[Sanguini] T'as le look Coco [...] pas de doute Coco, t'as le look qui te colle à la peau !

Pas de doute Coco, t'as le look qui te colle à la peau !

Eléanor, qui avait porté la tasse à ses lèvres de nouveau, s’arrêta en plein geste, interloquée. Elle contempla le vampire silencieusement et finit par dire d’une voix blanche.

- Je ne vous pense pas inhumain ou en dehors de l’humanité.

Elle reposa sa tasse et reprit doucement.

- Vous êtes un vampire, et qu’est-ce que cela change ? Il existe des humains bien plus inhumains que vous. Je ne suis pas idiote, je me doute que vous n’êtes pas devenu médicomage du jour au lendemain. Mais je suis certaine que vous faites le nécessaire pour que jamais le passé ne vous rattrape. Vous soignez des gens quotidiennement, je … Il y a des monstres dans cette vie, mais vous n’en faites pas partie, Monsieur Sanguini, j’en suis convaincue.

La réponse à sa requête eut don de la faire sourire jusqu’aux oreilles, soudainement rayonnante. Une quelconque réserve ? Ils s’en arrangeraient au moment venu. Déjà elle se voyait lui écrire toutes les semaines pour lui demander conseil ou même ... prendre de ses nouvelles. L'idée lui plaisait, vraiment. Avoir un ami vampire, n'était-ce pas quelque chose d'exceptionnelle ?

- Votre franchise me suffira, je ne demande pas plus. Cela compte beaucoup pour moi, Monsieur Sanguini, vous savez ? Cela semblerait anodin pour n’importe qui, mais ce n’est pas mon cas. Je n’ai pas eu beaucoup d’adultes pour me guider ces dernières années. Ce qui fait de moi une novice dans pas mal de domaines encore.

L’élève prit le temps de vider sa tasse, pensivement, avant de répondre. Le pouvoir, quelle belle connerie, si puissant et si dangereux à la fois ! Bien sûr qu’elle le craignait. Elle était loin de se sentir invincible et imperméable à lui.

- Je dois vous avouer avoir beaucoup de mal à m’entourer des autres. Je m’y prends mal et au fil du temps, j’ai fini par en avoir peur. Cela doit vous paraître idiot, mais j’ai peur qu’ils me rejettent comme on m’a rejetée plus jeune à cause de mes pouvoirs. Alors j’ai du mal à prendre un risque. Je crains beaucoup de choses finalement, le pouvoir n’en est qu’une parmi tant d’autres. Mais je ne compte pas avoir peur toute ma vie, je crois que j’ai juste besoin d’avoir confiance, vous comprenez ? Vous avez des croyances, Monsieur Sanguini ?

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Prédateur, opportuniste, elle n’avait jamais pris le temps de réfléchir à ces termes, comme bon nombre de ses camarades d’ailleurs. Ainsi donc c’était le mensonge qui les différenciait pour le vampire. Vrai que l’homme ne laissait jamais passer une opportunité. C’était une vision bien sombre, mais dans un même temps bien réelle. Pour autant, Eléanor n’arrivait pas à le considérer autrement que comme un prédateur guettant sa proie pour mieux l’enserrer dans ses griffes. A ses yeux, il était les deux, car elle s’imaginait aisément le prédateur se faire doucereux, séducteur et donc menteur. Quant au mensonge, elle ne pouvait pas lui donner tort. Elle avait partagé d’égales paroles avec le jeune Serdaigle. Tous mentaient et ce qu’importait la raison.

- Non, merci, cela ne serait pas raisonnable. Vous avez probablement raison, mais c’est plus facile à dire. Abaisser ses barrières, accorder de la confiance, révéler certaines parties de soi, des souvenirs enfouis profondément, c’est parfois effrayant. Mais je suppose qu’un jour ou l’autre, je devrais me lancer et croire qu’effectivement j’ai certaines amitiés à vivre. Cela en vaut la chandelle n’est-ce pas ?

