Contexte : Octobre 1998

Contexte : Octobre 1998

2 mai 1998. Là où tout finit, là tout commence.

La bataille faisait rage. Les flammes embrasaient Poudlard. Les cris résonnaient en écho et des traits de couleur fusaient de part et d’autre. Elèves, jeunes adultes, membres de l’Ordre et mangemorts tombaient à tour de rôle. Devant le carnage se tenaient deux têtes encagoulées. L’enfer brûlait dans leur regard. Les corps gisaient autour d’eux. Leur baguette était baissée, leur respiration calme en apparence ; ils observaient l’horreur. On leur avait menti. Cette cause, si importante pour eux, venait de disparaître au profit d’un seul et unique être : Harry Potter. La folie meurtrière de leur chef avait réduit à néant tout le combat d’une vie, balayant sans vergogne leurs convictions pour le seul meurtre d’un enfant. Eux qui rêvaient de liberté, de ne plus jamais avoir à se cacher n’étaient désormais plus que pions. Leur but était biaisé. Si l’intérêt propre des deux compères divergeait, ils tombaient pourtant d’accord sur un même point : les nouvelles générations de sorciers ne pouvaient être décimées pour l’obsession d’un seul. Il fallait rompre le lien pour un avenir qu’ils jugeaient plus proche de leurs convictions. Le combat du Seigneur des Ténèbres n’était plus le leur. Sa folie causerait sa perte, mais aussi leur perte à tous. Ils finiraient à Azkaban, seuls, loin de leur famille, incapables de reprendre le contrôle de leur vie. Ni Augustus Rockwood ni Echtra Wilkes ne pouvait laisser une telle chose se faire. Les aurors avec leurs si bons sentiments les traqueraient jusqu’au dernier. Le chaos était leur seule issue, et par chaos, ils entendaient : exposer le secret magique au grand jour.
Il régnait, ce soir-là, au Ministère, une certaine panique teintée de rébellion. Dolores Ombrage et certains mangemorts donnaient leurs ordres, en vain. Les murmures d’une possible victoire donnaient aux plus désespérés du courage. C’était maintenant ou jamais. Si bien que personne ne vit nos deux mangemorts encagoulés se diriger vers le Département des Mystères. Ingénieuse Langue-de-Plomb, Rockwood avait un plan, un plan qui changerait l’avenir du monde de façon irrémédiable. Tous deux connaissaient les risques, mais rien n’était plus risqué que le baiser d’un détraqueur. Une fois dans la salle des Cerveaux, tous deux firent tomber le masque. Des cerveaux d’un blanc nacré flottaient paresseusement dans un immense réservoir de verre rempli d’un liquide verdâtre. L’entreprise était dangereuse car ces choses, une fois libérées, allaient inévitablement les blesser. Mais Rockwood et Wilkes tiraient déjà leur baguette, le temps était compté. Ils sortirent les cerveaux de leur réservoir, aussitôt des rubans de pensées agressifs vinrent s’enrouler autour d’eux. Déjà les mangemorts incantaient sur l’invective de la Langue-de-Plomb. La magie noire, dont tous deux connaissaient les ressorts, devait contrôler les cerveaux et leur donner une portée inédite, pour ne pas dire funeste. Après de longues minutes de combat mental, les cerveaux maîtrisés purent enfin accomplir leur œuvre. Connectés aux souvenirs des deux compères et à leur volonté profonde, les cerveaux projetèrent leur propre esprit au-delà des murs ministériels. De seconde en seconde, ils puisèrent dans la magie pour atteindre les abords de Londres, les villes alentours puis l’Angleterre enfin. Dans les esprits, moldus comme sorciers, s’éleva alors une voix sinistre, rocailleuse et terriblement lente.

