[Daphné] Lever le coude : un savoir ancestral !

Ces dernières semaines s'étaient révélées riches en événements ! Tout d'abord, elle avait enfin obtenu la marque des ténèbres après tant d'années à rester dans l'ombre de son époux et de son nom. Deuxièmement, elle avait violé un lieu sacré en compagnie d'un vampire. Troisièmement, et toujours accompagnée de ce même vampire - douteux à ses heures - elle avait conduit une voiture moldue. Ce qui ne fut pas une mince affaire... Qu'elle fut encore vivante relevait du miracle ! Quatrièmement, elle avait fait la connaissance d'un jeune homme louche, aux trop bonnes manières, un jeune homme qu'elle pensait être à la botte de son fils, ignorant en réalité qu'il était Auror. Ajoutons à cela, qu'elle hébergeait désormais deux squelettes dans le manoir de sa famille et que ces dernières semaines avaient été ponctuées de bien plus de nuits d'ivresse que d'ordinaire !

Mais peut-être qu'aujourd'hui allait enfin pouvoir être une journée "normale". Ou presque. Presque, car dans une journée "normale", l'idée de voir son ingrat de fils ne lui aurait même pas traversé l'esprit. Elle avait une sacrée note à lui envoyer, mais pour ce qu'elle avait à lui dire, Echtra aurait préféré le faire de vive voix. Raison pour laquelle, elle se retrouvait-là, à Pré-Au-Lard et plus précisément, assise au comptoir des Trois Balais. Maman Wilkes espérait le prendre par surprise et le sermonner ! A cet âge-là, on ne donnait plus de fessée. Pourtant ce n'était pas l'envie qui lui manquait. A quoi jouait-il à la fin ?!
Elle souffla de colère sur son Hydromel aux épices et en but une gorgée pour se désaltérer. Il ne lui restait plus qu'à lever le coude pour calmer ses nerfs et patienter. Fort heureusement, pour une fois, les Trois Balais n'étaient pas surpeuplés. Tout juste y avait-il quelques groupes d'élèves ici et là, tous avec cet air de complot sur le visage derrière leur bièraubeurre. Pourtant Morgane savait combien ils manquaient d'ambition à cet âge-là ! Pathétiques. Ces temps-là ne lui manquaient absolument pas.

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Quand la porte des Trois Balais s'ouvrit sur un duo de Poufsouffle de troisième année, Daphné bu d'une traite la fin de sa Bièraubeurre, et coula un regard vers Pansy et Millicent. Ses deux camarades c'étaient mises à glousser, et elle su que le mépris soudain qu'elle ressentit n'était pas le sien.

Le choc la fit avaler de travers et elle se leva brusquement, prise d'une quinte de toux. Il était rare qu'elle baisse sa garde. Un coup d'oeil alentour la fit battre en retraite, et elle traversa le Pub rapidement pour se réfugier aux toilettes, le plus loin possible. Elle évita son reflet, et s’appuya contre le lavabo, le cœur au bord des lèvres. Il fallait qu'elle se ressaisisse, et vite. Il était impensable qu'elle se laisse submerger.

- Reprends-toi, Greengrass.

Elle prit une profonde inspiration, se concentra, les yeux fermés, et s'assura d'être vide de l'intérieur. Le meilleur état qu'elle puisse espérer. De nouveau prise de l'ennui profond qu'était le sien d'ordinaire, elle se lava les mains pour finir de se donner une contenance et sortie des toilettes. Elle n'y était restée que quelques minutes, même si ça lui avait paru des heures. Ses amies étaient toujours assises à leur table, mais elles avaient dû dire des vacheries aux deux Poufsouffle, car une Poufsouffle de sixième année était venue les défendre et semblait en joute verbale contre Pansy Parkinson.

Daphné n'alla pas les rejoindre, elle se contenta de rejoindre le bar pour plus de tranquillité. Elle ne tarderai pas à rejoindre Poudlard, elle avait assez prit l'air pour aujourd'hui, mais elle commanda un dernier jus de citrouille bien frais avant. Elle s'assit, laissant un siège vide entre elle et une femme accoudée qu'elle n'avait jamais vu avant. Elle la détailla sans discrétion, c'était une jolie femme, le genre qui n'avait pas d'âge et Daphné se demanda si il existait un sort pour cacher ses cheveux blancs. Et si oui, est-ce un sort que l'ont n'apprenait pas avant une date péremptoire ? Elle en était à ses réflexions quand Rosmerta lui donna son jus de citrouille.

