[Cerys] Se peut-il qu'un homme soit moins sage qu'un oiseau ?

Lendemain du fiasco, J-? avant la confrontation avec le Maître. J'étais dans l'expectative, dans l'attente d'un châtiment que je n'avais que trop goûté. Echtra ferait-elle face à la colère du Lord avec autant de volonté que moi ou avait-elle déjà fuit le pays ? Malgré ma fatigue et les coups qu'on m'avait portés, je n'avais pas trouvé le sommeil, me tournant et me retournant dans mon lit jusqu'à capituler et me lever. J'avais alors passé le reste de la nuit seul dans le salon à boire du whisky, surveillant d'une oreille la maison endormie. Les reverrais-je seulement demain ? L'unique pensée qui m'avait permis de mettre à distance ses inquiétudes était celle d'une promesse. Excuses ou sens aiguisé du devoir, je décidais en tout cas que ma parole n'attendrait pas un jour de plus pour être tenue.

Le lendemain matin, les traits plus tirés que d'habitude venant souligner un peu plus mon âge, c'est après avoir déposé ma fille à l'école que je transplanais à Londres. La journée entière se déroula comme dans un rêve, enfouissant mes craintes comme mes blessures pour éviter tout soupçons, lesquels pesaient déjà bien trop sur moi. Ce n'est qu'à la fin de ma journée que j'entrepris de prévenir mon épouse que j'aurais du retard en prétextant qu'une expérience au labo avait mal tournée et demandait toutes les bonnes volontés pour rétablir la situation. C'était commode, c'était invérifiable, le bon côté de mener le métier le plus secret du monde magique. Désertant pour une heure supplémentaire - pas plus voyons ! - mon foyer, je remballais mes affaires et me rendis à la Ménagerie magique, à quelques centaines de mètres du ministère. Ma visite devait être brève, le volatile m'attendait depuis une semaine déjà. C'est en effet une dizaine de minutes plus tard que je sortis de la boutique, une cage recouverte d'un tissu en satin blanc protégeant l'oiseau alors que j'effectuais le dernier transplanage du jour.

J'atterris au bout de la rue, accompagné de battements d'ailes frénétiques prouvant que l'animal avait survécu à l'expérience. Je scrutais la petite allée, vérifiant que je n'y croiserais personne de ma connaissance. J'étais certes très discret, mais j'habitais dans ce village depuis 4 ans maintenant et ne pouvais totalement éviter mes voisins. Pourquoi prenais-je autant de précaution d'ailleurs ? Pourquoi faire autant de secret autour de ce rendez-vous qui n'en était pas un ? J'offrirais la chouette à sa nouvelle propriétaire et rentrerais sagement chez moi. N'ayant pas annoncée ma visite, il y avait même de fortes chances qu'elle ne soit pas là où à même de m'ouvrir, je n'aurais alors qu'à déposer la cage sur le pas de sa porte et m'en retourner comme si de rien n'était retrouver mon foyer et faire, pour encore quelques heures (jours ? Semaines ?) comme si la mort n'était pas une épée de Damoclès au-dessus de ma tête.

Je frappais trois petits coups brefs à la porte et attendis, agrippant mon propre poignet de ma main gauche. Je pris une profonde inspiration alors que personne ne me répondait encore et qu'aucun bruit ne se faisait entendre. Je baissais le visage en souriant pour moi-même, sans doute un peu trop conscient que j'étais plus mendiant que donateur dans cette visite. Séduit ? Non. Désireux de vivre, simplement.
   


   
   

La porte s'ouvrit au moment où je ne l'attendais plus. Je relâchais ma propre emprise sur mon poignet alors que la rafleuse se saisissait de ma main avant que je n'ai le temps d'anticiper son geste. C'est ainsi que je me retrouvais enfermé dans la maisonnette avec la sensation d'être une peluche engouffrée dans le coffre à jouet d'un enfant prenant soudain peur qu'on le lui enlève. L'idée me fit sourire, le silence aussi. La demoiselle s'affairait autour de moi comme une abeille, évitant mon regard pour passer dans mon dos et retirer ma veste. Encore une fois, je n'eus guère le choix, mais je fis au moins bonne figure. Je ne pipais pas un mot, pas par timidité, mais sans doute par sadisme.

