[Yennefer + libre] Y'a pas d'place pour deux alphas dans cette contrée !

*C'était l'heure du digestif, autrement dit, l'heure à laquelle la totalité des clients d'Abelforth avaient déjà dépassé le taux d'alcoolémie autorisé pour enfourcher leur balai. Remarquons que la plupart d'entre eux l'enfourcheraient quand même, quelques-uns zigzagueraient dans les airs en percutant des piafs malchanceux, quand un ou deux ne rentreraient jamais, abandonnés par le bon dieu des ivrognes au profit du saint patron des pompes funèbres. Mais tout ça, selon Scabior, c'était juste une question de sélection naturelle.

Il était éméché, comme les autres, dans la taverne à la propreté douteuse et certainement pas approuvée par le moindre comité d'hygiène. Ne faisant que peu cas du risque de se choper un herpès labial, le rafleur leva sa pinte pour la énième fois de la soirée quand un rire semblant tout droit sorti des enfers se fit entendre dans son dos, lui glaçant l'échine. Il détourna un instant son attention de la partie de bavboules qu'il était pourtant en train de gagner, fait suffisamment rare pour être souligné. Il pivota sur sa chaise pour l'apercevoir elle, lui tournant le dos, assise à une table tout aussi peuplée que la sienne. Des années qu'il n'avait pas entendu ce rire, celui de sa principale rivale. Des années qu'il n'avait pas vu cette nuque à la courbe délicate, si fine qu'il n'aurait aucun mal à la lui briser d'une seule main. Et pourtant, il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait bien de Yennefer en personne, ou plutôt « Yennenfer » comme il aimait la surnommer.

Il rafla sa mise sur la table de jeu qu'il quitta prestement pour se faufiler dans la petite pièce en terre battue. Sans prévenir personne, il prit une chaise qu'il retourna et s'assit pile en face de toi, sa pinte à moitié vide levée pour te saluer avant d'en engloutir une nouvelle gorgée. Il n'avait encore prononcé aucun mot, mais le regard de défi qu'il te lançait parlait pour lui.*

*Les pupilles de Scabior se dilatèrent sous la contemplation belliqueuse de sa rivale, si le regard avait été une arme, il aurait alors donné le premier coup. Il prit une gorgée de plus de sa bière des trolls en écoutant dans un silence religieux les sarcasmes de la jolie brune. Personne n'avait bougé à la table, mais tous regardaient à présent le fond de leur verre alors que seul la moitié avait à y déplorer la présence de mouches collées et de traces douteuses. Si le reste de la pièce étouffante n'avait pas été sur-peuplée, on aurait pu entendre un doxy voler le temps que Scabior balance sa réplique.*

Tes informations sont erronées, comme toujours. Vrai que j'ai passé beaucoup de temps dans des bordels, faux que c'est moi qui ai payé les catins pour les moments qu'elles ont passées en ma compagnie.

*Un sourire cynique sur sa face, il écarta les bras avec nonchalance et ironie. Tout dans son attitude mimait une parfaite décontraction alors que la tension était tellement palpable qu'il pouvait déjà apercevoir une veine battre nerveusement à la tempe de son voisin de droite.*

Sacrée Yennefer, je suis pas là depuis 30 secondes que tu ne peux déjà pas t'empêcher d'évoquer mes parties intimes. Rassure-toi, « ma petite puce », la seule impuissance dont je souffre, c'est quand je te vois. En même temps, c'est de l'instinct de survie, paraît que les derniers pauvres gars suffisamment désespérés pour avoir eu envie de te toucher ont tous vu leurs phallus se gangrener à cause des mycoses génitales que tu leur as refilé.

