[Fenrir] Quand l'imagination devient notre plus grand ennemie

*L'horloge de Big Ben sonna 23 h alors qu'un homme traversait la place sous la pluie battante. Benjy avait travaillé jusque tard au Ministère. Encore trois nouvelles disparitions cette semaine. La moitié du mois n'était pas encore passée que déjà le nombre de ''disparus'' dépassait celui du mois précédent. Les mangemorts semblaient avoir été galvanisés par la mort de l'une d'entre eux. Comme s'ils devaient prouver à leur maître qu'ils détenaient toujours l'ascendant. Le Ministère diffusait autant que possible des consignes de sécurité, mais ce n'était plus suffisant. Certaines disparitions avaient même lieu durant la journée à présent. Les noms des disparus défilaient dans son esprit alors qu'il repassait chacun des dossiers, à la recherche du moindre indice l'ayant échappé. Il ne semblait jamais y avoir de témoin, jamais de trace, jamais de corps. Que pouvaient-ils bien faire avec tous ces individus ? Le bruit de la pluie et les frottements de sa cape contre ses oreilles l'empêchaient d'entendre distinctement les bruits environnants. Bien qu'il soit parmi les moldus, sa baguette ne quittait pas sa main, à l'abri des regards sous sa cape. Accélérant la cadence, il tourna à l'angle d'une rue pour se retrouver sur un boulevard. Evitez autant que possible les ruelles sombres ou mal éclairées, ne vous déplassez jamais seul. La voix horripilante de la femme répétant les conseils de sécurité à longueur de journée vint interrompre le fil de ses pensées. Elle en avait de biens bonnes, mais comment était-il censé rentrer chez lui, lui qui vivait seul ? Transplaner était devenu inenvisageable, beaucoup trop facile à tracer et il n'avait aucune envie que le Ministère sache où il habite. C'était déjà la seconde fois qu'il déménageait depuis ce fameux soir par peur des représailles; quant à son logement de fonction à Poudlard, il ne pouvait y accéder après le couvre-feu, toute entrée ou sortie était désormais impossible pour des raisons de sécurité.*

*Benjy arriva enfin devant un vieil immeuble moldu. Celui-ci présentait l'avantage certain qu'était l'anonymat. Il était plus facile de se dissimuler dans le monde moldu que parmi les sorciers. Déverrouillant la porte à l'aide d'un badge, il se glissa dans le hall et poussa un soupir de soulagement. Relâchant toute la tension qui avait parcouru ses muscles durant son trajet. Grimpant les escaliers jusqu'au dernier étage, il s'assura qu'il était seul dans la cage d'escalier avant de retirer les sortilèges de protections qui entouraient son modeste appartement. Poussant la porte, il alluma directement la lumière et remit en place les sortilèges derrière lui. L'appartement ne comportait que deux pièces à l'exclusion de la mini salle de bain. Après avoir accroché sa cape trempée il se dirigea vers la cuisine et fit bouillir de l'eau.*

*Plongé dans sa lecture, il essayait tant bien que mal de se détendre après sa dure journée lorsque de nouveaux coups furent frappés à sa porte. Passablement agacé, Benjy reposa son livre et marcha d'un pas déterminé vers la porte. Si un gamin s'amusait à toquer, il allait vite le calmer. Cette fois, il ouvrit la porte en grand et glissa sa main pour allumer la lumière. Cette invention moldue s'avérait être très utile et permettait d'éclairer toute la cage d'escalier sans monopoliser sa baguette. Se penchant au-dessus de la balustrade, il jeta un oeil aux étages inférieurs. Aucun gamin dans les escaliers, mais ils auraient très bien pu se cacher sur les paliers. N'ayant aucune envie de descendre puis remonter les escaliers pour passer chacun des paliers au peigne fin, il se retourna et rentra dans son studio en claquant la porte. De quelques informulés, il remit en place les sorts de protections en ajoutant cette fois un sort d'insonorisation pour être tranquille. Se déplaçant doucement, il se massa les tempes tandis qu'une nouvelle migraine le prenait. Se dirigeant dans ce qui lui servait de salle de bain, il ouvrit un placard rempli de potions. Malheureusement, il ne trouva qu'un emplacement vide, il l'avait terminé hier et avait oublié de passer chez l'apothicaire. Oubliant son thé, il repartit s'allonger sur son lit et lu une énième fois le même paragraphe.*