Je profitais qu'elle accroche ma cape au porte-manteau pour observer la pièce. Je n'avais visité que très rapidement le lieu avant de le lui louer, décrétant qu'il ferait de toute façon l'affaire, mais j'étais néanmoins capable de reconnaître qu'elle l'avait transformée en tout à fait autre chose, de là à m'imaginer que toute cette mise en scène était pour moi ? Mon idée était beaucoup plus terre à terre. Est-ce qu'elle s'attendait à ce que je lui loue la maison indéfiniment ? Une question qu'il faudra finir par creuser, même si pour l'heure je la lui laissais encore volontiers. Jusqu'à la fin du mois. Et après ? Après on verra.

Ponctuel ? Oui je l'étais. Ce n'était pourtant pas ma ponctualité qui avait motivé ma venue dès ce soir. J'hochais la tête en guise de réponse et de salut en acceptant de me diriger vers le sofa. Deux verres ? Je trouvais l'intention suspicieuse, je ne l'avais pas averti de mon passage. Certes, elle avait eu le temps d'un mouvement de baguette de servir les deux verres alors qu'elle venait m'ouvrir la porte, mais je ne pus empêcher un sentiment de méfiance naître en moi. Je la trouvais, en outre bien différente, sans doute trop différente.

- Une seule personne se fait appeler « Maître ».

L'avertis-je. Par fanatisme, peut-être aussi par crainte du piège possiblement lié au Lord ? Tous mes sens étaient en éveil. Possible aussi que me faire appeler par ce sobriquet en d'autres circonstances moins policées ne me déplairait pas, mais tout homme avait ses fantasmes n'est-ce pas ? Je n'en dis pas plus, n'usant pas même de froideur ou d'un regard sévère, levant à hauteur la petite cage pour passer ma main sous le fin tissu coulant sur ma peau. J'entrepris d'ouvrir la porte à l'oiseau et l'invitais, à l'abri du regard féminin, à prendre place sur ma main pour l'en extraire. Il s'agissait d'une petite chevêche d'Athéna, symbole du féminin, qui avait la particularité de posséder un plumage très clair, plus crème que marron. La chouette poussa un petit cri dès qu'elle fut à découvert, portant à sa patte une minuscule enveloppe. Un simple mot de remerciement pour la prise du rouquin au cas où Cerys aurait été absente, quelques mots très formels en d'autres termes.

- Je tiens toujours mes promesses, Miss Wheeler.

Dis-je simplement. Je posais alors la cage à mes pieds et baissais les yeux sur les verres lorsque la chouette s'envola.

1 => 3 Elle fait tomber le verre d'Augustus, dommage
4 => 6 Elle va gracieusement se poser sur Cerys et Augustus n'a d'autre choix que de commencer à siroter son whisky malgré sa méfiance.
   


   
   

- Ça devrait être vrai pour tous.

Si la demoiselle commençait à vouloir défier le Seigneur des Ténèbres devant moi, elle n'allait pas être déçue de ma réaction. Bon nombre des mangemorts gravitaient autour du Lord dans l'unique espoir de récolter les miettes de sa gloire, à commencer par Echtra, c'était à présent évident. Je n'étais pas de ceux-là. J'acceptais sa puissance, ses ordres et ses châtiments par croyance et dévotion. J'étais prêt à sacrifier ma vie pour cet homme, le seul être assez puissant et courageux pour redonner aux sorciers leurs dignités, pour que nous cessions à tout jamais de nous terrer comme des rats par peur des moldus certes plus nombreux, mais oh combien plus faibles. Je voulais que ma fille vive dans un monde libre, où elle n'aurait plus à se restreindre ou avoir honte de ses pouvoirs. Voilà mon souhait. J'étais un homme de parole oui, et de convictions.

Je pris mes aises malgré ce rappel à l'ordre. Je basculais contre le dossier du sofa et y apposait mon coude, caressant machinalement mes lèvres de ma main en observant la femme-enfant courir après son plumeux. Mes yeux se posèrent sur ses jambes dénudées avant de remonter jusqu'à son visage à l'air mutin, elle m'apparut plus changeante que jamais, sans doute un peu folle.

- Vous avez une idée de prénom ? C'est une femelle.

Je poussais un soupir et me rassit à un peu plus droit alors qu'elle venait nettoyer la table à la moldue pour une raison que je devinais très bien. Elle en profita pour me resservir un whisky, voir la bouteille me rassura sur ses intentions et je me laissais très vite tenter par le verre que je pris entre mes mains.

- Elle est payée jusqu'à la fin du mois, faites ce que vous voulez d'ici là. Venez trinquer avec moi, il semblerait que nous ayons eu tous deux ce que nous désirions après tout.