D’une oreille distraite, elle écoutait ou plutôt s’exaspérait devant la dite-joute verbale. Oh le ton montait, indéniablement. Mais leurs paroles étaient creuses, terriblement creuses. Que croyaient-elles ? Qu’elles auraient l’immunité en sortant de Poudlard ? Qu’elles pouvaient se considérer comme des futures femmes de caractère ? Que cela les sauverait de leur destin ? Surtout pour la Serpentard qu’elle apercevait du coin de l’œil. Comme toutes avant elles, elle finirait dans l’ombre de son époux, à se taire, attendant que son heure ne vienne, si toutefois elle manigançait pour. Avec dédain, ses lèvres trempèrent dans le liquide brun. Elle aurait aimé les remettre à leur place, cesser cette altercation qui n’aboutirait à rien d’autre que lui donner une migraine. Sa main descendit le long de son corps fin pour attraper sa baguette, et pourtant ne s’en saisit pas. Maman Wilkes venait de remarquer le regard insistant que l’on posait sur elle. Son sourcil s’arqua avec élégance et son corps pivota sur son tabouret pour observer la petite curieuse. Si elle avait été capable de lire dans les pensées de l’adolescente, Echtra aurait souri d’un sourire très pincée, car elle prenait toujours soin de son apparence. Elle lui aurait alors répondu qu’elle n’était pas assez vieille pour avoir autant de cheveux blancs qu’elle le présumait et qu’en plus, le vice conservait plutôt bien. La luxure encore mieux. Oh elle avait bien quelques mèches ici et là, blanches comme le linceul ; elle les devait à son fils, naturellement, et à tout le stress qu’il faisait peser sur ses épaules.
Du regard, la sorcière finit par montrer les deux groupes d’élèves qui ne tarderaient pas à en venir aux mains.

- Rassurez-moi, vos ambitions sont plus grandes que celles de vos camarades, n’est-ce pas ? Si grisant puisse être le pouvoir, l’avoir à Poudlard est une chose, le garder en dehors de l’école, en est une autre. Votre camarade devrait y réfléchir ou alors elle risque d’être des plus déçues.

Elle commanda un second verre alors qu’elle venait tout juste de terminer le premier.

- Alors, à quelle élève de mon fils ai-je l’honneur ?

Autant dire que c’était une première. N’aimant absolument pas les enfants et encore moins leurs jérémiades, Echtra se tenait, en général, fermement éloignée des berceaux et de la mauvaise graine grandissant. Elle les préférait plus mûrs, plus près de la trentaine, car déjà leur langue était plus aiguisée, leurs goûts avaient pris forme et leurs ambitions un tout autre tournant. Ils étaient bien plus intéressants, pour ne pas dire amusants. Le regard de cette Serpentard laissait pourtant croire qu’elle possédait déjà certaines de ces qualités. Alors qu’avait-elle à perdre à engager ainsi la conversation avec elle ?

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Daphné suivi le regard de cette femme un bref instant avant de croiser le regard bovin de Millicent. Elle leva les yeux au ciel et s'en détourna, reportant son attention sur sa boisson. Evidemment, Pansy ne pouvait s'empêcher de se faire remarquer. La pensée que sa camarade ressemblait farouchement à sa mère l'effleura, et l'image de sa propre mère lui apparut, les traits sévères. Tabatha Greengrass n'aurait jamais accepté un tel spectacle de sa fille, et Daphné se souvint des soirs d'étés, quand les Parkinson et les Nott venaient dîner chez eux. A l'époque, elle n'avait d'yeux que pour Theodore, mais il lui revint en tête le dédain qu'avait sa mère pour l'exubérance de Mrs. Parkinson.

- Rassurez-moi, vos ambitions sont plus grandes que celles de vos camarades, n’est-ce pas ? Si grisant puisse être le pouvoir, l’avoir à Poudlard est une chose, le garder en dehors de l’école, en est une autre. Votre camarade devrait y réfléchir ou alors elle risque d’être des plus déçues.

