[Fleur + libre] Un charme est ce qui subjugue, plutôt que ce qui plaît.

*Orcus Wilkes était assis derrière son bureau depuis 7h15 du matin. Le noctambule botaniste aimait venir travailler à cette heure, pendant que les bureaux étaient encore vides, il se révélait beaucoup plus productif dans le silence. Mais loin d'être seulement zélé, ce rythme lui permettait de quitter le ministère plus tôt, de faire une sieste pour retrouver un teint frais avant de rejoindre le côté pile de sa vie dans les endroits les plus secrets de l'allée des embrumes. Et pour le reste de son sommeil en retard, il ne manquait pas d'astuces, lesquelles s'avalaient, se buvaient ou s'inspiraient à l'abri des regards indiscrets. En somme, malgré l'apparence de cette habitude matinale, le botaniste n'était en rien une personne « raisonnable », en témoignait la récente altercation avec Quinn Selwyn qui lui avait coûté la vie d'un employé, un brushing et l'adoption forcée de toute une famille de Boursouflets.

Le décès du regretté Sylver Atkins n'avait pas qu'accentué le mauvais penchant d'Orcus pour l'alcool et les plantes récréatives, il avait aussi laissé une place à prendre au sein de son département. Alors qu'il pensait s'occuper du recrutement lui-même, le directeur de la coopération magique internationale lui avait glissé un CV sur le coin de son bureau, « à charge de revanche », avait-il dit. C'est ainsi qu'il s'attendait à voir débarquer d'une minute à l'autre une bouffeuse de grenouille du nom de Fleur Delacour. A quart vélane la française avait été vendue comme « un atout indéniable pour renforcer les liens entre créatures humaines et non-humaines ».

Tout autant dans ses voyages que dans son travail, le jeune homme avait rencontré des tas de créatures magiques, mais jamais encore il n'avait eu affaire à une vélane. Une chose était limpide cependant, LUI ne se laisserait jamais envoûter par un charme aussi grossier et comptait bien rappeler à cette soi-disant créature du paradis que seuls les rustres et les idiots se laissaient mener par le bout du nez au prix d'un papillonnement de cils.*

J'étais sceptique quant à ce nouveau poste. Secrétaire ? Je pense tout de même avoir de bonnes capacités pour un meilleur poste... Mais je m'étais mis comme objectif de commencer simplement pour améliorer mon anglais. On m'a alors prévenu qu'un poste se libérait au département de régulation des créatures magiques. Les créatures magiques... Peut-on dire que si je suis prise, la boucle sera bouclée ?

J'avais attendu quelques jours avant d'avoir une réponse. Je m'étais même dit que le poste avait déjà certainement été pourvu et m'étais mise à chercher ailleurs. Tu voulais mieux, ma petite, même pour ça on veut pas de toi. Mais la lettre venant du ministère me fit afficher un petit sourire en coin : j'avais rendez-vous avec Orcus Wilkes, le directeur du département.

Une demi heure plus tard, j'étais assise devant le bureau, sur une chaise, patientant qu'il me reçoit. Je tapotais mes doigts fins sur mon petit sac à main, regardant tout autour de moi. Comme toujours, les gens se retournaient sur moi, les hommes avec intérêt, les femmes avec jalousie. Je me contentais de garder mon visage fermé.

La porte s'ouvre subitement, je me lève rapidement et détaille l'homme en face de moi. Grand, brun, look plutôt original, il ne me dit absolument rien. Il m'invite à entrer dans son bureau, je m'exécute et une fois qu'il ferme la porte et s'installe derrière son bureau, je lui tends la main avec un sourire poli.

- Fleur Delacour, merci de me recevoir.

*Avec 10 bonnes minutes de retard, un fait exprès, Orcus se leva pour accueillir celle qui n'aurait pas intérêt à être à la traine, car seul le patron pouvait se permettre de manquer de ponctualité. Autant que tu saches dès le départ qu'il pouvait se révéler être un véritable petit con. Il maintint la porte ouverte avec son dos, mais ne leva pas encore le nez de ses mains pour regarder la jeune femme, trop occupé à prendre une cigarette dans son étui en argent pour te prêter attention... ou peut-être parce qu'il craignait ton pouvoir, quoi qu'il prétendit.