Moi le rouquin, elle son oiseau et c'était tout, n'est-ce pas ? J'attendis qu'elle vienne s'asseoir et levais mon verre à son intention, j'y plongeais ensuite le bout de mes lèvres pour en prendre une unique gorgée. Le bon whisky ne se gobait pas, il se dégustait.

- Je ne dirais pas que c'est le plus doué des rafleurs, dis-je avec un regard appuyé dans sa direction, c'était elle qui avait attrapé Weasley et personne d'autre. Je bus une nouvelle gorgée de liquide ambré et reposais le verre sur le bord de la table avant de reprendre la parole. Je n'étais pas au courant, on a essayé de me doubler. Mais en réussissant votre coup malgré tout, vous avez dépassé toutes mes attentes Miss Wheeler.

Si je devais mourir demain de la main de celui que j'admirais le plus, qu'au moins elle sache combien elle était plus forte et douée que ce qu'elle semblait elle-même s'imaginer.
   


   
   

- Le jour est proche où il sera reconnu comme notre Maître incontesté à tous.

Je repris mon verre et le levais à nouveau en l'honneur du Lord cette fois. J'étais un homme très (trop ?) croyant. Je regardais la chouette perchée sur le porte-manteau, un unique sourcil haussé.

- Alors, bienvenue chez toi Zoé.

Et bon débarras. Je n'étais pas très branché animaux, même si les animaux m'adoraient hélas, en témoignait l'horrible chat de ma fille venant se poser sur mes genoux à la moindre occasion. Mes yeux se baissèrent sur mon verre, déjà à moitié vide. Je ne serai pas en retard au dîner en fut la conclusion, lorsque la rafleuse me sortit de ma courte rêverie avec une proposition inattendue. Je plongeais alors mon regard dans le sien, évidente tentative de sonder sa sincérité. Je la savais sournoise et insaisissable de part son dossier, mais elle m'avait prouvé sa compétence en réussissant là où je m'étais attendu à un échec. La confiance était la chose la plus difficile à gagner et la plus rapide à perdre, un adage vrai pour chacun, mais sans doute encore plus pour moi-même. Je fis alors tourner le liquide ambré au fond de mon verre, mon regard perdu sur celui-ci, en réalité perdu dans mes réflexions.

- Vous voulez que je continue à vous louer la maison ? À subvenir à vos besoins ? En échange de quoi ?

Je cessais d'exercer des tourbillons sur le fond de mon verre et relevais mon regard pour le planter dans les rétines océaniques de la jeune femme.

- Vous pourriez être mes oreilles, mes yeux, mon visage et ma voix là où je ne peux pas agir en personne. C'est ça que vous voulez dire ?

Je dirigeais l'une de mes mains à son visage, apposant uniquement mon pouce et mon index sous sa mâchoire pour maintenir son regard en face du mien, autant pour l'observer que l'obliger à se plonger dans mes iris presque aussi noirs que mes pupilles. La tentation était grande, mais je n'étais pas né de la dernière pluie, je ne pouvais pas confier entre les mains d'un tiers trop d'informations sur mon compte et mes agissements contre une simple parole.

- Est-ce que vous comprenez ce que cela implique ? Dis-je d'une voix à peine plus haute qu'un murmure. Si je devais vous donner ma pleine confiance, il me faudrait plus de garanties. Vous êtes une rafleuse, votre allégeance ne dépend que de la personne qui tient la bourse, n'est-ce pas ?

Je me rapprochais d'elle, mon pouce quitta sa mâchoire pour venir effleurer ses lèvres tandis que mes yeux ne la lâchaient pas et lui interdisaient tout autant de se dérober, comme elle ne se déroberait pas si notre union devait se réaliser. L'argent n'était pas un problème, mais ce qui pouvait s'acheter pouvait tout aussi facilement se perdre.

- Êtes-vous capable de dévouement, Mademoiselle Wheeler ? Lui susurrais-je tout proche de ses lèvres, relâchant alors lentement le contact pour m'écarter d'elle à nouveau. Et bien, disons que vous avez jusqu'à la fin du mois pour y réfléchir. Si vous vous croyez capable d'une fidélité allant jusqu'à la mort, vous savez où me contacter. Dans le cas contraire votre disparition d'ici au 31 sera une réponse on ne peut plus suffisante.

J'acceptais de me lever à son invitation, la demoiselle savait me prendre de court. Ce côté changeant et inattendu m'avait tout de suite plu, même si m'inviter présentement à danser était suffisamment déplacé pour que je sente une pointe de culpabilité venir étreindre ma conscience. J'étais sud-américain, bien entendu que je savais danser, mais je ne m'y étais pas adonné depuis mon mariage presque 6 ans auparavant.