Elle porta à nouveau attention à cette femme à ses côtés, un sourire en coin dénué de toute émotion.

- Alors, à quelle élève de mon fils ai-je l’honneur ?

- Ne demandez pas à Pansy de réfléchir, elle se blesserait. Votre fils est professeur à Poudlard ?

Daphné pencha légèrement la tête sur le côté, ses grands yeux d'un vert clair se faisant moins durs. Elle avait l'habitude de jouer sur son physique de poupée pour éviter certaines situations, comme donner son identité et ses ambitions à une parfaite inconnue rencontrée dans un pub.

- Vous devez être fière, votre fils a une bonne situation.

La réponse de la Serpentard provoqua un petit rictus sur ses lèvres, qu’elle noya dans le verre servi par Rosmerta. Cette fille avait du répondant, c’était une bonne chose, tout du moins un bon début.

- Voilà qui est bien triste pour une Serpentard. Je suppose donc que sa seule compagnie n’a d’utilité que de tromper votre ennui ? Dans le cas contraire, pour quelle raison garder une camarade à ses côtés quand celle-ci est dénuée d’intelligence, hmm ?

A la question, cette fois-ci, Echtra hocha la tête avant de pouffer littéralement de rire. Elle adressa un regard foncièrement amusée à sa jeune interlocutrice et répliqua sur un ton où se mêlaient sarcasme et sérieux.

- Croyez-vous donc qu’une bonne situation vous donne une vie suffisante, encore mieux, de la fierté ?

Elle eut un léger rire amer. Pour lui, elle avait de bien plus grandes ambitions, des desseins qui auraient pu révolutionner le monde magique si seulement il avait fait preuve de jugeotte. Orcus et sa manie de toujours aller contre sa volonté, si agaçant et si exaspérant. Tout ce qu’il aimait lui faire ressentir.

- Être bien loti est une chance, ma chère, mais cela ne vous rend pas respectable pour autant. Ce monde-là ne fait de cadeau à personne. Pour survivre, il est préférable d’avoir une bonne situation, je vous l’accorde. Pour vivre en revanche, il faut de l’ambition, des projets et une volonté de fer, vous comprenez ? Surtout lorsque vous êtes une femme.

Elle ne pouvait s’en empêcher. C’était tout simplement plus fort qu’elle. Encore et toujours à parler du fils prodigue ou encore du combat perpétuel des femmes pour se faire une place dans le monde. Echtra détestait les hommes, elle n’en tolérait que deux : son rejeton et le vampire qui lui servait de partenaire de labo. Elle but une longue gorgée d’hydromel et jeta un coup d’œil amusé à la demoiselle.

- Vous taisez votre nom, je tais le mien. Nous sommes quittes sur ce plan ?

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- Voilà qui est bien triste pour une Serpentard. Je suppose donc que sa seule compagnie n’a d’utilité que de tromper votre ennui ? Dans le cas contraire, pour quelle raison garder une camarade à ses côtés quand celle-ci est dénuée d’intelligence, hmm ?

Elle bu une gorgée de son jus de citrouille et se retourna vers Pansy. Elle n'était pas la plus stupide, Daphné effleura Millicent Bulstrode des yeux et eu une pensée pour Vincent et Gregory qui, elle se l'était toujours demandée, devait avoir du sang de troll. Non, à la réflexion, elle avait de la chance d'avoir Pansy, qui sous ses airs de leader tyrannique, avait un peu plus à offrir. On lui avait imposé cette amitié dès son plus jeune âge, les familles de Sang-pur ne se mélangeant pas, sauf entre elles. Et si elle avait été réticente au début, elle se souvenait encore exactement du moment où elle avait laissé une chance à la vipère Pansy Parkinson.

Elles avaient sept ans, et les soirées se déroulaient toujours de la même manière, les Parkinson et les Nott venaient dîner une fois par mois chez eux. Le taciturne Théodore, la médisante Pansy et la tourmentée Daphné, élevés comme des cousins et cousines, ce qui, elle l'avait compris plus tard, était très certainement le cas, de façon lointaine.