*Le lendemain, Benjy se réveilla la tête enfarinée. Sa migraine l'avait empêché de dormir une bonne partie de la nuit et le manque de sommeil se faisait sentir. A demi réveillé, il se leva et exécuta son train-train quotidien plus par automatisme qu'en réelle conscience. Oubliant qu'il avait insonorisé la porte la veille, la cacophonie de l'immeuble lui raviva la mémoire alors même qu'il franchissait le seul de sa porte. En passant devant la boîte au lettres de son appartement, il se souvient de cette habitude moldue qui risquait d'entacher sa discrétion s'il ne la respectait pas. Attrapant la liasse, il parcourut rapidement les publicités, leur adressant à peine un regard avant de les jeter dans la poubelle. Un papier blanc retint toutefois son attention. L'écriture patte-de-mouche était difficilement lisible et il dut se concentrer pour y lire les quelques mots. Quand il comprit enfin, un sourcil se haussa et il lança le papier rejoindre la liasse dans la poubelle. Pour lui, ça ne faisait aucun doute que c'était le gamin de l'immeuble qui n'avait su se contenter de son petit jeu d'hier. Ceux qu'il avait le plus à craindre en ce moment et qui le forçait à changer d'appartement régulièrement étaient les mangemorts. Or s'ils savaient où il habitait, il ne lui enverraient certainement pas un carton d'invitation pour le prévenir de leur attaque prochaine. Même Echtra en aurait bien été incapable, sa haine envers lui semblait trop forte pour qu'elle se satisfasse d'un tel jeu. Prenant tranquillement le chemin du Ministère de la Magie, il s’apprêtait à vivre cette journée comme toutes les autres. Il n'avait pas prévu de déménagement avant dans trois jours, un petit gamin moldu n'allait pas le faire changer d'avis.

La journée passa comme toute les autres, mais malgré tout, Benjy ne parvenait à chasser complétement ce papier de son esprit. Cherchant une faille dans son raisonnement, il avait parfois l'impression de davantage chercher à se convaincre lui-même. Mais finalement, il rentra le soir dans le même appartement, et ne prit guère davantage de précaution, ne prenant pas ses pressentiments au sérieux.*

*Franchissant l'entrée de son immeuble, Benjy remontait le couloir tranquillement lorsque soudain il se stoppa. Jetant un regard à sa boîte aux lettres il hésita un instant. Même pour un enfant, c'était tout de même étrange d'agir ainsi, non ? Et puis, en quatre jours, il n'avait croisé âme qui vive dans le bâtiment, rentrant à des horaires peu communs. Finalement il opta pour une vérification. Après tout, que pourrait-il y découvrir ? une autre lettre corbeau ? Cet effectivement ce qu'il y trouva. Jetant un regard circulaire autour de lui, il ne vit personne pour autant. Plutôt entêté l'enfant. Suspicieux, il déplia la lettre et entama la lecture. Au fur et à mesure que ses yeux parcouraient les lignes, ses sourcils se froncèrent et son teint blêmit. Un enfant hein ? quel idiot il avait été. Jetant un dernier regard autour de lui, il monta quatre à quatre les marches, baguette en main. Déverrouillant ses sorts de protection, il rentra avec prudence dans son appartement non sans jeter quelques sorts avant de s'assurer qu'il n'y ait pas eu d'intrusion. Ne trouvant rien d'anormal, il renforça les sorts de protection déjà présents avant de se laisser tomber lourdement sur une chaise. Ses mains froides sur son visage brulant l'aidèrent à se reconcentrer. Prenant une profonde inspiration, il sortit la lettre et la lu à nouveau. Son harceleur était du monde magique. Mais pourquoi ? quel était l'intérêt de tout ça ? Le dernier article de Skeeter n'était plus si récent et quand bien même les lettres de menaces qu'il recevait alors lui parvenaient à Poudlard et non ici, directement déposées dans une boîte aux lettres moldue... Il se sentait épié, observé. Lançant un sort à ses fenêtres, les volets roulants se fermèrent d'eux-mêmes, lui offrant un semblant d'intimité. Il rangea alors intégralement l'ensemble de ses affaires dans un petit sac. Un sort d'agrandissement et de poids-plume plus tard, il fit disparaître les dernières traces de son passage ici. Après avoir vérifié les sorts de protection et retiré celui ajouté la veille contre le bruit, il retourna s'asseoir en tailleur sur son lit. Attentif à tous les bruits qu'il entendait, il contrôla sa respiration pour réfléchir plus posément. Il lui était impossible de se réfugier à Poudlard ce soir, le couvre-feu étant largement dépassé, il ne pourrait y pénétrer avant le matin. Il envisagea le Square Grimmaurd mais du se résoudre à abandonner cette idée également, s'il était suivi et surveillé, il ne pouvait les mener là-bas. Présentement, son seul véritable soutien était Orcus, mais il n'avait aucune envie de le mêler à tout cela, il avait déjà lui-même bien assez de problèmes de son côté pour qu'il ne lui en rajoute pas.
Un bruit de pas dans le couloir attira soudainement son attention mais il s'agissait simplement d'un voisin qui rentrait chez lui après avoir sorti ses poubelles. Imaginant qu'il aurait pu s'agir de son mystérieux harceleur, un frisson glacé lui parcourut l'échine. Son corps le trahissait, il avait Peur. Rapidement, l'agacement prit le dessus. Il en avait marre. Marre de ces gens qui le jugeaient simplement parce qu'ils croyaient en les affabulations d'une vieille vipère, marre de ces regards qu'on lui lançait y compris au Ministère et au sein de son propre département. Malgré toutes les missions accomplies avec brio, une seule "erreur" lui avait fait perdre toute crédibilité. Et maintenant, cette menace fantôme, ces lettres corbeaux et ces bruitages qui étaient toutefois parvenus à l'effrayer. La goutte d'eau fit déborder le vase. Cette fois, après la déchirement de la mort, le poids de la culpabilité,  et la douleur de la haine, il ne laisserait pas une nouvelle personne se jouer de lui pour lui faire du mal. Se levant de son lit, une lueur de détermination vrilla son regard. Baguette en main, il accrocha son sac en bandoulière et couvrit ses épaules d'une cape noire made in Weasley. D'un geste presque rageur il enleva tous les sorts et franchit la porte sans un regard en arrière. Les escaliers et le hall furent bientôt derrière lui et enfin, il sentit l'air frais de la nuit emplir ses poumons. Toute trace de peur l'avait quitté. Son esprit était vide, serein. Après tout, il avait été formé à ça, au combat.*