- Les mages noirs ne s'amusent jamais, voyons. Plaisantais-je avant de l'écarter un peu de moi pour effectuer quelques pas ressemblant vaguement à du chachacha. Comme lors de nos précédentes rencontres, je ne détournais mon regard du sien à aucun moment, aussi pleines de sous-entendus soit-elle, des sous-entendus auxquels je ne croyais toujours pas d'ailleurs. Sa réponse aurait au moins le mérite de lever les masques, de déterminer la part de manipulation et de sincérité qu'il y avait dans chacun de ses mots. Jusqu'où étiez vous prêtes à aller, belle Cerys ?
   


   
   

- Je peux être tout ce que vous désirez.

Un minuscule sourire d'amusement naquit au coin de ma bouche à ces mots. Comprenait-elle que je n'étais pas intéressé par une personne disant oui à tout dans le seul but de me faire plaisir sur le moment ? Je voulais bien plus que ça, je voulais un don total et complet scellé par la magie. Du solide, rien de versatile. À croire que les autres personnes (hommes ?) qu'elle fréquentait étaient tous volages, inconstants et se contentant de chimères. J'avais les pieds bien ancré sur terre, j'étais d'une droiture et d'une fidélité sans faille (vraiment ?). Si elle voulait me suivre, ce ne serait pas à moitié ni tant que ça lui rapporterait assez, ce serait pour toujours. On ne rentrait pas dans mon cercle contre quelques vagues promesses, Eidolon pouvait en témoigner. J'étais prêt à donner beaucoup, mais mes exigences étaient, en contre-partie, tout aussi élevées.

Nonobstant, j'écartais toute image de la jeune rafleuse me donnant un baiser, une pensée dangereuse pour n'importe quel homme de mon âge à la vie bien rangée, soyons honnêtes, même si je l'aurais alors repoussé fermement. J'étais un homme marié, j'avais juré devant dieu fidélité et je comptais bien tenir mes engagements. Si je ne pouvais nier qu'il existait un jeu de séduction entre elle et moi, celui-ci restait subtile et n'irait pas plus loin. Je me permettais le frisson, pas l'explosion... Je fermais surtout les yeux sur le fait que je dérogeais déjà un peu à mes principes, mais tout était sous contrôle, n'est-ce pas ?

Les paroles suivantes de la jeune femme eurent au moins le don de couper court à l'ambiance calfeutrée qui était en train de s'installer et effacer la sensation au creux de mon estomac et de mon égo quand elle avait prétendu que je ne la laissais pas indifférente.

- Noctis ? L'auror Noctis Fiertalon ?

Dis-je en me stoppant alors, restant debout et immobile dans la pièce, l'air soupçonneux. Qu'est-ce que Fiertalon venait foutre ici ? Il n'était encore qu'un gamin lorsque j'avais reçu ma marque. Certes, il me regardait comme un être abject et répondait à mes salutations du bout des dents lorsque nous nous croisions dans un ascenseur au ministère, mais comme à peu près tous les aurors à une ou deux taupes près. Mon procès, quant à lui, datait de bien avant son entrée au département de la justice, alors en quoi pourrais-je l'intéresser. Les paroles de la jeune femme sonnaient surtout comme une menace qui n'avait rien de très réfléchi.

- Ce ne serait pas très malin de votre part, Miss Wheeler. Vous aimez l'argent, n'est-ce pas ? Vous croyez que le ministère vous protégera et vous couvrira d'or une fois que vous leur aurez raconté vos agissements ? Que vous serez libres et pourrez retourner quémander du travail auprès des mangemorts comme si de rien était en ayant trahi l'un d'eux ? En ayant porté atteinte au Seigneur des Ténèbres ? Dis-je en fronçant les sourcils. Je posais alors mon index pour redresser son menton afin que son regard soit face au mien, lui dictant ma leçon. J'irai, peut-être, à Azkaban, mais vous... mon regard ce faisait alors plus doux, presque compatissant, le sort qui vous sera réservé sera bien pire. Aucune apparence, aucune frontière ne vous protégera du courroux du Seigneur des ténèbres, il vous traquera comme il a traqué tous ceux qui l'ont défié.

Je retirais mon doigt de sous son menton et plaçais ma main sur sa joue, me penchant en peu plus sur elle, me faisant presque caressant.

- Vous devriez toujours réfléchir à ce que peut se permettre d'exprimer votre langue, Miss Wheeler. Votre survie m'importe plus que vous ne le pensez. Soyez plus prudente.

