans sa formation d'auror avant de se dévouer corps et âme à l'Ordre du Phénix et à la protection de la famille Potter. Les quinze années passées sous sa forme d'arbre n'avaient pas aidé à sa sociabilisation, à moins que ses amis écureuils, insectes et oiseaux ne comptent ? Et depuis ... il avait eu des sentiments pour une personne mais elle lui avait été enlevée avant qu'ils n'aient le temps de se transformer en un véritable amour.*

*Il a un petit sourire en entendant ta description des enfants. Effrayant parce qu'imprévisible c'est vrai. Son air devint plus songeur tout à coup alors qu'il réfléchissait à tes propos. Loin de ne s'appliquer qu'aux bébés, tes propos pouvaient aussi être tenus à propos des adolescents. Manque de bon sens oui, ou peut-être est-ce simplement les adultes qui ont une vision biaisée ?*

- Je comprends que tout cela puisse être rebutant. Mais ce que j'apprécie chez eux c'est qu'ils n'ont pas encore été "formatés" par la société qui les entoure. Quand ils sont dans cette période où ils se développent et où ils ont une conscience exiguë de leur environnement. Ils se nourrissent de tout et en même temps ils font déjà un tri inconsciemment. C'est sans aucun doute égoïste de dire ça mais je crois que travailler avec eux me permet de comprendre par effet de miroir, ce qui a fait que je suis l'homme que je suis devenu.

*Benjy nota le changement de ton et la froideur de ta voix. Ainsi tu étais donc la secrétaire du Premier Ministre ... Moldu ? Pas forcément. Il n'insista pas en voyant que tu cherchais à changer de sujet. Il le regretta presque en entendant la suite de tes propos. Soudain mal-à-l'aise il se passa la main derrière la nuque, la laissant terminer sa course sur sa bouche. Réfléchissant à tes propos : est-ce qu'il cachait ses défauts ? Deux noms de personnes qui approuveraient vivement lui traversèrent l'esprit. Alors, avec un sourire en coin et une assurance factice, il reposa lentement sa main sur la table, le regard amusé.*

- Je pourrai vous dire la même chose Miss Langdon.

*Il prit un air excessivement mystérieux avant de rire doucement.*

- Je veux bien vous énumérer mes défauts à condition que vous ne vous enfuyez pas en courant ensuite !

*Son petit Kevin ? Benjy hausse un sourcil surpris. Elle en parle comme s'il s'agissait de son fils alors qu'elle lui a avoué vivre seule en n'ayant jamais véritablement connu l'amour. Serait-ce son frère qu'elle aurait dû élever ? Il aurait aimé te faire parler plus de ce "Kevin" car il avait bien noté que parler de lui te rendait plus souriante mais il ne savait comment prolonger le sujet sans se montrer indélicat. Finalement, il opta à nouveau pour écarter les questions, voulant à tout prix éviter de te mettre sur la défensive en se montrant trop curieux. Comme lui, tu ne semblais pas avoir eu beaucoup de rapport humain ces derniers temps et tu donnais l'impression d'avoir besoin de garder un certain espace de liberté.*

- Je suis sûr que ça lui passera, dit-il dans un sourire, durant l'adolescence nous passons tous plus ou moins par cette étape, bien que certains comme vous et moi préfèrent se réfugier dans les livres.

*Tout à coup, l'équilibre précaire de leur rencontre fut rompu et tout bascula. La jeune femme face à lui se mit à bafouiller, parlant plus vite sous l'effet de la gêne tandis que ses joues s'empourpraient. Les yeux de Benjy s'écarquillèrent de surprise tandis qu'il essayait de comprendre ce qui te perturbaient à ce point. La situation était en train de lui échapper complètement et il la voyait approcher dangereusement du point de saturation sans rien pouvoir faire pour l'aider. Lorsqu'il te vit te lever soudainement, il crut que c'était pour partir définitivement. Passant ses mains froides sur son visage puis sa nuque, il se mordit sa lèvre de nervosité. Etait-ce vraiment ce compliment qui t'avait mise dans cet état ? Pourtant c'était toi qui l'avait amené sur ce terrain. Si lui avait été plutôt gêné, ce n'était rien comparé à ce que tu venais de vivre et il ne s'expliquait toujours pas cette réaction. Plus le temps en ta compagnie passait, et plus le mystère t'enveloppant s'épaississait. D'abord Kingsley puis Kevin et maintenant cette réaction. En te voyant revenir des toilettes quelques minutes plus tard, il était presque sûr que tu allais lui annoncer que tu devais partir. Mais finalement tu repris place face à lui pour reprendre le fil de la conversation comme si rien ne s'était passé. Que devait-il faire au juste ? Lui qui était si peu doué lorsqu'il s'agissait de rapports humains ne savait s'il devait t'apporter du réconfort ou faire comme s'il ne s'était rien passé. Autrement dit, dans les pires réactions qu'il pouvait susciter il avait le choix entre en reparler au risque de déclencher un sentiment de honte suffisant pour te faire fuir ou l'ignorer et passer pour un égoïste de première incapable d'empathie. Le mieux aurait peut-être encore été de faire un trait d'humour, mais ce n'était vraiment pas sa spécialité. Finalement, il opta sans grande surprise pour la seconde option.*

- Mes défauts donc. Et bien ... je dirais que je suis introverti et peu loquace, que j'ai tendance à trop vouloir aider les autres, même quand ils ne veulent pas de mon aide. Ah oui et je manque de tact également, je suis trop franc. *ajouta-t-il avec une grimace* Entre autres bien sûr.

*Il fit une petite pause, le temps de porter le verre à ses lèvres avant de changer de sujet.*

- Pardonnez mon impolitesse mais plutôt que de vous retourner la question je préfère vous demander ce que vous aimez faire. Hormis la lecture, y a-t-il quelque chose en ce bas monde qui vous passionne ?