Elle eut un léger sourire tandis qu’elle repensait aux mains tendues qu’elle avait refusées de prendre. Ce vertige-là, elle ne l’avait jamais réellement apprécié. Tomber dans l’inconnu, sans repère, avec tout un tas de risques à la clef. Elle l’aurait fait avant, mais aujourd’hui, avec le passé qu’elle se traînait comme un boulet, elle s’y refusait. Pourtant, lorsqu’elle regardait le vampire face à elle, il n’était plus vraiment question de médicomage / patiente, mais plutôt d’un lien aux allures amicales. Et c’était des plus plaisants, elle se l’avouait sans mal. Pour ces liens-là, elle pourrait se battre avec bien plus de facilité. Mais justement, le vampire lui mentait pas, les autres si, et c’était bien là le problème.

- Autre que le pouvoir et les autres ? Je crains cette guerre qui s’amène avec son lot d’idéologies et de pertes. Je crains la mort de mon père, les idéologies qui persisteront et qui continueront de nous empoisonner si personne ne cherche à s’y opposer. Je crains comme mes camarades de ne pas être à la hauteur, et surtout à la hauteur de mes propres attentes. Je crains de me satisfaire de la solitude et ne plus connaître le même sourire trônant sur les lèvres des passants heureux. Je ne crains pas la différence non, et donc pas les vampires, même si je suis certaine que certains pourraient me faire pâlir de frayeur. J’essaie, vous voyez, d’être la plus rationnelle possible, mais la crainte n’est pas rationnelle en soi. Si je me laisse penser, je vous trouverais des centaines de craintes, je crois.

Son sourire s’élargit davantage.

- Vous avez de belles croyances. Les quatre piliers d’une vie, non ? Je vous avoue que pour le moment, je ne crois qu’en les deux premiers. J’ai d’ailleurs une question curieuse pour vous. Vous êtes médicomage, la magie vous entoure, et je pense qu’un jour le débat se posera réellement lorsque les moldus apprendront notre existence. Que pensez-vous de la dualité entre la science et la magie ?

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Elle ne s’y était pas attendue. Comment aurait-elle pu le prévoir ? Eléanor rougit jusqu’aux oreilles et en perdit ses mots. Ses yeux, ahuris, contemplaient le vampire. Avait-elle donc mal entendu ? Elle hésitait à le croire. Mais avant qu’elle ne put répliquer, ses craintes se confirmèrent et elle se figea de plus bel, terriblement choquée.

- Je … Comment …

Elle ferma les yeux et prit sur elle-même pour ne pas répliquer avec insolence. A plusieurs reprises, elle se mordit les lèvres, tandis qu’elle tournait sept fois sa langue dans sa bouche.

- Au risque de vous décevoir, je ne compte absolument pas avoir de « beaux et solides » gaillards maintenant. Quant à m’engraisser … Je n’ai qu’un faible appétit, généralement.

Rouge écarlate, Eléanor n’osait pas vraiment affronter les réprimandes du vampire. Elle les soupçonnait d’arriver et s’en voulait que cet après-midi se terminât sur cette fâcheuse note. Mais avait-elle d’autres choix que de s’imposer comme la future femme qu’elle voulait devenir ?

- Ecoutez … essaya-t-elle de temporiser, je ne dis pas que je ne serai jamais mère mais je … Ce n’est pas le bon moment, vous comprenez ? Les mœurs ont changé et je ne souhaite pas rester une femme au foyer à attendre que son époux rentre du travail. Je m’en sens incapable.

Puis elle secoua la tête négativement, ravie de changer de sujet.

- Non, mais c’est un moldu qui aime se faire remarquer. Il a une sainte horreur des sorciers et l’alcool ne lui fait pas mâcher ses mots. Nous sommes des monstres à ses yeux. […] Je n’en doute pas. Mais laissons le temps faire, vous voulez bien ?

Le mot « science » eut un effet surprenant sur le vampire. Décidément, qu’est-ce qu’elle n’avait pas dit en l’espace de cinq minutes… Eléanor leva sa main prête à rassurer le vampire, mais s’en garda bien, par prudence.

