[Echtra] Une soirée au cabaret

*Il pénétra tranquillement dans la salle, et, tel un habitué, alla prendre place au sein d'une alcôve réservée à une clientèle privilégiée. D'épais rideaux rouges couvraient les murs, à l'exception des alcôves qui étaient richement tapissées, et participaient avec la moquette à transformer le bruit des conversations en un murmure. Le cuir rouge des fauteuils contrastait avec les nappes noires finement brodées d'or. Benjy attrapa délicatement son verre en cristal et le porta doucement à ses lèvres alors que son regard parcourait la salle devant lui. Vêtu d'un costume chic mais sobre, il attendait patiemment, tel un prédateur attend sa proie. Sa cible ? Echtra Wilkes. Ce nom était revenu à plusieurs reprises alors qu'il se renseignait, selon le souhait de Maugrey, sur son fils Orcus, et il avait rapidement compris qu'elle représentait un réel danger ou une source d'informations importantes. Le cabaret étant le lieu de prédilection de Madame, il avait décidé de mettre à profit ses nombreuses leçons d'infiltration pour paraître à l'aise dans ce genre d'endroit. Ce soir, l'habituel auror avait disparu pour laisser place au personnage qu'il avait créé spécialement pour l'occasion.
De sa place, il avait vu sur toute la salle mais surtout sur les entrées et sorties et sur le bar. Il se trouvait à une distance raisonnable de la scène sur laquelle des Vélanes offraient une danse délicieuse mais à laquelle il ne prêtait que peu d'attention. Il avait adopté une pose nonchalante, son doigts caressant distraitement le verre de cristal, alors que son esprit vif ne trouvait de repos entre sa proie, son rôle, et sa mission.*

*Il se surprit à ressentir un goût de trop peu lorsque le Rossignol arrêta de chanter. Il avait l'impression d'avoir été brusquement sorti d'un rêve délicieux. Il jeta des regards autour de lui, se souvenant petit à petit de pourquoi il était là. La silhouette d'Echtra s'imposa alors dans son esprit et il reporta son regard vers elle. Elle ne l'avait pas encore remarqué. En revanche, il n'était visiblement pas le seul à l'avoir repéré. Un homme visiblement plus âgé que lui l'invita à danser. Par Merlin ! Tout son projet n'allait quand même pas tomber à l'eau à cause d'un vieux chnoque tout de même ? Pardon, il s'emportait. Il prit une profonde inspiration pour retrouver son calme et chercher un moyen d'écarter ce vil monsieur. C'est alors qu'il le voit lui glisser des mots à l'oreille qui la font rire. Benjy se crispe un temps soit peu, avant de remarquer un détail, ou plutôt de le ressentir. Une impression de fausseté l'envahit. Mais sur le coup il ne parvenait pas à saisir sa provenance. En observant attentivement la femme, il comprit. Tout en elle sonnait faux, c'était beaucoup trop théâtral. Le baiser qu'elle déposa sur la joue de son partenaire le lui confirma. Avec soulagement, il te regarda regagner ta place. C'est alors que ton regard se posa enfin sur lui avant de ... l'ignorer ? Il ne put s'empêcher de sourire, amusé. Il n'en attendait pas moins de toi. Mais déjà tes yeux étaient à nouveau attirés par lui. Lorsqu'il vit ton petit rictus et ton verre qui se leva vers lui, il ne put s'empêcher de jubiler intérieurement. Tu venais de lui offrir quelque chose. Aussi infime soit-il, ce geste que tu venais de faire envers lui allait pousser ton inconscient à lui faire confiance. Le piège se resserrait petit papillon de nuit ! Alors que tu te retournais, il se leva en prenant son verre et se dirigea vers ta table. Il contourna une table ou deux afin d'arriver face à toi.*

- Bonsoir Madame, puis-je vous tenir compagnie quelques temps ? A moins que vous ne soyez déjà comblée par celle de feu Stendhal ?

*Il t'adressa un petit sourire, un peu intimidé.*

Elle porta la dernière olive à ses lèvres et héla un serveur, lequel hocha très rapidement la tête avant d’aller s’enquérir de sa mission. Il n’était, en effet, pas question de continuer la soirée sans olives supplémentaires, comme il n’était pas question de continuer la soirée sans toi non plus, à l’évidence. Echtra releva lentement la tête pour aller à la rencontre de ton regard. Ainsi donc tu osais. Intéressant.

- Bonsoir, répondit-elle d'une voix quelque peu soupçonneuse et hésitante.

Et en plus tu avais de la culture. Vraiment charmant.

- Maintenant que vous y êtes, pourquoi pas. Prenez donc place, t’invita-t-elle en tendant la main vers le fauteuil en face d’elle.

Le serveur revint à ce moment précis et déposa un bol plein d’olives devant elle.

- Merci mon brave. Alors, jeune homme, que puis-je faire pour vous ? Vous n’attendez sûrement pas de moi un cours de littérature ? Quoi que je pourrais vous recommander le « Bovarysme », très agréable en bouche et d’un bleu très envoûtant. Ses effets sont … similaires à ceux que génère un rêve. « Le Rouge et le Noir » est plus enivrant.