Il coinça la cigarette entre ses lèvres, l'alluma d'un claquement de doigts et rejoignit le luxueux fauteuil derrière son bureau en acajou. Passant ainsi dans ton dos, il nota que tu sentais divinement bon, presque aussi bon que les vapeurs d'un excellent champifleur, étrangement. Une fois installé, il leva enfin le nez sur toi et après un court temps d'arrêt, accepta ta poignée de main qu'il serra en prenant soin d'y mettre un minimum de délicatesse.*

Orcus Wilkes. Enchanté Miss Delacour, veuillez vous asseoir.

*Il devait reconnaitre qu'il te trouvait jolie, il devait même lutter pour maintenir la fermeté de ses traits, mais de là à minauder devant toi ? Certainement pas. Il recula dans son fauteuil, souffla une fumée grisâtre dans ta direction et passa sa langue sur ses lèvres avant de parler avec tout le sérieux dont il était capable. Il n'était pas venu le jour où il céderait à la blondeur étincelante de ta chevelure !*

Parlez-moi de vous, Miss Delacour. Qu'est-ce qui peut bien pousser une jeune femme à traverser la Manche pour s'enfermer dans un bureau ? Quels sont vos points forts ? Vos défauts ?

*Pour ce travail, cela va de soi.*

Je le regardais poser lascivement sa cigarette entre ses lèvres et l'allumer d'un claquement de doigts, ce qui me fit hausser les sourcils. De la magie sans baguette ? Je reprends mon visage neutre tandis qu'il passe derrière moi. Je joins mes mains, attendant qu'il me fasse face.

Nos mains se serrent, je me présente, lui aussi. La politesse, la bienséance sont de mise, bien que nous nous regardions attentivement l'un et l'autre pour essayer de se cerner. Chose impossible tant pour l'un que pour l'autre à mon avis. Il m'invite à m'asseoir, ce que je fais. J'ai certainement l'air froide, j'ai toujours eu l'air hautaine et j'avoue que j'en joue mais j'ai tout intérêt à ne pas laisser cette image de moi à mon interlocuteur, si je veux ce poste. Je tente un sourire rapidement stoppé par sa fumée qui me fait légèrement plisser le nez, n'étant pas habituée aux fumeurs. Je me racle la gorge alors qu'il me demande de me présenter. Je fais alors un effort immense pour que mon accent français ne soit pas trop perceptible.

- Et bien, je pense que le meilleur moyen de parfaire mon anglais et de connaître le système magique outre-manche se trouve dans les bureaux du Ministère. Je suis tombée amoureuse de l'Angleterre lors de ma première visite ici. Nous avons été invités pour la Coupe des Quatre Maisons à Poudlard, j'ai été le champion de Beauxbâtons. Depuis je rêve de m'établir ici.

Je regarde un instant mes mains qui pianotent mon sac en réfléchissant aux qualités qui pourraient me mettre en avant et aux défauts qui ne me tireraient pas une balle dans le pied.

- Je suis... Méthodique, soignée, efficace. J'aime que les choses soient faites bien et rapidement. J'apprends vite. Et... Je sais être très persuasive.

J'affiche un sourire en coin, amusée. Ah ça, la persuasion de la gente masculine, je sais y faire... Je l'ai dans le sang.

- Pour ce qu'il en est de mes défauts... Je suis maniaque.

Maniaque, vraiment ? T'as pas trouvé autre chose ? T'es surtout râleuse.

- Perfectionniste, je traîne parfois sur des détails pour que tout soit parfait.

Voilà un vrai défaut, ajoute aussi que tu es un peu trop curieuse et bavarde.

- Mais quelque soit mes points forts et mes défaut, je m'adapte à n'importe quelle situation. Donc, je saurais répondre à vos exigences. Cherchez vous un profil en particulier ?