Je fis glisser ma main sur sa nuque pour l'approcher de moi et déposer un baiser sur son front. Je m'écartais d'elle, la danse était terminée. Quant à me protéger ? Je me protégeais moi-même, pensais-je par péché d'orgueil.

- Je vous ai fait ma proposition. Ce sera tout ou rien, je ne donne pas dans l'éphémère. Si nous faisons ce pacte, nous en définirons tous les deux les termes au préalable, bien que je sache déjà très exactement quels serments j'attendrai de vous. Je pense vous avoir déjà suffisamment cerné pour savoir ce que vous êtes et ce dont vous êtes capables, je n'ai pas besoin d'un "entretien d'embauche" supplémentaire, comme vous dites. Mais disons que j'accepte ce dîner comme gage de ma bonne foi envers vous. Le hibou sera inutile, je vous remercie.

Je joignis mes mains l'une dans l'autre et me retournais déjà côté cuisine, prêt à proposer mon aide comme tout convive bien élevé, quand elle me fit à nouveau une remarque comme sortit de nulle part.

- Sachez que je peux être très discrète.

Je tournais alors ma tête vers elle, les sourcils un peu haussés tout en conservant une expression faciale relativement neutre.

- Mais je n'en doute pas un seul instant, Miss.

L'usage de son prénom viendrait plus tard, bien plus tard, peut-être. Elle prétendait que je ne la laissais pas indifférente ? Si c'était vrai, la faire languir devrait être une torture aussi frustrante que délicieuse.
   


   
   

Je tournais mon visage une fois de plus vers elle. Ni la larme perlant à sa joue, ni son air de fillette apeurée ne m'échappa. Encore une fois changeante, encore une fois passant du tout au tout, je devinais peu à peu qu'elle était plus que lunatique et plusieurs personnalités commençaient à émerger. Plus d'un en aurait été effrayé ou aurait au moins éprouvé un mépris grandissant pour elle, si faible, si folle, mais pas moi. Malgré la magie noire coulant dans mes veines et les meurtres pesant sur mon âme, mon cœur ne s'était jamais totalement envolé. Un peu plus fragile, un peu plus déglinguée, je trouvais ses failles d'une beauté fascinante. Peut-être prenais-je goût à l'idée de jouer les pygmalions, peut-être que mon inclination pour elle signifiait plus encore.

- Et... Le serment inviolable.

Toujours immobile, mes sourcils se haussèrent, interloqué. Le serment inviolable ou un pacte de sang, les deux actes de magie que j'avais en tête en cas de réponse positive, mais je n'avais pas imaginé qu'elle y viendrait elle-même, je n'avais rien fait pour ça après tout. J'étais valet de trèfle dans la manche du Seigneur des Ténèbres, mystérieux, secret, d'autant plus dangereux qu'il était tapi dans l'ombre et, bien entendu, manipulateur. Je n'avais pourtant à aucun moment manipulé Cerys, je réservais ce traitement aux êtres inférieurs et aux ennemis, j'encourageais le libre arbitre pour les (rares) autres. Sa proposition était donc d'autant plus exquise, même si je devinais qu'elle était prononcée sous le coup d'une émotion qui pouvait la quitter aussi vite qu'elle lui était venue. J'émis néanmoins un unique hochement de tête.

- Le serment inviolable, si vous y êtes prête. Vous en connaissez les termes ? Rompre votre promesse conduira à votre perte.

Je m'étais éloigné pour me placer face aux quelques meubles formant le coin cuisine pour aider, lui tournant le dos et lui offrant ainsi quelques secondes d'intimité pour qu'elle retrouve ses esprits. Lorsque je l'entendis se rapprocher de moi, le claquement de ses pas était bien plus assuré, c'est alors que je fus la victime de son étreinte et de ses mauvais traitements à mon oreille. Un souffle tiède sur la nuque était toujours agréable, mais le reste de son petit jeu me laissait relativement froid. Je l'imaginais facilement servir ce même spectacle encore et encore, mais comme dit plus tôt je n'avais rien de ces hommes sans cervelles ayant perdu la moitié de leur intelligence à force de s'extasier sur le contenu de leur entre-jambe. En termes plus direct, je ne romprais pas mes vœux pour une simple catin. Cerys était bien plus dangereuse pour moi que Bonny, mais tant qu'elle pensait le contraire, je n'avais que peu de soucis à me faire.

- Je sais me taire, c'est une de mes principales qualités, lui répondis-je en me retournant et en la repoussant à distance de mes avant-bras. Je lui offris un sourire de politesse, la contournais et m'installais à la table anciennement bringuebalante.