Daphné, encore instable, c'était alors immédiatement sentit attirée par le calme et le détachement de Théodore Nott, un beau garçon d'une noble famille. Si bien qu'elle en était venue à passer les soirées non loin de lui, à ne rien faire et à seulement profiter de ce trop peu d'émotions, délaissant Pansy. Mais un soir, la jeune blonde avait sentit la peur, une peur profonde qui l'avait elle-même effrayée si bien qu'elle en avait cherché l'origine, pour l'étouffer. Elle avait trouvé la jeune Pansy, les yeux brouillés de larmes contenues, assise sur l'une des marches de l'escalier principal.

Elle ne prit pas de gants, et lui demanda de quoi est-ce qu'elle avait peur. Et la réponse de Pansy Parkinson avait touché Daphné si profondément, qu'elle se promit d'être son amie.

Pansy lui avait répondu simplement : D'être seule.

Daphné tourna lentement les yeux vers cette femme, et fut surprise de constater que la réponse lui était naturelle.

- Elle est mon amie.

Aussi détachée soit-elle, elle réprima un sourire en imaginant sa mère bondir à ses mots d'une mièvrerie ridicule.

- Croyez-vous donc qu’une bonne situation vous donne une vie suffisante, encore mieux, de la fierté ? Être bien loti est une chance, ma chère, mais cela ne vous rend pas respectable pour autant. Ce monde-là ne fait de cadeau à personne. Pour survivre, il est préférable d’avoir une bonne situation, je vous l’accorde. Pour vivre en revanche, il faut de l’ambition, des projets et une volonté de fer, vous comprenez ? Surtout lorsque vous êtes une femme.

Daphné acquiesça. Elle ne se targuait pas d'être respectable, mais de la volonté, elle en avait à revendre. Le discours de cette femme qui buvait son énième verre lui plu, elle se fichait pas mal de savoir qui était son fils, même si elle savait qu'en poussant un peu la recherche elle trouverait rapidement. Rare étaient les professeurs de Poudlard en âge d'avoir des parents encore vivants, et surtout deux fois plus jeunes que Dumbledore.

- Vous taisez votre nom, je tais le mien. Nous sommes quittes sur ce plan ?

La Serpentard sourit, il était bien plus stimulant d'engager la conversation avec des inconnus au milieu d'un Pub, plutôt que de rester enfermée dans une salle d'étude avec une pléiade de Gryffondor turbulents et de Poufsouffle ennuyeux. Peut-être qu'elle envisagerait de participer aux sorties à Près-au-Lard plus régulièrement. Elle leva son fond de jus de citrouille vers la femme.

- Aux femmes de pouvoirs, et à celles qui aspirent à le devenir !

L'amitié. Quelque chose qu'Echtra ne connaissait pas vraiment. Elle n'avait eu pour seuls compagnons de route que des livres peu respectables, de la littérature pour alimenter son esprit et des poupées qu'elle avait rêvé de voir prendre vie. Sa jeunesse s'était résumée à planifier sa vengeance. La sorcière avait appris à se méfier de tout et de tout le monde. Un soupçon perpétuel qu'elle devait à ses défunts frères. On avait voulu la marier de gré, faire d'elle une femme digne des foyers des sangs-purs et laisser toute la gloire à ses deux nigauds de frères. Elle s'y était refusée, laissant derrière elle tout autre sentiment. L'amour, l'amitié, les doux sentiments n'étaient que charabia pour elle, pour ne pas dire des faiblesses. Ce qui expliquait sa piètre performance en tant que mère ou épouse aimante. Aujourd'hui pourtant, elle avait deux amis ou plutôt une amante et un partenaire de crimes. A bien y regarder, "ami" n'était pas vraiment le terme le plus adéquat. Alors quand la Serpentard parla de son amie, elle resta de marbre, plongée dans une hypothèse qui n'appartenait qu'à elle : quel rôle aurait pu jouer l'amitié dans sa vie ? Habituée à se débrouiller seule, Maman Wilkes s'interrogeait sur l'utilité des "amis". Pouvait-on réellement compter sur eux ? Il y avait de quoi être effrayé non ? Concevoir que l'on puisse dépendre de quelqu'un, s'en remettre à lui. Elle ne pouvait s'offrir ce luxe. Les êtres de passage étaient largement préférables. Forte de cette idée, la mangemort jeta un coup d'oeil à l'élève aux cheveux blonds et répliqua finalement.