Je me décrispe légèrement en croisant les jambes et en lui souriant franchement. Il était resté stoïque depuis que j'étais entrée dans son bureau et j'avoue que j'étais un peu décontenancée. Habituellement j'avais le droit à quelques battements de cils, quelques bégaiements, des sourires. Là, rien. S'il se montrait trop fermé, j'allais certainement devoir agiter les cheveux et battre des cils ? Merlin, la dernière personne à avoir aussi peu réagi face à moi était ce professeur de potions à Poudlard...

*Orcus étant lui-même orgueilleux et même parfois dédaigneux avec ceux qu'il méprisait, il n'était pas du genre à se formaliser pour une moue vaguement hautaine. Il avait été à trop bonne école pour ça, les Wilkes ne faisaient pas dans l'amabilité excessive et les ronds de jambes. Sa propre ambition ne se réaliserait pas par la flagornerie, il se pensait - peut-être à tort ? - trop intelligent pour ça.

Rien que pour tester ses interlocuteurs et agacer autrui, Orcus aurait habituellement continué à souffler sa fumer vers toi, mais par bonté d'âme (ça ne pouvait être que ça, il s'était levé du pied droit tout simplement), il prit soin après ton toussotement de diriger sa fumée vers le plafond.*

Le ministère, soit. Mais pourquoi le département de contrôle des créatures magiques ? Est-ce à cause de vos origines ou une inclination personnelle pour les animaux fantastiques et les êtres surnaturels ? A moins que votre présence ici ne soit que le fruit du hasard ?

*Il s'installa confortablement dans son fauteuil, se donnant un air à mi-chemin entre la nonchalance et l'insolence alors que son regard ne parvenait que difficilement à se détacher du sien. Orcus avait l'habitude de fixer les personnes qui lui faisaient face rien que pour le plaisir d'observer l'inconfort qu'il suscitait chez la plupart, pourtant il sentait qu'il y avait quelque chose de différent dans ce qui était normalement une de ses manies. Cette fois, il sentait qu'il n'avait pas le plein contrôle de sa conduite. Aussi vexant que ce serait, au fond de son esprit, il croisa les doigts pour que tu optes pour l'option 3, lui donnant ainsi une bonne raison de refuser ta candidature. Tu étais sans nul doute un être beaucoup plus dangereux que ce que ta frêle apparence laissait présager.*

Maniaque ? Pas trop j'espère, sinon je vais vous donner du fil à retordre. L'adaptabilité est sans doute le point essentiel dans ce département. Quant à votre pouvoir de persuasion, je n'en doute déjà plus... Admettons que je vous embauche, aujourd'hui ici, et demain ? Quelle carrière envisagez-vous ?

Je fronce les sourcils au mot "origines". Certes, ma grand-mère est une vélane, les vélanes sont des créatures magiques mais certaines personnes sous-estiment, méprisent même les créatures. Moi par extension. J'espérais qu'il ne soit pas de ces gens là.

- J'espère que travailler ici me permettrait de donner un peu de considération aux créatures magiques qu'on a tendance à mépriser parce qu'ils n'ont pas besoin de baguette pour être exceptionnels. Pour les animaux fantastiques, ils sont effrayants aux premiers abords mais si on les traite convenablement, ils se révèlent être fascinants. Et c'est aussi parce que c'est la seule place de disponible.

Je ne vais tout de même pas lui mentir... Je lève le nez bien haut sans détacher mon regard du sien. Il est surprenant. Il doit sûrement être très fier pour agir de la sorte. J'appuie mon coude sur l'accoudoir et laisse glisser mes doigts sous mon nez, en pleine réflexion.

- Les défis ne me font pas peur, monsieur Wilkes.

J'esquisse un large sourire mutin, ravie de voir que finalement mes pouvoirs ont l'effet escompté. Je passe une main dans mes cheveux avant de continuer.

- Pour être très honnête, je ne compte pas rester une simple secrétaire et quand j'estimerai que mon anglais s'est amélioré et que j'ai suffisamment appris ici, je postulerai pour un poste avec plus de responsabilités. Mais ce n'est pas pour maintenant.

Je me penche légèrement sur le bureau comme pour lui faire une confidence :

- Entre nous... Je suis plus que qualifiée pour le poste, je le sais. Et vous le savez aussi. N'est-ce pas ?