*Il arqua un sourcil d'amusement en levant sa pinte qu'il acheva presque. Depuis sa sortie de prison, il n'avait pas entendu parler de toi, pas un seul exploit signé de ta griffe n'était parvenu jusqu'à ses oreilles. En même temps, lui-même s'était fait plutôt discret, il devait se racheter une virginité aux yeux de la société. Mais te sachant dans la course, il ne tiendrait sûrement pas bien longtemps sans se lancer dans un mauvais forfait. Le rafleur ne manquait pas d'ego et il était hors de question qu'il se laisse détrôner à ton profit, mieux valait encore prendre le risque de retourner conter fleurette aux détraqueurs.*

*Il te sourit d'un air se voulant consolant, le regard faussement triste s’apitoyant sur ta personne.*

Je voudrais pas que tu te fasses de faux espoirs nous concernant, mon cœur. La dernière chose que je veux, c'est laisser une éplorée de plus dans mon sillage.

*Dit-il avec l'intonation de celui qui s'épanouissait dans le malheur des autres. Il se pencha en avant et tendit sa main gantée d'une mitaine en cuir pour venir la tapoter amicalement sur la tienne. Une fois ce petit jeu achevé, il se reposa en arrière dans sa chaise et croisa ses mains sur la table, bien en évidence.*

Mais trêve de plaisanterie sur notre mariage qui n'aura jamais lieu, au moins un point sur lequel nous tomberons d'accord. Quel mauvais vent t’amène sur mon territoire ?

*Considérant son poste à Poudlard, ses vagabondages nocturnes à Pré-au-lard, sa tête mise à prix aux trois balais et sa conséquente note à la tête de sanglier, Scabior jugeait bel et bien que le patelin était sa réserve de chasse personnelle. Sans compter qu'il avait pissé sur quasiment la totalité des coins de murs, même sur celui de la maison de la vieille Crapabelle, une chouette de 110 ans qui lui avait proposé plus d'une fois de devenir son gigolo contre un paquet de gallions, ce qu'il avait refusé bien sûr... Officiellement.*

Soit tu as reniflé une piste, soit t'es venue te mesurer à moi. Je crois pas au hasard, c'est bon pour les soumis toutes ces histoires de coïncidences et de destinée.

*Scabior bougea quand même, une odeur de poils grillés, ceux de sa barbe de 3 jours, s’éleva alors juste sous son nez. Il te sourit narquoisement sans se plaindre, apparemment tu avais sous-estimé son affection pour la douleur... ou ce qu'il était capable d'endurer par pur esprit de contradiction. Lorsque tu lâchas son col et ferma les yeux, il en profita pour te piquer ta roulée de mandragore qu'il porta à ses lèvres et remit aussitôt entre tes griffes acérées. Il prit le temps d'en cracher la fumée pile sur toi avant de se rasseoir.*

Ma parole, t'es vraiment prête à tout pour me toucher !

*Trêve de plaisanterie, tu le frappais en plein dans son orgueil, ce qui était presque aussi douloureux qu'un talon aiguille dans les parties. Son regard se rembrunit.*

J'ai rien perdu de mes capacités ! Je suis sur un gros coup c'est tout, du genre qui prend du temps, ok ?

*Il tapa de l'index sur la table. Il n'était sur rien du tout, juste quelques vagues idées sujettes aux aléas de l'avenir, mais ça, il était hors de question qu'il te l'avoue.*

Seulement la seconde ? Il m'en faut peu, ça me flatte quand même. Et c'est quoi la première ? Peut-être bien que j'ai entendu des rumeurs...

*Curieux, en haleine même, il racontait n'importe quoi en espérant que tu lui craches le morceau. Il détourna aussi son regard, mais pour se donner un air détaché et mystérieux. Alors qu'un silence anormalement long s'était installé, genre 2 secondes, facile, il tenta de t'observer du coin de l’œil au point de mettre à mal ses muscles oculaires. Ton regard vagabondait étrangement dans le vide avec une pointe de... de quoi au juste ? Colère ? Tristesse ? En tout cas, il n'avait pas la moindre idée du souvenir qui venait de s'insinuer insidieusement dans tes pensées à ce moment-là. Il en aurait presque éprouvé des remords à te voir ainsi, c'est qu'au fond il t'aimait bien, mais pas question de laisser cette information filtrer.*

Sous ton poids, peut-être ?