- Etes-vous la sienne ?

Une question qui finalement en disait long et qui soulignait la curiosité silencieuse d'Echtra sur le phénomène. Mais elle ne poussa pas plus loin l'interrogatoire, préférant contempler les traits de la Serpentard. Indéniablement, elle avait tout d'une enfant de bonne famille. Ce qui manqua de lui faire lever les yeux au ciel. En raison de son passé, les "bonnes familles" n'étaient pas vraiment son dada, même en tant que pro-sang-pur. En effet, si Echtra partageait l'idéologie selon laquelle le sang pur était supérieur à tout autre, elle n'appréciait en revanche pas la hiérarchie habituelle. Reléguer la femme à une si basse échelle n'était pas digne d'elles, encore moins de leur sang. Vainement, Maman Wilkes avait cherché à l'inculquer à son défunt époux. Aujourd'hui cependant, tout ça était derrière elle, elle détenait la marque et était convaincue qu'un jour, elle découvrirait le secret de l'immortalité. Charmante perspective n'est-il pas ?

- Et quel pouvoir convoitez-vous, ma chère ? Peut-être même devrais-je les mettre au pluriel.

Elle trinqua, dans un sourire en coin et se pencha brièvement pour ajouter dans un chuchotement entendu :

- Vous avez le droit d'être approximative ou même d'inventer. Certains projets doivent rester secrets après tout. Mais s'il s'agit d'asseoir la domination féminine, alors vous trouverez en moi une alliée.

Humour ? Sincérité ? Les deux en réalité. Echtra soutiendrait toute femme ou demoiselle espérant un jour prendre la place qui leur revenait de droit, loin de l'ombre. Elle but à nouveau une gorgée d'hydromel et reprit sur le ton de la conversation.

- Les élèves féminines de la maison Serpentard ont plus de mal à trouver leur place. Nous ne recevons pas la même éducation que les autres. Je ne pense pas vous l'apprendre, ou alors vous êtes, de nous toutes, une élève bien chanceuse.

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La question fut soudaine, et Daphné haussa un sourcil. Quelques années plus tôt, elle aurait pu y répondre sans hésitation, familières des émotions de Pansy. Mais il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas eu la curiosité et le masochisme d'ouvrir son esprit aux divagations émotionnelles de sa camarade. Peu désireuse de devenir folle, elle se laissait rarement aller au milieu de Poudlard. Cette question semblait innocente, mais la réponse lui laissa un goût amer : Elle s'en fichait.

Pourquoi ne pouvait-elle pas être une adolescente de seize ans comme les autres, et donner une importance à l'amitié, aux relations ? Elle se demanda vaguement à quel moment son humanité avait court-circuité au point de la rendre si insensible.

- Je ne le lui demande pas.

C'était la réponse la plus honnête qu'elle puisse formuler sans avouer qu'elle était certainement l'empathe la moins empathique du Royaume-Uni.

Daphné réajusta sa cape sur ses épaules, elle n'aimait pas les introspections. Si elle avait réussi à les éviter jusque là, elle ne commencerait certainement pas aujourd'hui, en tout cas pas avec un jus de citrouille. Elle termina la boisson d'une traite et demanda une bièraubeurre à Rosmerta.

- Asseoir la domination féminine ?

Daphné se permit un rire sec, dénué de toute joie.

- Il suffirait seulement d'ouvrir les yeux. Nous avons si longtemps laisser aux hommes penser qu'ils étaient le sexe fort, qu'ils ont fini par le croire. Ils apprennent à leurs filles à être obéissantes par peur de les voir faire mieux qu'eux... Et je ne ressens jamais autant de peur que chez les h...

Elle s'interrompit brusquement. Idiote, depuis quand parlait-elle autant. Daphné baissa les yeux vers sa consommation et en bu une longue gorgée. Elle se passa une main dans les cheveux, jouant avec ses longues mèches blondes, et fit un sourire ingénue à l'inconnue.

- Je ne suis pas une chanceuse. Ma soeur et moi avons déçue notre mère à la naissance, et nous n'arrêtons pas de lui causer du tord à chacune de nos respirations. Trouver un mari au nom auréolé de gloire et de richesse m'aiderai à devenir une meilleure fille, peut-être, mais j'aspire à plus qu'être une femme rangée. Je souhaiterai voir mon nom estimé et respecté par la communauté sorcière. Je veux réussir.