Je ne m'imaginais déjà plus un empoisonnement possible, aussi je ne me méfiais pas du reste du repas. Cependant, je n'avais pas l'esprit aussi faible que les mauviettes auxquelles elle avait probablement affaire d'habitude. J'haussais un sourcil sur mon verre se remplissant beaucoup trop, je ne comptais pas terminer cette soirée éméché, et entrepris de dévier la conversation sur la pluie et le beau temps... si ça pouvait fonctionner.

- Vous avez cet elfe depuis longtemps ? Est-ce lui qui a procédé aux différents aménagements de la maison, ou du moins du salon ? Demandais-je en ignorant ce qu'il en était des étages. Je n'imaginais pas qu'à quelques kilomètres de là, au cœur de la forêt, deux autres rafleurs discutait eux aussi du même bien immobilier.
   


   
   

Nous étions à table depuis quelques minutes seulement qu'elle se mit à me parler de son père, il n'y avait pas besoin d'être fin psychologue pour faire le parallèle, du haut de mes bientôt 42 ans j'aurais presque l'âge d'être le sien. Je me fichais assez de l'anecdote pour être honnête, mais elle m'offrait une nouvelle explication pour son attachement aussi soudain que virulent pour ma personne. Ainsi donc, Cerys Wheeler se cherchait un papa de remplacement ?

-De toute façon il ne sera bientôt plus de ce monde...

- J'imagine que vous ne dites pas ça parce qu'il est souffrant, dis-je ironiquement.

Je picorais alors dans mon assiette. Je n'avais pas très faim, l'époque n'était pas joyeuse, rappelons que j'attendais que le Maître m'appelle pour me donner mon châtiment.

- Je l'ai bien compris Miss Wheeler, mais je ne vois pas notre potentiel arrangement comme une fin en soi pour vous non plus. Je m'engagerais à faire appel à vous, vos réussites rendront votre nom célèbre, mais je n'ai pas l'intention de vous brider et de vous interdire de remplir d'autres contrats ailleurs. Ce que "j'achète" contre cette maison, c'est ma sécurité, le reste sera en sus. Je compte rémunérer comme il se doit chacune de vos victoires.

Je levais mon verre, en bu une unique gorgée et le reposais pour revenir à mon assiette. Je commençais à me sentir un peu plus détendu, sans doute le whisky.

- Vous avez encore jusqu'à la fin du mois pour y réfléchir.

Lui assurais-je, pourtant j'étais envahis par la sensation que tout irait bien avec elle, que notre alliance allait être absolument délicieuse. Je regardais alors mon whisky d'un œil suspicieux et me promis, tant que mes sens me le permettaient, que j'allais passer à l'eau.

- J'ai reçu la marque il y a près de 20 ans. Je pourrais jouer les mystérieux, mais avec vos compétences particulières je sais que vous ne mettrez pas longtemps à le découvrir, je suis d'ailleurs surpris que ce ne soit pas déjà le cas. Je travaille au département des mystères. Et vous ? D'autres ambitions que de devenir rafleuse ?

J'engloutissais un nouveau morceau de toast, à peine avalé et je devenais beaucoup pus souriant, en particulier quand je levais mon regard sur mon hôtesse. J'écoutais sagement son histoire, ma pupille un peu trop brillante alors que j'observais tantôt ses yeux, tantôt les mouvements de sa bouche. Je dus me racler la gorge pour retrouver ma concentration avant de prendre la parole.

- Traiter une créature magique de la sorte, je reconnais bien là les moldus.

Et les sangs-purs ? Je me souvenais de Dobby souffrant des mauvais traitements de Lucius. J'appréciais Lucius... vaguement, je faisais surtout avec par amitié pour Narcissa et Drago.

- Je ne suis pas certains que le payer soit une bonne chose, Miss Wheeler, les elfes n'aiment pas ça. J'ai choisi pour ma part de ne pas en avoir, je tiens à inculquer à ma fille le sens de l'effort et qu'elle sache que tout ne se règle pas en claquant des doigts.
  


   
   

Je reposais couteau et fourchette et écartais les bras.

- Parce que je ne veux pas que vous vous ennuyez à attendre mes ordres dont certains pourraient mettre des mois à arriver. Peut-être que je me fais de fausses idées sur votre compte, Miss Wheeler, mais je n'imagine pas la patience comme étant l'une de vos premières qualités.