Aucun problème pour ça, il se trouve que j'ai mon petit réseaux et c'est de la qualité supérieure. Tu sais quoi, je vais même te rembourser avec les intérêts.

*Il sortit de sa poche une roulée de mandragore qu'il glissa sur la table jusqu'à toi, la plante avait été arrachée récoltée amoureusement dans les serres de Poudlard où Wilkes s'était révélé avoir la main verte en particulier avec ces plantes-là, allez savoir pourquoi hum... Il avait ensuite séché les feuilles lui-même et c'était peut-être là que le produit péchait un peu, mais ça restait tout de même un narcotique de premier choix. Lorsque tu te penchas sur lui pour susurrer des mots tendres à son oreille, car oui, une rafle était aussi douce à entendre que la plus suave des déclarations d'amour, il ne put s'empêcher d'en éprouver un délicieux frisson prenant naissance sous tout souffle pour venir se perdre quelque part vers la naissance de ses reins. Ce n'était pas le genre de faiblesse qu'il voulait t'avouer, mais comme on disait "Boys will be boys" ! Il frotta ses lèvres l'une contre l'autre un expirant la totalité de l'air de ses poumons et se racla la gorge pour balayer les restes de ce fugace plaisir dédié au banditisme de petite envergure.*

"LE" garçon ? Celui avec les binocles et la balafre ? Je suis surpris, on dit que depuis le fiasco du ministère il ne laissera plus que qui que ce soit s'en charger à sa place ? Et quel est ton plan ? Je suis très occupé en effet, mais contrairement à toi, j'ai un accès direct auprès du petit. Figure-toi que je viens même de séduire sa petite copine, ni vu, ni connu.

*Pour n'importe qui excepté les rafleurs, une agréable odeur de plan foireux s’élevait doucement dans l'air.*

*Sauf que Scabior se voyait comme un chat : il avait 9 vies, retombait toujours sur ses pattes et possédait assez de flair et de culot pour trouver ce qu'on essayait de lui cacher. Quand et comment, aucune idée, mais il comptait sur sa chance légendaire pour débusquer ton affaire avant toi, quelle qu'elle soit, même si elle ne l’intéressait pas d'ailleurs. Emmerder les autres était déjà une récompense en soi pour l'adorateur du chaos qu'il était.

Il vida le fond de sa chope puis dessina des demi-cercles du bout de ses doigts sur la table pour se donner un air mi-amusé, mi-énigmatique.*

Ah oui, vraiment ? Je ne t'intéresse pas ? Et si je te dis, mon cœur en sucre, que j'ai un accès illimité à Poudlard. Je connais tous les mots de passes, toutes les entrées, tous les passages secrets... tous surveillés en ce moment, mais une surveillance ça se déjoue ou mieux, si c'est moi qui m'en charge...

*Il écarta les bras pour marquer ce qui était une évidence. Il pourrait faire rentrer n'importe qui et n'importe quoi pour le peu que le jeu en vaille la chandelle, car il n'était pas question qu'il prenne le risque de brûler sa couverture sans une bonne raison, sa position était trop enviable pour la gâcher. Il aurait pu savourer ce point marqué sur toi s'il ne s'était pas pris, venu d'on ne sait où, une grande tarte dans la gueule. Il n'en comprit pas la raison, mais se leva prestement, sortant son coutelas de sa botte dans un grand geste rapide pour le tendre sous ta gorge. De son autre main, il se massait la joue.*

Mais t'es une grande malade ! Qu'est-ce qui t'a pris ? T'es jalouse ou quoi ?

*Son bras ne trembla pas, sa main maintenait toujours le couteau sous ta gorge alors qu'il ricanait d'un air mauvais. Le Scabior débonnaire avait été balayé par ta gifle, pour le moment du moins, et tu ne pouvais t'en prendre qu'à toi-même. On pouvait se la jouer gueguerre enfantine ou devenir vraiment les pires ennemis d’Angleterre... enfin les seconds pires ennemis, Jojo-la-balafre et Face-de-poulpe les dépasseraient toujours.*

Si tu ne vois pas le putain de coup que je suis en train de monter en jouant les toutous, comme tu dis, c'est que tu es encore plus folle que le vieux sénile en personne. Je me carre bien de la fierté et de ce genre de conneries inventé pour consoler les losers, me remplir les poches suffit amplement à mon bonheur.