Daphné pensa à Astoria avec tendresse. Sa petite soeur n'avait pas son ambition, et ferai certainement un grand mariage dans l'espoir d'avoir l'approbation de leur mère. Cette pensée la fit grimacer et elle pianota sur le bar.

- Que faites-vous dans la vie ?

La réponse laissa Echtra circonspecte quoi que plutôt satisfaite. De toute évidence, la jeune élève ne comptait sur personne d’autres qu’elle-même, ou tout du moins, laissait-elle suggérer une certaine indépendance. Ce qui aux yeux de Maman Wilkes était la clef de toute chose. Elle lui adressa un léger sourire tout en acquiesçant.

- Vous avez raison. Ne dit-on pas que « L’enfer c’est les autres » ? Restez indépendante et vous serez alors capable de grande chose, vous verrez.

Plus elle écoutait les propos de la Serpentard, plus la mangemort voyait en elle une fillette à façonner et à pousser finalement hors du nid. Car elle s’y retrouvait dans ses propos. Ils lui étaient hautement familiers, et cela lui plaisait énormément. Restait à savoir jusqu’où Blondie irait pour cueillir sa liberté.

- Les hommes ?

Si elle arqua un sourcil devant cet accès soudain d’honnêteté, Maman Wilkes se retint de tout jugement. En vérité, elle comprenait parfaitement cette peur, même si elle la trouvait à ce jour parfaitement ridicule. A nouveau, elle porta son verre à ses lèvres, songeuse. Dans une autre époque, elle aurait posé sa main sur celle de la demoiselle pour la rassurer quant à ses paroles. Malheureusement, Echtra était tout sauf tactile.

- Ils ont parfaitement raison d’avoir peur. Ne laissez jamais quelqu’un vous attribuer une quelconque place, en toute circonstance. Apprenez à mettre en avant vos choix, à imposer votre avis et votre indépendance. Une place ne doit vous être attribuée que si vous l’avez souhaitée et conquise. Alors, seulement, les hommes vous craindront.

Un petit rictus flotta soudainement sur ses lèvres.

- Poudlard est un bon entraînement en la matière, bien que je sois certaine que vous y imposez, déjà, d’une certaine façon, votre volonté. Si le château est un pâle reflet du dehors, une copie des plus mensongères car vous en êtes coupés du monde, il a pour mérite de vous donner un terrain de jeu, de préparation non négligeable. Rien n’est jamais acquis, il faut toujours affûter ses armes.

A l’entente du souhait formulé par l’élève, les iris d’Echtra étincelèrent. Voilà tout ce qu’elle aimait entendre ! Pourquoi son fils n’en avait-il pas fait de même ? Si elle n’intervenait pas, elle craignait que cette enfant ne soit croquée par ses parents et leurs considérations sur ce que devait être une vie bien rangée.

- Vos inspirations sont légitimes, ma chère, et je vous conseille de les tenir, la tête haute et le regard déterminé. Vous êtes sur la bonne voie, et vous me donnez envie de vous aider. Dans votre cas, il va vous falloir un carnet d’adresses.

Que faisait-elle dans la vie ? Une question qui la fit rire intérieurement. Qu’allait-elle bien pouvoir répondre ? Naturellement, elle avait suffisamment d’argent pour ne pas se donner la peine de travailler, mais elle avait ses activités. Ou tout du moins, les avait-elle eues avant de devoir les sacrifier au nom de son fils. Faute de lui révéler son affiliation à la cause mangemoresque, Maman Wilkes choisit de la tester avec la vérité.

- Je fabriquais des poupées vaudous à partir de peau humaine, des artefacts bien plus puissants qu’on ne le soupçonne de prime abord. Puis mon ambition prit une toute autre destinée. Désormais, je cherche à découvrir le secret de l’Immortalité et son rapport tangible à la magie noire. De quoi marquer l’Histoire, vous ne pensez pas ?