J'accompagnais ma remarque d'un clin d’œil... depuis quand j'étais le genre d'homme à faire des clins d’œil ? On me disait séduisant dans mes manières il y a bien des années, bien avant la chute du Seigneur des Ténèbres et de la mienne, j'étais devenu beaucoup plus distant et froid à présent. J'hochais la tête en appréciant la suite de ses propositions, une petite chose me tiquait néanmoins : et si je mourrais ? Je devrais me foutre comme d'une guigne de ce qui pourrait advenir de cette fille, simple catin se vendant au plus offrant, qu'il s'agisse de son corps ou de sa loyauté était du pareil au même après tout. Et pourtant... je lui souris en coin mais n'en pensais pas moins, les vœux que je lui prononcerais étaient déjà tout trouvés, immuables et inchangés.

- Faire de vous le rossignol chantant ses mensonges auprès d'oreilles trop crédules est une idée qui me plait particulièrement, Miss, dis-je en croisant mes bras au bord de la table et en me penchant vers elle. Ce faisant, j'attardais mon regard dans le sien. Ce n'était pas la première fois, mais jusqu'à présent je m'étais fait tantôt tentateur, tantôt dominateur, cette fois mes yeux étaient beaucoup plus doux sans que je ne le veuille vraiment. Je me ressaisissais au nom d'Harry Potter, un patronyme laissant bien peu de place au romantisme. Si vous saisissiez Potter, vous gagneriez plus qu'une récompense, mais aussi les ennuis qui vont avec. Vous surpasseriez tous les mangemorts moi y compris. Rassurez-vous, ce ne serait peut-être pas le cas de mes autres camarades, mais pour ma part je ressentirais plus d'admiration que de jalousie pour votre personne.

L'arrangement était très sain en effet, ce qui l'était moins était cette soirée, ces allusions et plus que tout, l'esprit de la rafleuse en face de moi. Aussi détendu que je sois tout à coup, mon bouclier s'arma à nouveau lorsqu'il fut question de mon enfant, elle était ce que j'avais de plus précieux au monde et je me persuadais d'ailleurs que toutes mes mauvaises actions autant que les risques que je prenais valaient bien la peine pour le monde que je lui offrirais ensuite. Je secouais alors négativement la tête.

- Non, je n'en ai pas.

Mensonge, une photo prise quelques jours après sa naissance était toujours pliée au fond de ma bourse. Quant à ces mots concernant la maternité... je la croyais un peu folle, mais je croyais aussi que n'importe quelle femme était capable d'être une bonne mère si c'était là son désir. Dans son cas, peut-être que cela nécessiterait seulement 5 ou 10 ans de plus de maturité.

- Je n'ai connu que peu de femmes faisant de mauvaises mères. On blâme toujours la gent féminine, mais soyons honnêtes, les mauvais pères et les géniteurs absents sont bien plus légions.

Avant de connaitre Echtra, j'aurais sans doute prétendu n'avoir jamais connu une seule femme incapable d'être mère, d'ailleurs. La main fine de la rafleuse vint se poser sur la mienne, je baissais mon regard vers ce geste et perdis mon sourire, sans bouger toutefois. La suite eut au moins le don de sonner le glas. Je retirais ma main sans précipitation et vins, à la place, me masser brièvement la nuque, un peu vexé, un peu effrayé par ma propre capacité à me laisser aller également.

- Juste un morceau avant de m'en aller, je n'ai plus très faim et il se fait tard, dis-je en piquant moi-même dans le plat un petit morceau de viande par politesse et pour ne pas lui donner la sensation de m'enfuir. Je me servais également un morceau de patate douce, mon ego était piqué et ma raison n'avait que peu envie de donner satisfaction à la petite blonde, pourtant lorsque je relevais mon regard sur elle en lui passant le plat, l'unique mot franchit mes lèvres comme on prononcerait une incantation. Cerys.
  


   
   

Que Potter meurt de sa main, de la mienne ou de celle du Seigneur des ténèbres n'avait que peu d'importance. Le gamin... l'ennemi devait périr pour laisser place à une aire nouvelle. Le lord ne serait que peu en accord et je ne comprenais pas la raison qui le poussait à vouloir l'éliminer lui-même. Je soupçonnais un simple sentiment de revanche contre celui qui l'avait vaincu (par chance, mais oui) déjà plus d'une fois, ce que malgré mon admiration pour cet homme je trouvais idiot. Quelque chose l'empêchait de venir à bout du garçon, c'était évident à mes yeux pour la simple et bonne raison qu'une force extérieure ne pouvait être que seule responsable de la défaite du plus puissant sorcier du monde, déléguer était alors la meilleure décision à prendre. Mais je possédais un esprit logique et pragmatique, privilégiant la fin aux moyens dans la plupart des cas et si je n'étais pas insensible à l'idée de briller, ce n'était pas ma première motivation contrairement à la plupart de mes camarades. Aussi, si la rafleuse parvenait à l'exploit de tuer Potter, elle aurait toute ma reconnaissance... et sans doute toute la haine du Lord. C'était sans doute faire preuve d’égoïsme de ma part d'attiser son orgueil pour qu'elle se mette en chasse contre le survivant, mais elle n'était encore pas grand chose pour moi et ne le deviendrait peut-être jamais.