*Il cessa de masser sa joue martyrisée pour ramasser la roulée qu'il t'avait fait don et que tu avais boudé, dommage pour toi. Il la porta à sa bouche, sortit très lentement sa vieille baguette juste le temps d’allumer la cigarette pour commencer à la fumer sans la retirer de ses lèvres. Pendant tout ce temps, son regard t'avait livré un combat sans pitié où ni l'un, ni l'autre, trop têtus et trop fiers, ne gagneraient. Et puis il commença à sourire et lentement baissa son arme pour venir la ranger dans son pantalon, coincée entre sa ceinture et son dos.*

Si je te tue mon amour, j'aurais pas le plaisir de t'entendre me susurrer à l'oreille que j'avais raison. Et puis tu sais ce qu'on dit ? "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire".

*Il rompit la distance qui nous séparait, retira la roulée de sa bouche et vint susurrer à ton oreille.*

Fenrir rirait oui, de mes histoires de pucelles et de me savoir jouer les bons copains auprès d'aurors dont on planifierait la mort. Et tu le sais autant que moi. T'es encore trop sentimentale, Yenn.

*Il caressa ta joue du revers de son index puis fourra la roulée entre les lèvres, un cadeau restait un cadeau. Il recula puis inclina du chef pour te saluer et pour prendre congé.*

*Il continuait à se rapprocher de la porte à reculons, il porta deux doigts à sa tempe pour adjoindre à sa sortie un salut militaire.*

Si je suis dans tes prix, va savoir, peut-être bien que ça serait possible. Quelles femmes me poussent au pire ? Toutes celles que j'ai aimé, mon ange.

*Sur ce, il se retourna en raflant une bouteille de Whisky traînant sur une table pour lui tenir compagnie sur la route le ramenant à ses pénates. C'était sans compter sur la vigilance de vieil Abelforth qui laissait la bande de chiens galeux qui squattaient quotidiennement son troquet faire à peu près tout ce qu'ils voulaient tant qu'ils n'essayaient pas de l'enfler. Un sifflement, c'est tout ce dont il avait eu besoin pour se rappeler au bon souvenir de Scabior qui n'eut d'autre choix, du moins s'il voulait revenir, que de rebrousser chemin le temps de lui jeter quelques pièces de monnaie disparates. Un soupir et un regard mauvais plus tard, histoire de marquer le coup, le rafleur se retrouvait dans l'air frais et agréable des rues de Pré-au-lard, surtout en comparaison de l'odeur fétide de bouc qui régnait toujours à la tête de sanglier.

Il pensait rentrer tranquille pépouze après cette altercation qui avait ajouté un peu de piment dans sa vie, ce dont il manquait cruellement même si la tension empuantissant l'air de tout le Royaume-Unis hurlait que cette accalmie n'allait pas perdurer bien longtemps, mais c'était sans compter sur la vieille porte grinçante du bistrot qui claqua dans son dos et des doigts froids touchant sa peau à un endroit suffisamment intime pour savoir que ce n'était pas Abelforth qui le retenait cette fois. Il retourna lentement en fronçant les sourcils.*

T'es malade ? Je frappe pas les femmes.

*Vrai en un sens. Une fois sous contrat, il n'était plus question d'homme ou de femme, mais de simple cibles. Quant à ses quelques ex qui avaient trépassées sous ses doigts, beaucoup auraient eu à redire sur ses accès de colère, mais aucune n'aurait pu prétendre avoir reçu le moindre coup jusqu'au moment précis où elles avaient rendu leur dernier soupir, leur gorge écrasée sous ses doigts. Il te tourna le dos à nouveau et partit dans la nuit.*