Elle zyeuta la piste de danse un bref instant, observant les faits et gestes de chacun. Puis elle reporta son attention à son cocktail, lequel elle sirota avant de poser à nouveau ses yeux gris sur toi. Tu l’intriguais autant qu’elle se méfiait. Rares étaient les jeunes hommes qui l’accostaient et toi, tu paraissais être tout sauf un petit diablotin. Aussi, Echtra finit par sourire, avec un brin de malice, tandis qu'elle se trouvait à des années lumières de la raison de ta présence en ces lieux.

- Vous lisez donc ?

*Quelque peu soulagé, Benjy posa doucement son verre sur la table et s'assit sur le fauteuil que tu lui avais indiqué. Il sourit face à tes propos.*

- Quelle ironie de parler de ce cocktail en ces termes lorsqu'on a lu Flaubert !

*En portant son verre à ses lèvres pour la première fois, il suivit ton regard vers la piste, essayant de déchiffrer si c'était ton inconscient qui lui envoyait des signes ou simplement dans tes habitudes d'observer ceux qui t'entouraient.*

- Oui, depuis tout petit. C'est ma mère qui m'a donné goût à la lecture. Chaque soir elle me lisait une histoire, et parfois même en journée, c'était notre petit moment d'intimité et de complicité. Le reste du temps, elle était trop prise par son travail pour s'occuper de moi.

*Un voile de tristesse passa dans son regard mais il le chassa bien vite.*

- J'ai vite appris à lire, ça me donnait l'impression qu'elle était plus souvent à mes côtés. Et à présent… c'est tout ce qu'il me reste d'elle.

*Il laissa son regard dans le vide, tandis que son esprit se perdait dans ses souvenirs. Il secoua légèrement la tête et rougit un peu, gêné.*

- Pardonnez-moi, je dois vous ennuyer avec mes histoires. Et vous, lisez-vous ?

Elle eut un bref sourire amusé.

- D’une certaine façon, nous sommes tous des Emma. Nous aimons les rêves, nous rêvons d’y croire, que la réalité soit telle que nous l’espérions. On se complaît dans nos espoirs, dans nos désirs, espérant qu’un jour la plénitude et le bonheur frapperont à nos portes. Nous sommes des éternels insatisfaits, nourrissant notre imaginaire chaque jour durant en espérant que celui-ci prenne réellement vie.

Maman Wilkes soupira brièvement et reprit.

- Ce sorcier avait déjà tout compris. Si ce soir, vous prenez ce cocktail, vous vivrez un rêve le temps d’un instant, jusqu’à ce que l’alcool s’évapore. Une échappée d’un instant pour une réalité difficile, éprouvante. Mais que ne ferions-nous pas pour avoir l’impression d’être heureux ?

Le ton était donné. Echtra était de celle qui pensait que le bonheur ou plutôt l’idéal de vie se méritait, que seules nos actions pouvaient nous l’apporter. A son sens, on pouvait accepter la réalité telle qu’elle était ou la manipuler à son compte. En perpétuel mouvement, la réalité n’attendait que d’être guidée. Raison pour laquelle, la sorcière ne faisait jamais rien à la légère. Aucune décision n’était prise sans réflexion préalable.
A l’évocation de ton enfance, un voile passa également devant ses yeux. Pourquoi fallait-il que tout lui rappelle son fils ? Pourquoi fallait-il que ton âge soit approximatif du sien ? Cela l’agaçait. Echtra souhaitait respirer, c’était là la principale raison de sa visite. Mais le destin, vil, se devait de toujours lui rappeler ses échecs. Pour autant, elle écouta sans broncher, encaissant seulement. Ta soudaine rougeur l’interpella cependant. Cherchais-tu donc un quelconque sentiment maternel auprès d’elle ?

- Ces moments-là sont précieux, répliqua-t-elle finalement sans te quitter du regard. La littérature est une mine d’informations mésestimée. Elle est importante dans la formation d’un esprit, on y voit alors tout de suite plus clair. Un millier de choix s’offrent à nous, et par son biais, nous en estimons les conséquences sans aucun mal.

Elle porta une fois de plus son verre à ses lèvres et le reposa très lentement. Echtra n’était pas femme à tourner autour du pot.

- Qu’êtes-vous donc venu chercher en ce lieu, mon jeune ami ?

- Il est vrai. Seulement Emma se rêve une vie en oubliant de vivre. La littérature appartient certes à la fiction mais elle repose sur la vie. Sans elle, elle ne serait rien. Emma avait un enfant, un mari, des amants et des amis. Mais elle ne voyait pas ce qu'elle avait. Elle n'a jamais pris le temps de s'arrêter pour regarder ce qui l'entourait sans prisme. Le bonheur ne viendra jamais frappé à notre porte si nous ne faisons rien pour l'inviter. Je suis de ceux qui croient que la vie est un cadeau, non un fardeau. Il y a des moments difficiles, parfois, souvent, mais pas que.