- Pardon, je ne voulais pas vous offenser. Je pensais seulement que l’association des deux mondes pourrait être fructueuse. Dans l’avancée médicale par exemple…. Pensez-vous donc que nous devons rester aussi dépendants de la magie ?

La Poufsouffle aussi finit par regarder par la fenêtre. Même en compagnie d’un membre du personnel de Poudlard, elle ne devait pas tarder. Sans compter la pile de devoirs qui l’attendait encore. Et puis… Eléanor voulait éviter que la conversation ne revienne sur le fruit de ses entrailles. Elle n’était absolument pas prête pour ce genre de confessions.

- Je crois qu’il est l’heure pour moi de regagner le château ? Rentrez-vous aussi ?

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Le vampire devenait de plus en plus vexant et Eléanor de plus en plus mal à l’aise. Pour autant, elle ne chercha pas à répondre, mettant cela sur le compte de la vieillesse du vampire et de l’ancienne époque qu’il avait connue. Finalement, mieux valait son époque que celle où les femmes restaient cloîtrées avec quatre nouveaux nés dans les bras. Rien que l’image lui donnait un arrière-goût nauséeux. Alors elle préféra se demander si lui-même avait été père, s’il en avait eu le temps. Mais ce n’était pas des questions qui se posaient, même à leur époque où le respect n’était pas toujours au beau fixe.

Puis, la Poufsouffle écouta avec patience le discours du vampire sur le rapport science, médecine et magie. Naturellement, elle n’était pas du tout d’accord, du moins en ce qui concernait les grosses maladies de leur temps. D’autant plus qu’elle-même n’était pas une grande fan non plus de la magie. Elle l’aimait, c’était chose certaine, mais pas en toute circonstance. La magie lui avait pris beaucoup et à bien des égards, elle la voyait souvent comme l’opium du monde sorcier. De fait mettre la magie sur un piédestal la contrariait.

- Très bien, et concernant le cancer ? demanda-t-elle de but en blanc. Pensez-vous pouvoir le guérir par magie ? En avez-vous connu certains cas chez les sorciers ? Puisque vous semblez dire que différentes maladies nous affectent. J’aimerais en savoir plus.

Rappelons que Maman Eléanor avait péri à cause d’un vilain cancer et que le sujet restait très sensible pour la Poufsouffle. Faisant étalage de son ignorance quant aux maladies communes ou non aux sorciers et aux moldus, elle voulait savoir si la médecine magique aurait été apte à la sauver, et si c’était le cas, pourquoi n’y avait-elle pas songé ?

- Peut-être pourriez-vous me répondre sur le chemin, si vous le voulez bien.

La Poufsouffle accorda un léger sourire au médicomage et se leva. Elle enroula sa longue écharpe aux couleurs de sa maison, enfila sa cape puis son sac sur son épaule. Poliment, elle salua Mrs Pieddodu et passa le seuil de la porte. Enfin de compte, le retour au château allait être plus réconfortant que prévu.

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La destinée. Que voulait dire ce mot-là au juste ? C’était quoi le destin ? Quelque chose de préalablement écrit ? Cela semblait fort injuste. Comme si notre condition d’homme, notre vie, nos choix, ne nous appartenaient pas. Eléanor ne voulait pas croire au destin, car si par malheur ses rêves devaient s’envoler parce que cela était écrit, la tristesse serait grande. Et dans ce cas, elle préférait de loin connaître l’échec parce que si des reproches devaient être faits, alors ils ne seraient destinés qu’à elle-seule. Est-ce que finalement la destinée n’était-elle pas une manière de se dédouaner ? D’excuser chaque acte ou chaque choix de fait ? Elle n’interrogea pourtant pas le vampire sur la question, tout simplement parce qu’elle aurait pu l’en vexer. Or ce n’était absolument pas son intention. Elle opina du chef et ne posa plus aucune question sur la maladie. Au-delà de sa ignorance curieuse, la discussion prenait des tournants qu’elle ne souhaitait pas, et rien que d’imaginer que c’était là la destinée de sa défunte mère, elle en avait des frissons. Aussi sur le chemin du retour, préféra-t-elle tenter de répondre aux propres questions du vampire.