- Montre-toi. Quel lâche es-tu pour préférer te terrer dans l'ombre, pour avoir peur d'agir en pleine lumière ? Tu voulais mon attention, voilà qui est fait !

*Sa voix, neutre et assurée, s'éleva dans les airs alors qu'il se tenait debout devant la porte de son immeuble. Il n'avait pas pris la peine d'élever le timbre, s'adressant au vide comme si une personne se tenait devant lui car il ne doutait pas une seule seconde que son harceleur se tenait là quelque part, tapis dans l'ombre.*

*L'imagination a toujours été la chose la plus cauchemardesque qu'il soit. Hormis lors d'un geste créateur, elle vient vous étreindre à vous en étouffer. Quelles que soient ses pratiques, l'embellissement, le fantasme de la réalité qui donne suite à une désillusion ou au contraire, l'enlaidissement. Elle se sert de vos craintes les plus sombres qu'elle allie à vos pires souvenirs pour faire jaillir des réalités parallèles, cauchemardesques. Elle prend le contrôle de votre esprit, puis celui de votre corps, ne reste alors que votre âme, dernier rempart. Ce soir là, Benjy ne savait rien. Il ne possédait aucune information sur son harceleur, sur la menace ni même sur les motivations de celui-ci. Son imagination avait alors eut le champ libre, l'empêchant de réfléchir. Mais à présent c'était différent. Maintenant qu'il était dehors, il reprenait le contrôle de la situation.*

- Oh mais je t'en prie, cherche ! Que dirais-tu qu'on prenne un petit thé pour en débattre ?

*Il t'avait observé sortir de l'ombre doucement. Quoiqu'on en dise, il avait eu raison de sortir. Et tes paroles ne parvinrent pas à semer le doute dans son esprit. Loin d'être sans protection ni défense, il pouvait à présent jauger la menace et y mettre un terme. Si tu te tenais devant lui, c'est que tu avais été payé pour cela. Il n'y avait eu aucune arrestation de tes pairs dernièrement et si tu avais eu un lien quelconque avec Quinn, tu serais venu bien plus tôt. ça n'avait donc rien de personnel. Dommage pour lui, car si un sentiment de vengeance t'avait habité, cela aurait considérablement augmenté ses chances. Mais par qui avais-tu bien pu être mandaté ?*