*A ta question, il regarda autour de lui en poussant un soupir.*

- Je voulais m'échapper l'espace d'un instant. Être quelqu'un d'autre le temps d'une soirée, être libre. Je pensais rester seul dans mon coin, à observer les gens. Mais voilà que la vie a voulu que nos chemins se croissent. Votre présence a changé la donne. Alors je suis venu vous trouvez, sans vraiment savoir pourquoi, sans rien attendre d'autre que le plaisir de partager. Car je crois que c'est ce que la littérature nous enseigne : le partage. Notre temps est compté, mais il suffit parfois de passer quelques minutes avec la bonne personne pour que celui-ci s'allonge. Et même si le moment où l'on se sépare arrive toujours pour mettre un terme à la magie de l'instant, le souvenir ne se ternira jamais. Il perdura dans notre mémoire, tel un rayon de soleil dans un ciel d'orage, nourrissant l'espoir.

*Son regard se porta à nouveau sur toi, avant qu'il ne porte le cocktail à ses lèvres pour en boire une gorgée, puis deux. Il reposa ensuite son verre, observant un petit silence. Son doigt glissa le long de la courbe du verre pour venir dessiner distraitement des huit sur la table verni.*

- Et vous ? que désirez-vous trouver en venant ici ?

Elle garda le silence, le regard légèrement plissé et te laissa poursuivre. Soupçonneuse, Echtra sentait que quelque chose clochait. Elle n’en laissa toutefois rien paraître. Pour quelle raison te soupçonnait-elle ? Parce que tous autant qu’ils étaient, venaient chercher quelque chose au Cabaret du Val d’Amour. Or, toi qui présentais la vie d’une façon positive, tu étais là. Ou plutôt, que faisais-tu là si la vie était si belle et agréable à vivre ? La réponse ne se fit pas attendre et son instinct en décela plus que de raison. Aussi choisit-elle de te tendre une perche un tantinet risqué, pour toi évidemment. Un sourire énigmatique se nicha sur ses lèvres et elle répondit enfin d’une voix presque suave.

- Ainsi donc vous non plus vous ne voyez pas ce que vous possédez. Vouloir la liberté n’est-ce pas là le rêve de tous ?

Elle sourit davantage et prit une gorgée de son cocktail.

- Vous n’êtes pas honnête envers vous-même cher ami. Quiconque passe le seuil de ce Cabaret sait qu’il ne passera pas la soirée seul. Mais ce n’est pas là le plus gros de vos mensonges. Ce n’est pas moi que vous cherchez en ce lieu. A vous entendre, vous possédez un désir bien plus grand, celui de retrouver un souvenir, un souvenir partagé peut-être. Je n’ai pas la prétention de lire dans les esprits ni même de prédire de quelconques vérités, toutefois, vous semblez bien moins calme que vous ne le laisserez paraître. Peut-être inconsciemment.

Echtra se pencha alors vers toi et reprit.

- On appelle cela la « soupape de sécurité ». Or ici, nous la faisons sauter d’un claquement de doigts.

Ce qu’elle fit. Derechef, un serveur arriva à sa hauteur.

- Nigel, apportez-donc un « Bovarysme » à notre jeune ami, je vous prie.

Puis s’adressant à toi, de nouveau.

- Retournez dans votre alcôve et fermez les rideaux. Je veillerai à ce qu’on ne vous dérange pas. Trente minutes, c’est le temps imparti. Oubliez-vous et buvez le cocktail. Laissez votre rêve vous happer et ensuite nous reparlerons de cette fameuse « vie ». Bon voyage.

*Benjy lâcha du regard une scène assez amusante où un homme quelque peu éméché s'était pris une claque monumentale après avoir fait des avances pour le moins vulgaires. Petit sourire un coin, il le perd en se retournant vers toi.*

- Tous rêvent de se libérer des autres, c'est de moi que je veux me défaire...

*Il s’apprêtait à boire une gorgée de son cocktail mais devant ton accusation se ravise.*

- Vous ne devez pas manquer de confiance en vous pour me porter une telle accusation alors que voilà à peine un quart d'heure que nous discutons. Nous avons chacun nos tourments intérieurs, est-ce une raison pour les faire subir aux autres ? Si j'avais eu l'air triste et torturé, jamais votre regard ne se serait posé sur moi. Et vous auriez eu raison, nous avons assez à porter avec notre fardeau. Et puis ... si je puis me permettre, Madame, vous portez une magnifique robe verte et un rouge à lèvre, ne pourrais-je pas à mon tour vous soupçonner de porter un masque ? Vous rayonnez et pourtant votre vision de la vie est bien triste, presque noire parfois.

*Il regarda avec curiosité le serveur s'approcher, se demandant ce que tu lui réservais. Il haussa un sourcil à ta proposition qui apparaissait plus comme un ordre dissimulé. Mais il se contenta d'hocher la tête. Juste avant de se lever il se pencha vers toi.*

- Pourquoi ne pas vous aussi faire l'expérience ? Libre à vous de m'en parler ou non ensuite. Il n'y a pas de raison pour que vous soyez la seule à vous amuser !

*Il sourit et se leva, non sans faire un signe à un second serveur pour qu'il vienne t'apporter un Bovarysme.*

Elle rit, tout doucement, et te jeta un regard des plus amusés.