- Vous allez peut-être me prendre pour une folle, mais je ne porte ni l’un ni l’autre dans mon cœur. Le progrès, dans des biens des domaines, m’apparaît surfait dans le sens où s’il n’apporte pas quelque chose d’essentielle à l’homme ou meilleure pour sa santé, il ne sert à rien. J’aime la simplicité et mes parents me l’ont très bien inculquée. Nous vivions d’élevage dans un modeste cottage des Highlands et croyez-moi, Londres ne me donne absolument pas envie à côté. On va dans l’espace maintenant, on cherche des traces de vie, d’après ce que j’en sais. Les hommes aiment bien regarder chez leurs voisins au lieu de s’occuper de leurs propres biens. Je pense que la science vous décevrait, Monsieur. Pour ce qui est du reste, je crois qu’on parle de cryothérapie mais je ne pourrai pas vous en expliquer le principe. Quant à changer la météo, une fois dans une vitrine d’un marchand de journaux, j’ai vu en gros titre que la fin du monde était annoncée. Peut-être changera-t-elle la météo.

Eléanor haussa les épaules, la mine maussade. La simplicité de chez elle lui manquait affreusement. Le monde la dépassait aussi bien par ses connaissances que ses avancées, et elle trouvait cela effrayant. Elle ne voulait pas tout savoir et pourtant, il lui faudrait connaître bon nombre de ces sujets pour son avenir proche. Ce qui la dépita un tantinet. La vision des premières tours du château eut alors pour effet de la rassurer un petit peu. On avait que trop d’angoisse à presque 18ans.

- Aujourd’hui, vous aurez bien plus répondu à mes questions que moi aux vôtres. J’espère que vous n’êtes pas trop déçu. Parfois quand je me lance dans mes interrogations, il m’arrive de ne plus m’arrêter par manque de compréhension. Merci de vous être montré patient, Monsieur Sanguini.

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L'élève eut un petit sourire en coin, amusée.

- Un élevage de bovins, Monsieur Sanguini.

Au contact de la main, elle eut un très très bref recul, dû à sa seule surprise. C’était décidé, lors des prochaines batailles de neige, elle prendrait le vampire dans son équipe. Cette froideur naturelle alliée à sa force surnaturelle, le médicomage serait un atout de taille !

- Sauf si l’on pratique l’élevage de détraqueurs, je crois qu’il ne reste qu’à utiliser le sortilège « Glacius ».

Un petit rire suivit sa déclaration.

- On dit que Seamus Finnigan cumule les allers-retours à l’infirmerie. Le pauvre gryffondor ne cesse de se montrer les joues noires de cendre ou avec des résidus de potions dans les cheveux. Vous devriez entendre les Serpentards se moquer de lui. Mais je crois que ce château a connu bien pire, il pourrait en raconter des tours ratés. Vous devez avoir de nombreuses anecdotes à raconter également, de quoi sûrement écrire un livre !

Eléanor sourit davantage et une fois aux portes, elle se tourna pleinement vers le vampire pour s’incliner avec respect.

- Une après-midi bien riche, mais amusante. Je vous remercie Monsieur Sanguini, pour le thé ainsi que vos caramels. J’espère que vous trouverez une cape adaptée à vos besoins. Vous me la montrerez n’est-ce pas ? Madame Pieddodu sera ravie de votre fidélité.

Evidemment, la Poufsouffle faisait référence à une clientèle aussi fidèle que régulière. En aucun cas elle n’avait remarqué le penchant pour le vampire. Elle en aurait rougi de pudeur.

- Je passerai à l’infirmerie prochainement vous voir. Passez une agréable soirée, Monsieur !

Elle s’inclina encore dans un sourire rayonnant avant de s’engouffrer davantage dans le château pour emprunter au final un couloir opposé à l’infirmerie. Son humeur était étonnamment douce et joyeuse, probablement l’effet Sanguini, vampire aussi atypique qu’attachant.

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