« On vous a menti. La magie existe. Toutes les disparitions, tous les meurtres et accidents inexpliqués, toutes les destructions, étaient dus à la magie. Ils vous ont trompés, ont effacé votre mémoire. Ils arrivent pour prendre le contrôle de vos misérables vies. Jadis vous les avez traqués, brûlés vifs. C’est à votre tour de connaître un sort égal voire pire encore. Tremblez, ils sont partout. »

Les deux mangemorts partagèrent alors leurs souvenirs et agrémentèrent les menaces d’images : d’abord l'effondrement du Pont de Brockdale, la vie paisible du Chemin de Traverse, certains meurtres commis par les mangemorts, Poudlard à feu et à sang, la localisation du Chaudron Baveur, les détraqueurs, la richissime Gringotts et enfin les terribles géants. Ils ne purent donner plus, magiquement épuisés. Et tandis que dans l’Angleterre sorciers et moldus s’évanouissaient à tour de rôle libérés de l’emprise des cerveaux, Rockwood et Wilkes les replaçaient dans leur réservoir, eux-mêmes groggy. Ils veillèrent toutefois à ne laisser aucune trace de leur passage, pas même dans la mémoire des cerveaux.

3 mai 1998.
Une de la Gazette du Sorcier : « Le Seigneur des Ténèbres est mort. Le secret magique a été révélé. L’Angleterre est en proie à un nouveau chaos. »

21 mai 1998.
Attentat manqué au Chaudron Baveur. Les moldus sont désormais éveillés et les oubliettés réclament vengeance. Les groupuscules se mobilisent et gagnent en importance. Le doute fait son oeuvre, chacun soupçonne son voisin, son boulanger, son facteur et même son jardinier. La chasse aux sorcières renaît de ses cendres. On craint une invasion. Le nombre d’enquêtes soudainement résolues ne fait qu’empirer la situation. La contre-attaque s’organise et les associations plus raisonnables se font violenter. Quiconque osera défendre un sorcier connaîtra le même sort que lui.

31 mai 1998.
Le monde des sorciers est divisé et encore grandement affaibli par ses pertes. Le ministre Kingsley Shacklebolt cherche, en vain, à ramener un climat de paix et à communiquer avec le Premier Ministre moldu. L’échec est cuisant. De nombreuses questions sont posées : faut-il avoir peur des moldus ? Faut-il les rassurer sur la possible coexistence de leurs deux mondes ? Les mangemorts avaient-ils raison sur la menace qui pesait sur le monde magique depuis le début ?
Et tandis qu’en Ecosse, Poudlard se reconstruit avec peine, personne ne pressent la révolte silencieuse. Pourtant, celle-ci s’organise dans l’ombre. Des meurtres muets ont lieu sur l’île de Lismore. Des alliances improbables, quoique fragiles, voient le jour. Loups-garous, vampires, gobelins, harpies et autres créatures réclament une juste place dans l’organisation du nouveau monde. Ils ne sont pas dupes et tiennent encore moins à rester en esclavage, soumis à l’orgueil des hommes. Désormais propriétaires illégitimes de l’île, gare à ceux qui s’approcheraient de trop près. Le glas de la vengeance sonne.


1er Octobre 1998.
Chacun s’organise dans l’ombre. La peur règne dans les logis. Sur l’échiquier géant, personne n’aurait pu prévoir que la partie se jouerait à plusieurs. Aucun sorcier ne veut revivre une révolte de Gobelins, aucun non plus ne souhaite voir une horde de vampires ou de loups se lancer à la poursuite de leurs enfants chéris. Et parallèlement, les moldus ne cessent de les assaillir, de les traquer comme des bêtes par les armes et le feu. De nombreux innocents périssent car l’ère du soupçon n’épargne personne. Comment les moldus arrivent-ils à déjouer leurs sorts de camouflage, comment peuvent-ils apparaître comme des fantômes dans les ruelles du Chemin de Traverse ou des Embrumes ? Qui sont les coupables de tout ce chaos ?
Par ailleurs, le procès des mangemorts touche à sa fin. Certains sont naturellement dédouanés, faute de preuve. Du moins, est-ce la raison officielle. Officieusement, ils se murmurent dans l’obscurité que leur cruauté pourrait bien leur être utile face à des créatures sanguinaires, dépourvues d’âme. Leur haine des moldus pourrait également les protéger des plus armés…
Oh tous clament haut et fort qu’ils n’hésiteront pas à tuer pour sauver leur vie, mais le meurtre est une chose si compliquée à réaliser. Vivre avec du sang sur les mains n’est pas donné à n’importe quel sorcier, ni même à n’importe quel moldu. C’est une guerre de territoire, et tous sont à égalité, avec les mêmes peurs, les mêmes vices et les mêmes vertus. A une créature près, bien sûr.

Et vous, à quel territoire vous destinez-vous ?

Codage par Libella sur Graphiorum