- Mais mon bon ami, nous portons tous des masques ! Le monde est une vaste scène sur laquelle nous jouons tous notre comédie. Cela vous étonne ? Cela ne devrait pas. Le tout étant de ne pas se mentir à soi-même. Car si par malheur vous vous trompez vous-même, alors le masque n’est plus un plaisir, il n’est que chaîne, que corde prête à nous pendre.

Elle rit encore un peu, cette fois devant sa main dont elle porta le dos à ses lèvres. Tu avais un répondant qui lui plaisait, un esprit aussi aiguisé que tourmenté. Echtra aimait les tourments quand ils n’étaient pas siens, car l’on se complaisait toujours du malheur des autres. Ce malheur-là la rendait vivante. En outre, tu savais te rendre intéressant, même si elle était convaincue qu’une barbe de trois jours t’irait mieux. Ta bouille était encore trop enfantine. Un bref instant, elle s’imagina corrompre ton visage, noircir tes traits, en durcir les ombres, y faire couler le sang de son ongle par une simple entaille…Jusqu’à ce que ton commentaire ne la fasse arquer un sourcil. Echtra sourit de plus belle et se leva gracieusement.

- Qu’il en soit donc ainsi !

Nigel bis lui amena un « Bovarysme » dans son alcôve. Echtra plongea son regard dans l’intensité de ce bleu si profond, si sombre. C’était comme contempler un ciel nocturne avant de s’en abreuver. La sorcière le but en entier puis s’allongea lentement sur la banquette. L’alcool lui monta à la tête très rapidement. Ses paupières s’alourdirent et dans les vapeurs d’un rêve magique, elle se laissa tomber.

« Docteur Wilkes, la Gazette aimerait publier un dossier spécial sur l’Immortalité. Ils veulent que vous puissiez le commenter et l’illustrer de vos recherches.
- Et en contrepartie, Dorotha ?
- Ils vous accorderaient une somme conséquente pour alimenter davantage de recherches.
- Vous savez qu’ils ne peuvent découvrir ce que nous leur cachons, n’est-ce pas ? La matière noire que nous continuons d’extraire et d’analyser doit rester secrète à tout prix. Donnez-leur mon accord pour dans trois semaines, afin de mettre en place notre entourloupe. Pas un mot à Sanguini, nous sommes d’accord ?
- Oui, Madame !
- Mr Wilkes et les enfants ?
- Ils vous attendent. Monsieur Wilkes vous réserve une surprise pour votre anniversaire.
- Parfait, parfait. Barjow a-t-il eu sa livraison comme convenu ? Les artefacts avancent ?
- Tout est en ordre, Madame.

Un sourire fendit les lèvres de la sorcière. Elle reposa sa plume, ôta ses lunettes et se leva pour approcher félinement de sa secrétaire et partenaire de crime. De sa baguette, elle ferma la porte à double-tour. […] Une heure et demi plus tard, elle rentrait au Manoir Wilkes. Elle salua d’abord son époux d’un chaste baiser avant d’accueillir à bras ouverts ses fils. Dans ce rêve, Echtra n’avait jamais subi le traumatisme de son premier accouchement. Sa famille était au complet.
- Où sont-ils, demanda-t-elle dans un murmure à l’adresse de son époux.
- Enchaînés à ton laboratoire, au sous-sol. Fraîchement cueillis tout à l’heure…. »

*Benjy se leva d'un même mouvement et t'adressa un vague signe de tête avant de rejoindre son alcôve, juste à côté de la tienne. Les tentures étaient tirées, baignant l'espace d'une douce obscurité dont seule une petite bougie posée sur la table à côté du verre venait tromper la tranquillité. Dans le fond de la petite pièce, collé au mur, un divan était prêt à l'accueillir. Il s'assit doucement dessus, savourant l'impression de légèreté que cela lui donnait. Il aurait presque cru s'asseoir sur un nuage. Il prit doucement son verre et le porta à son nez pour en humer le parfum. L'alcool titilla ses narines un instant avant de laisser place à quelque chose de plus sucré, parsemé d'ondes florales. Il approcha ensuite tout doucement le verre de ses lèvres et laissa le liquide céleste les caresser avant d'un prendre une petite gorgée. Instantanément il se sentit transporté quelques instant, avant de revenir à l'instant présent. Il reposa doucement le verre le verre sur la table avant de soupirer. S'il buvait ce breuvage, il ne serait plus en mesure de mener à bien sa mission. Mais s'il ne le prenait pas, Echtra le considérerai surement comme une offense, et jamais il ne prendrait le risque de se la mettre à dos. Il reprit deux gorgées et s'allongea sur le dos en fermant les yeux, priant pour que cela suffise.*


"Il marchait doucement dans un jardin. Tout lui semblait magnifique, et il sourit en se disant que le propriétaire avait un don pour le jardinage. En baissant la tête, il vit que s'il marchait aussi lentement c'est parce qu'un petit garçon lui tenait la main. A cet instant, il releva sa petite bouille d'ange vers lui, un grand sourire, des belles bouclettes noires et des yeux verts. Les yeux de Lily.