Quant au ressentiment de la jeune femme contre son père, les raisons ne m'importaient que peu, ou plutôt je cherchais à me convaincre que je ne voulais pas en savoir plus pour ne pas commencer à m'attacher. Un pion devait rester un pion, je n'étais moi-même rien de plus.

Je reposais mes couverts après avoir mangé tout ce qu'il y avait dans mon assiette, j'avais mangé assez vite malgré mon soit disant manque d'appétit. Je croisais alors mes mains sous mon menton pour instruire la jeune femme.

- Le serment inviolable requiert la présence d'une troisième personne pour sceller le pacte, miss. Il ne se fera pas ce soir même s'il s'agit de notre souhait à tous les deux. Je ne demanderais pas au premier sorcier venu de procéder au pacte, je ne confierais cette tâche qu'à une personne ayant mon entière confiance.

Je reculais ma chaise de quelques centimètres et retirais la serviette de mes genoux pour la reposer sur la table afin d'amorcer mon départ.

- Je vous remercie pour le repas.

Je lui souriais à nouveau avec plus de chaleur que je ne le voulais et allais me lever quand elle me tomba littéralement dessus. Pour une rafleuse, je trouvais qu'elle tenait peu l'alcool. Je fronçais les sourcils à son effronterie et soutenais ses avant-bras avec mes mains pour l'aider à se redresser.

- Avec des "si", on mettrait Poudlard en fiole, Miss Wheeler. Je ne suis pas assez sensible à la divination pour pouvoir répondre à cette question. Je sais néanmoins une chose, dis-je en retirant ma main droite pour venir épouser la courbe de sa joue, c'est que je ne suis pas un numéro. Je ne fais pas parti de ces idiots qui se glissent dans des lits pour un sourire aguicheur et un joli corps. Je suis beaucoup plus difficile que cela.

Peut-être, peut-être pas. Je fis lentement glisser mes doigts sur sa peau jusqu'à rompre totalement le contact avec son épiderme, lui offrit un bref sourire beaucoup plus contenu et me levais enfin.
  


   
   

Si j'avais eu des regards langoureux pour la jeune femme ce soir, j'allais comprendre dès que la potion ne ferait plus effet qu'ils étaient tous factices, forcés magiquement par un philtre et alors ma déception autant que ma colère seraient grandes. Est-ce qu'elle même ne regrettait déjà pas son geste ? Où était le plaisir de transformer l'objet de son désir en pantin ? Ne disparaissait-il pas du même coup ? Notre prochaine rencontre serait sans doute explosive. Je n'avais trompé personne quand Cerys s'était ce soir trompée elle-même.

Son "chez moi" me fit sourire, elle omettait alors un détail sur l'unique propriétaire (pour le moment) de ce toit. Peu désireux de la rendre encore plus ombrageuse qu'elle venait de le devenir, je m'écartais pour saisir ma veste et m'enrouler dedans en lui tournant le dos, lui répondant d'un air distrait.

- Si vous y tenez nous ferons ça ailleurs. Vous n'aurez qu'à m'envoyer Zoé lorsque vous serez prête et si vous y serez prête. Je vous rappelle que vous avez jusqu'à la fin du mois.

Je me dirigeais vers la porte docilement, c'est arrivé à l’entrebâillement de cette dernière que je fis volte-face une dernière fois, saluant celle qui ne serait peut-être jamais plus ma rafleuse après cette nuit.

- Je vous remercie pour l'invitation. Soyez prudente, Miss Wheeler.

Dis-je en saisissant sa paume pour y apposer un baisemain, plongeant mes yeux une dernière fois dans son regard en furie. Je me redressais, reculais d'un pas et m'évaporais dans la nuit retrouver le foyer où un autre regard noir m’accueillerait, mais non pour mon retard, un regard fait d'inquiétude et de suppliques celui-ci qui se transformerait en amoureuse passion sous mes caresses et mon corps au sang encore empoisonné.