Je crois que les humains méprisent tout ce qui est différent d'eux, dans le cas des créatures magiques, s'y ajoute bien souvent une forme de jalousie. Les plus sages les admirent quand les idiots les craignent. C'est regrettable, d'un autre côté nous n'aurions pas de travail s'il existait un équilibre entre la nature et l'homme. La seule place disponible vous dites...

*Bingo. Ton égo se révélait finalement au moins aussi important que le sien. Tu n'avais pas pu t'empêcher d'afficher, même à titre minime, ton dédain pour cet emploi. Orcus cru qu'il était sauvé des griffes de la gorgone déguisée en Aphrodite. Il ouvrit la bouche avec un fin sourire pour déclarer sa sentence.*

Tout à fait, votre dossier est exemplaire et la photo animée de votre CV est absolument charmante. Vous pourrez être là demain matin à 8h ?

*Il fronça les sourcils et gomma son sourire, avait-il vraiment dit ça ? Il jeta un regard suspect sur tes cheveux dont les mèches se remettaient doucement en place après le passage de tes doigts. Il se racla la gorge, se rassit de manière plus droite, ferma les yeux une seconde et reprit.*

Pour reprendre votre question précédente, j'ai besoin de plus qu'une trieuse de courrier. Je veux quelqu'un qui puisse me suppléer et même être ma voix. Quelqu'un capable de s'adapter à ses interlocuteurs, qu'il s'agisse d'un hippogriffe ou d'un éleveur véreux. C'est un travail bien plus passionnant que vous ne le pensez, une fois dépassé la paperasserie, aucun jour ne se ressemble. Je cherche surtout une personne loyale. Je pense faire un bon travail Miss Delacour, mais le ministère de la magie est une vieille institution qui n'a pas été dépoussiérée depuis des générations. Je n'ai pas la patience d'attendre des mois que le service juridique me signe un papier avant une saisie ou ce genre de choses. Autrement dit, il m'arrive de prendre des raccourcis. Si vous le comprenez et que cet arrangement vous convient, sachez que le département offre tout un tas de carrières prometteuses !

*Il fronça à nouveau les sourcils après cette dernière tentative de t'allécher, mais cette fois c'est dans sa cigarette de filet du diable qu'il trouva du réconfort. Plus que jamais, il sentait que son salut était dans les plantes.*

Sa réponse sur les créatures magiques me rassurent. C'est un homme lucide, du moins c'est l'impression qu'il me donne. Il mérite certainement qu'on gratte le vernis pour découvrir ce qui s'y cache.

Mes cheveux font leur effet, il me complimente et me propose de venir à 08:00. Tricheuse, moi ? Je ris légèrement lorsque son sourire disparaît. Je ne me moque pas, non, mais il faut tout de même avouer que c'est amusant.

Il me donne la couleur du travail qui m'attend si je l'accepte. Et je suis ravie de voir qu'il pourrait me donner des responsabilités et ne pas rester derrière un bureau à répondre aux hiboux. Loyauté ? Je pense que c'est un trait de caractère que je possède et qu'on ne soupçonnerait pas. Prendre des raccourcis ? Prenons les, soit, si ça nous permet d'aller plus vite.

Je me lève donc et lui tend la main.

- Entendu. Rendez-vous demain à 08:00, alors ?

*Il soupira à nouveau. Rendez-vous demain à 8h, mais qu'est ce qu'il lui avait pris de s'empresser autant pour t'engager alors que son cerveau était en alerte rouge sur le danger que tu représentais ? Orcus allait devoir tester plus d'une plante psychotrope pour tenter d'échapper à ton pouvoir, car si tu remuais tes cheveux pour chaque caprice, mener sa carrière comme il l'entendait allait lui donner du fil à retordre. Il se leva également et répondit une nouvelle fois à ta poignée de main. Puis il contourna le bureau pour t'ouvrir la porte comme un vrai (trop) gentleman.*

Oui, à demain matin Miss Delacour. Vous serez à l'essai pour le mois.

*Réussit-il toutefois à temporiser avant de te laisser passer devant lui. Avant de refermer son bureau, il ne put s'empêcher de te jeter un nouveau coup d'oeil.*