- A Benjy, Harry vous voilà ! venez manger on attend plus que vous !

Lily, un grand sourire aux lèvres se tenait juste devant eux. Elle lui glissa un "merci de l'avoir calmé !" à l'oreille avant de prendre Harry dans ses bras pour le déposer sur sa chaise, à côté de son parrain. James arriva à ce moment là en brandissant une bouteille de champagne, on fêtait les trois ans d'Harry. Peter prit place à table tandis que Rémus berçait doucement un petit nourrisson entre ses bras, une joie indescriptible sur son visage. La grande famille qu'ils avaient toujours formés était toujours unie et heureuse, vivant enfin heureux après les dures années de la première guerre des sorciers. La guerre. Ce mot sonna comme une fausse note qui ébranla tout son corps. La guerre contre les ténèbres, contre le mage noir, contre Voldemort. Voldemort."

* Il eut l'impression qu'une voit avait murmuré tout contre son oreille, le réveillant en sursaut. Il bondit sur le divan en brandissant sa baguette, mais seule l'obscurité l'entourait. Il se rassit doucement, tentant d'apaiser les battements de son coeur. ça paraissait tellement réel ... Il tendit la main vers le verre et le rapprocha de ses lèvres, il n'aspirait qu'à une chose, y retourner. Le visage souriant de Lily lui revint en mémoire et il porta machinalement la main à sa fleur de lys, à l'abri dans sa poche. Le contact si familier des pétales sur sa peau parvinrent à le faire sortir de sa transe, et il jeta loin le contenu de son verre. Sombrer dans l'alcool ne la fera pas revenir. Tout ça n'était qu'une illusion. Il passa ses mains froides sur son visage pour finir de se réveiller et lança un "récurvit" informulé pour effacer toute trace de son méfait. Il reposa le verre sur la table et jeta un oeil à sa montre. Il lui restait quinze minutes avant que Mme Wilkes ne sorte de son alcôve. Il ne pouvait raisonnablement pas lui raconter ce rêve, il faudrait qu'il en trouve un autre, suffisamment personnel pour gagner sa confiance mais qu'elle ne pourrait pas utiliser comme une arme. Il se rallongea sur le divan et fit des petits exercices de respiration pour se concentrer.*

L'heure. Le temps. Elle ouvrit les yeux, aussi soudainement que si elle avait manqué d'oxygène. Brutalement. La migraine était foudroyante. Elle ne durerait que l'espace de quelques secondes, mais c'était suffisant pour assommer l'assoiffé, le rêveur. Le coeur encore battant, elle revit chacune des images défiler sous ses yeux. Ce plaisir malsain à posséder le pouvoir, à jouer de ce pouvoir, d'être tout ce qu'elle avait toujours voulu. Un rêve, terrible et merveilleux à la fois. Elle se redressa, une goutte perlant de son front. Elle était encore haletante. Avait-elle vécu pareil désir une fois dans sa vie ? Avait-elle seulement connu ... Elle rit. Non. Bien sûr que non. Ce n'était pas Lui qui aurait pu lui offrir une telle jouissance. Toujours à satisfaire ses désirs avant les siens. Dans ce rêve-ci, elle était La maîtresse, celle au contrôle. C'était exaltant ! Pourtant, et c'était là que se trouvait le vice, elle ressentait un vide tout aussi profond. Le rêve avait laissé un trou là où il aurait dû la combler. Cette vie qu'elle avait vu, qu'elle avait goûté du bout des lèvres, s'était envolée voilà bien des années maintenant. Echtra ne pouvait s'en sentir plus frustrée. Cependant, elle ne pouvait s'accorder davantage de temps pour y réfléchir. Son petit agneau avait-il, lui, joué le jeu jusqu'au bout ? Elle l'espérait comme elle en doutait. La cause ? Parce que cette évasion demandait des tripes, du courage, bref d'abandonner les faux semblants pour se regarder en face. Ce cocktail, c'était un miroir de Risèd à l'état liquide.

Tant bien que mal, la sorcière tenta de remettre ses idées en place et profita de cet instant d'intimité pour se repoudrer le nez. Ce qu'elle venait de vivre ne devait laisser aucune trace, visible du moins. Elle se leva moins de deux minutes plus tard avec grâce, bien qu'elle continuait de se sentir assommée. Elle entrouvrit les rideaux et fit signe à Nigel Bis de s'approcher, ce qu'il fit en deux temps trois mouvements.

- Nigel, vérifiez que notre ami ait bu tout son verre, je vous prie. C'est un novice. Vérifiez aussi s'il est bien vivant.

Elle partagea un regard complice avec le serveur, regarda à droite et à gauche, et regagna leur tablée, l'air de rien. Elle savoura sa dernière olive plus que bienvenue et expira profondément avant de voir son petit agneau pointer le bout de son museau. Un sourire profondément amusé fleurit sur ses lèvres encore imbibées du cocktail. Nigel, dans ton dos, lui fit signe que le verre avait été ingurgité. Elle fut surprise et ne s'en cacha pas le moins du monde.

- Eh bien vous m'étonnez, mon bon ami. Qui aurait pu parier que vous sombreriez corps et âme dans "Le péché du rêveur" ? Fabuleux n'est-ce pas, le pouvoir de ce mélange d'apparence inoffensive tout au plus folklorique ?

*En entendant quelqu'un pénétrer dans l'alcôve, il fit semblant de se réveiller en sursaut, reproduisant ce qu'il avait vécu la première fois. Il resta assis quelques instants, mimant l'étourdissement alors que celui qu'il identifia comme un serveur quittait l'alcôve. Il était normal que celui-ci s'assure de son réveil, avec une boisson comme celle-ci, le doute était permis.
Il se releva lentement puis poussa le rideau d'une main et se glissa dessous. Elle était à nouveau assise à leur table. Son regard était rivé sur lui, le scrutant si bien qu'il en aurait presque pu perdre le contrôle. Mais il ne se laissa pas intimidé et regagna la table en prenant soin d'adopter la démarche d'un gentleman quelque peu éméché qui tentait toutefois de rester élégant et distingué en toute circonstance. Il prit place à tes côtés, ton regard inquisiteur ne l'avait pas lâché. Il s'installa nonchalamment dans le fauteuil et darda son regard sur toi.*

- Auriez-vous douté de moi ? Je n'ai qu'une seule parole Madame.

*Puis il dévia le regard, comme pour se replonger dans ses souvenirs fraichement récoltés.*

- Je dois avouer que les effets de ce breuvage sont surprenant et pour le moins déroutant. Ce rêve semblait si réel ... je serai presque nostalgique qu'il est déjà pris fin.

*Il reporta son regard sur toi.*

- Jamais je n'aurais cru vivre un jour pareil expérience mais je ne sais encore si je dois vous en remercier ou vous blâmer. Mais ce serait fort impoli de ma part de ne pas vous laisser commencer votre récit. A moins que vous ne doutiez encore de moi et ne souhaitiez, ne serait-ce que par mesure de sécurité, écouter le mien de prime abord. Je tacherai de ne pas me sentir vexé. Ai-je tord ?

*Il se redressa un peu sur son fauteuil pour se pencher vers toi (en conservant tout de même l'espace que la décence et le respect obligent.)*

-  Vais-je être le seul à accepter de prendre des risques ce soir ?

A qui le disais-tu ! Elle aussi aurait aimé que ce rêve ne prit pas fin. Ce qu’elle vivait était étonnamment morcelée et encore, elle n’était pas au bout de ses surprises. Jusque-là, elle s’était refusée à goûter à ce cocktail de malheur, préférant de loin, ceux plus aphrodisiaques. Mais maintenant qu’elle y avait trempé ses lèvres, elle savait vouloir connaître la fin, quitte à s’y noyer le temps d’une semaine. Aussi il paraissait étonnant que toi, novice à la gueule d’ange, tu ne sois pas davantage affecté, davantage retourné par ce que tu avais pu voir. « Presque nostalgique »… Tu parlais de mesure quant elle te parlait d’ivresse, d’une drogue dangereuse. Quelque chose sonnait définitivement faux ou alors, soit elle était faible d’esprit, soit tu avais une vie parfaitement posée. Elle n’en croyait pas un mot.

- Vous êtes admirable, cher ami. Généralement, on ne ressort jamais de cet alcôve avec de la nostalgie. On en veut plus, on en veut encore. Mais vous devez être bien plus fort que nous autres en mal d’ivresse.

Son sourire se fit faux. Tu voulais jouer, simuler face à elle, très bien mais c’était à tes risques et périls. Après tout, Orcus ne tenait pas son masque implacable de son père, encore moins sa ruse. A la suite des paroles, elle se permit un éclat de rire, cette fois-ci sincère. Tu étais définitivement trop sage. Ce qui la laissait soupçonneuse quant à tes intentions. Pour quelle raison t’étais-tu perdu ici, bel agneau ? Il fallait être fou pour se jeter dans la gueule du loup quand on ne se mouillait qu’à moitié. Tout dans ta voix, dans tes apparences et tes manières laissaient entendre que tu cherchais l’ascendant sur elle ou bien alors une quelconque séduction. Pourquoi ? Pour qui travaillais-tu ? Ta provocation confirma ce qu’elle savait déjà. Nonchalamment, elle répliqua alors, le regard soudain plus inquisiteur et averti :

- Et quels risques prenez-vous ce soir, bel agneau ? Je serais curieuse de les connaître, étrangement. A part celui de me provoquer, je ne vois absolument pas quel risque vous accepter de prendre. Après tout, vous semblez bien sûr de vous et de vos affaires. J’ignore la raison de votre présence, mais si c’est mon fils qui vous envoie pour traquer mes habitudes ou veiller à ce que je ne dilapide pas son héritage, vous pouvez passer votre chemin et lui dire que Maman se porte comme un charme.

Et elle se leva, prête à rejoindre l’homme qui l’invitait à danser, sans plus t’accorder le moindre regard.

*Il te regarda te lever alors qu'un homme se dirigeait déjà vers toi. Oh non non non, il n'allait pas laisser un inconnu t'inviter à danser une seconde fois. Il lança un informulé dans son dos et l'homme se rétama de tout son long à tes pieds. Benjy l'enjamba et saisit ta main tendue pour t'emmener sur la piste de danse.*

- Voilà une situation délicate, permettez-moi de vous en extraire.

*puis en jetant un regard à l'homme qui reprenait ses esprits.*

- On dirait que vous êtes femme à soumettre les hommes, je crois pouvoir me sentir soulagé de ne pas être venu pour cela.

*Il reprit, alors que son corps se mettait doucement en mouvement, au rythme de la musique.*

- Laissez-moi au moins faire face à vos accusations, entendez mes réponses et ensuite jugez-moi à votre guise. Je ne prêtant pas posséder un force supérieure à celle que d'autres peuvent avoir. J'essaye juste de me battre au mieux contre mes propres démons. Nous avons chacun nos ressources, celles qui nous permettent de survivre, leur puissance ne dépend que de notre état d'esprit, et de notre regard sur elles. Une fois qu'on a compris ça elle peuvent nous porter aussi loin que nous le désirons. Nous ne sommes toutefois pas à l'abri des rechutes, ce n'est pas le saint Graal dont je vous parle mais il faut l'accepter, la laisser couler sans faire une fixation dessus. Forcément, ainsi énoncé tout parait facile, mais certains passages de cette voix sont souvent bien sombres ... Il faut parfois passer par les pires choses pour comprendre ce qui peut composer un petit bonheur quotidien.

*Il se tût quelques instants, le temps que ses paroles fassent leur chemin avant de reprendre en te regardant toujours droit dans les yeux.*

- J'ai pris le risque de vous faire confiance alors que je ne vous connaissais à peine pour boire ce breuvage. Je ne sais rien de vous. Qu'est-ce qui aurez pu vous empêcher d'y glisser du poison ? de toute évidence vous êtes familière de cet endroit et des serveurs, et vous saviez très bien que ce n'était pas mon cas. J'ai bu ce cocktail sans même savoir précisément quels effets il aurait sur moi. Et quels effets ! J'ai sombré dans mes désirs les plus profonds, je ressentais tout à tel point que j'avais l'impression de vivre cet instant. Ce cocktail m'offre la vie dont j'ai toujours rêvé, et qui m'a été enlevée, que dis-je arrachée. Depuis que j'ai accepté de le boire, j'ai pris le risque qu'à chaque instant, je ne sois dévoré par l'envie d'y retourner, de me replonger dans cet univers. *l'image de Lily repassa devant ses yeux, et sa vue se brouilla. En s'en rendant compte, il fit un mouvement pour te faire tourner, espérant qu'ainsi cet instant de faiblesse t'échappe.* Et maintenant, il va falloir que je résiste, et que je réapprenne à vivre, que je retrouve mon regard sur la vie, celui que j'avais avant cette expérience. Car soyez-en certaine, dans le cas contraire, je pourrais ne plus trouver aucune saveur en cette vie-ci et vouloir plonger corps et âme dans le pêché du rêveur pour n'en plus ressortir.

*Il parlait sincèrement. Cette expérience l'avait véritablement ébranlée et il aurait du mal à se défaire de cette image de bonheur qui se dégageait de la tablé et de sa meilleure amie. Oui, elle était sa faiblesse, il n'avait pas su la protéger, la préserver comme elle l'avait fait pour lui des années plus tôt, et il se sentait coupable de ça. Dans ce rêve, le poids de la culpabilité avait enfin disparu. Il s'était senti beaucoup plus léger l'espace de quelques instants, raison pour laquelle ça représentait un véritable danger.*

Elle arqua un sourcil devant la scène. Si elle en ressentit quelques pointes d’amusement, elle désapprouva le geste. C’était qu’elle était réputée dans ce cabaret, il n’était donc pas question que tu entaches sa réputation. Pour le reste, Echtra attrapa ta main, ignorant que tu avais vécu une scène similaire avec son fils. A nouveau, tu laissas entendre que tu n’étais pas venu par hasard. Ce mystère l’agaçait profondément et lui faisait perdre patience. A quoi tout ceci rimait donc ? Lassée de toute cette mise-en-scène, Echtra se laissa guider non sans observer le monde autour d’eux. Elle t’écoutait naturellement, mais que d’une oreille. De sa position, tu cherchais à détourner l’attention par un brin de philosophie. Ce qui te rendait d’autant plus coupable. Elle eut même un soupir de provocation, jusqu’à rencontrer ton regard et le tenir. La suite l’intéressa davantage. Ainsi donc, tu avais réellement goûté au cocktail. La sorcière entendit ta sincérité comme ta douleur profonde. Voilà qui était mieux !

Naturellement, elle analysa chacune de tes paroles, cherchant la faille ou les raisons de ta présence. Tu étais donc un homme qui se refusait à désirer, à vivre finalement. Raison de plus pour s’interroger sur ta présence en ce lieu luxurieux. Ta faiblesse ne lui échappa pas, malheureusement pour toi. Echtra replaça finalement ta mèche de cheveux d’un geste maternel et sourit avec une fausse douceur.

- Il est d’autant plus dangereux de ne pas céder à ses désirs, petit agneau. Cela ne fera pas de vous un loup, si c’est cela que vous craignez. Vivre une vie de regrets ou vivre à moitié, quel intérêt ? Vous donnez l’impression de survivre plutôt que de vivre. C’est d’une tristesse, mais laissez-moi vous rappelez ceci : vous n’aviez aucun couteau sous la gorge, vous avez voulu boire ce cocktail. Tout n’était que le fruit de votre volonté, sauf si vous teniez à obtenir quelque chose en échange. Mais dans les deux cas, vos désirs inassouvis se présentent comme étant votre plus grande faiblesse, cher ami. Vous ne gagnerez jamais à ce jeu-là. Réapprenez donc à rêver.

Elle reposa sa main sur ton épaule et plissa le regard pour passer aux choses sérieuses.

- Maintenant dites-moi ce qui vous lie à mon fils.

Car non seulement tu n’avais pas nié avoir été envoyé par Orcus, mais en plus, tu n’avais pas bronché à sa révélation. Echtra était désormais convaincue que tu étais là pour elle, que tu savais qui elle était. Quand son fils cesserait-il de fouiller dans ses affaires ? Et dire que maintenant, il lui envoyait même ses larbins ! Si elle n’en montrait rien, elle était désormais fortement contrariée. Et dire que votre rencontre avait si bien commencé. Echtra n’avait jamais cru au hasard, et cette fois encore, les circonstances lui prouvaient ô combien elle avait raison.

*Il nota ton agacement et ton soupir provocateur, quelque chose t'avait déplu, mais où donc avait-il fauté ? Il redoubla d'attention, reprit son air sérieux et se concentra sur tes paroles. Heureusement pour lui, la danse ne lui demandait plus d'effort à présent, il pouvait aisément continuer de danser sans plus s'en préoccuper. Un avantage certain qu'il avait sur ses partenaires, surtout lorsque la discussion prenait un tournant aussi sérieux et décisif. Avantage, qu'il ne pouvait se vanter d'avoir dans d'autres domaines comme la couture par exemple.*

- Il ne m'est plus permis de vivre dans ce bas-monde... La survie ou la mort, qu'auriez-vous choisi à ma place ?
Vous avez mis le doigt sur une de mes faiblesses, qu'à cela ne tienne, j'en ai d'autres encore.

*Il fut quelque peu surpris et dérouté par le frôlement de ta main dans ses cheveux. Mais ce n'était comparé à la surprise qui se dessina sur son visage à l'évocation de ton fils. Il leva un sourcil interrogateur et son regard se chargea d'incompréhension.*

- Votre fils ? J'ignore jusqu'à votre nom et vous me demandez de justifier ma présence ici qui selon vous est ... lié à une personne dont j'ignore l'existence... Je suis désolée de vous décevoir Madame mais cette fois, votre requête dépasse mes capacités.

*Il était parfaitement sincère dans sa réponse, et l'incrédulité qu'il ressentait face à une telle accusation n'avait toujours pas quitté son regard. Il s'était montré parfaitement sérieux, pas de sarcasme, ni d'ironie n'avait percé dans sa voix, encore moins de la moquerie. Aucun de ces tons n'avaient frôlés son esprit, pas dans ce genre de situation.*

- Ni l’un ni l’autre, trancha-t-elle en suivant les pas de son guide sans trop réfléchir. Mais permettez-moi de vous dire à quel point vous êtes un idiot. Vous êtes inintéressant et totalement dénué de jugeotte. Vous souhaitez mourir, grand bien vous fasse, mais ne venez pas ternir nos instants de vie.

Sa voix s’était faite tranchante, sans pitié aucune. Pourquoi en aurait-il été autrement ? On parlait de Maman Wilkes, pas de n’importe quelle autre femme. Chacun de mots prononcés, elle le pensait. C’était comme ça. Pour elle, la vie était à vivre, à sucer jusqu’à la moelle, jusqu’à l’overdose. Pour le jeune homme en face d’elle, elle n’avait donc aucune estime, presque de la déception. Elle ne comprenait pas cette manière de penser.

- Ne soyez pas si fataliste, jeune homme. Cela ne vous va pas.

Quant à l’évocation de son fils, Echtra resta impassible. S’était-elle trompée ? Peut-être. Mais le soupçon demeurait. C’était sa marque de fabrique après tout. On ne soupçonnait jamais assez les hommes. Ce jeune homme avait l’air sincère, certes. Mais dans le doute, elle enverrait une note à son fils, ne serait-ce que pour rappeler les règles.

- Alors récapitulons, vous n’êtes pas là sous les ordres de mon fils. Vous n’êtes pas là non plus pour mourir, encore moins pour vivre. Alors rappelez-moi pourquoi vous êtes ici, au juste ? Et surtout en ma compagnie ?

Une seconde mélodie se fit entendre, mais aucun des deux ne se lâchèrent encore. Le duel n’était pas terminé. Alors Echtra continua de danser, offrant des œillades aux regards persistants qu’elle sentait sur elle.