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Daphné grimaça quand il fut question de peau humaine. Elle trouva cette activité étrange, pour rien au monde elle ne toucherait de la peau morte. D'ailleurs même vivants, elle n'aimait pas toucher les autres, c'était le meilleur moyen de perdre pied. Un contact pouvait fendre ses défenses, et elle ne le permettait pas.

- L'immortalité, vaste programme. Seriez-vous prête à vivre éternellement ?

Ce concept laissa Daphné de marbre. L'immortalité ne lui faisait pas d'oeil, elle n'avait que seize ans, toute la vie s'ouvrait à elle, et c'était sa vision de sa propre immortalité. Mais ce monde ne l'attirait pas assez pour qu'elle souhaite y vivre plusieurs vies.

- Quelle est votre approche du sujet ? Vous pensez que la magie seule peut apporter la vie éternelle ? Les seuls cas connus d'immortalités ont été acquis par la mort. Les vampires et Vous-Savez-Qui, mais personne ne sait comment il a fait pour revenir...

Daphné se fit la réflexion qu'il était très dangereux de parler du Seigneur des Ténèbres à n'importe qui en ce moment. Elle avait toujours prit soin de se tenir à l'écart des conversations à ce sujet dans la salle commune.

- Non.

La réponse fut spontanée et sans appel. Echtra vida son verre et posa finalement ses prunelles sur le visage angélique de la Serpentard. Mademoiselle avait des questions tout à fait pertinentes. Plus que jamais, elle venait de rendre Maman Wilkes curieuse.

- Vivre éternellement, c’est vivre à moitié. Ne pas craindre la mort ôte toute savoir à la vie. Or, vivre, c’est se délecter des plaisirs qu’elle nous offre. L’équilibre est sensible. J’aime bien trop la vie pour la vouloir éternellement. Dans le cas contraire, je serais partie en quête de la Pierre Philosophale depuis bien longtemps. Désormais détruite, tout le savoir qu’elle renfermait l’est également.

Absorbée par la teneur de la conversation, Maman Wilkes en oublia le reste y compris Parkinson et son fils. Parler d’elle, de ses recherches, elle adorait cela. La cause en était fort simple : on lui accordait enfin l’importance qu’elle méritait !

- Je vais taire cette partie-là de ma recherche, si vous le voulez bien ma chère. Je pense que la vie éternelle équivaut à un pacte avec la mort et je veux en connaître la teneur. Pas pour l’utiliser moi-même mais pour la connaissance et la détention de ce savoir. Le monde ravalerait sa langue si c’était une femme qui venait à découvrir le secret de l’immortalité.

Son regard étincela à l’évocation du Seigneur des Ténèbres. Elle se retint de jeter un œil à son avant-bras, pourtant convaincue que la marque la brûlait. Ce qui en réalité n’était rien. Cette petite était différente. Echtra appréciait la logique de son esprit.

- Vous êtes bien curieuse, chère enfant, mais prenez garde, si certaines questions se doivent d’être posées à juste titre, mieux vaut ne pas les évoquer à voix haute. Les murs ont des oreilles, et ils sont parfois plus proches que vous ne le pensez. Vous avez néanmoins raison, c’est un sacré mystère à résoudre. En conclusion, pour le moment, nous avons trois formes potentielles d’immortalité. Il s’agit d’en trouver les points communs et les différentes, une quête riche qu’il me tarde d’accomplir. N’y a-t-il aucun mystère que vous souhaiteriez résoudre ?

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Daphné trouva la raison cohérente. Les femmes ne détenaient-elles pas déjà le pouvoir de la vie ? Il serait intéressant qu'elles en dominent l'opposé.

L'insinuation figea Daphné quelques instants. Elle était sûre d'elle, ambitieuse et arrogante, mais elle avait toujours tenu Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom et ses adeptes loin de son monde, c'était une chose qui la dépassait et qu'elle ne pouvait contrôler ni de loin, ni de près. Et Daphné aimait le contrôle. Elle ne souhaitait certainement pas faire parler d'elle dans ce genre de rangs, alors même que sa famille n'en était pas ennemie. Une empathe se tenait loin de la souffrance et de la haine, donc de la guerre.

Elle jeta un regard discret autour d'elles, en buvant innocemment sa consommation. Ses mystères étaient bien égoïstes, et leurs résolutions lointaines. La pensée l'effleura qu'un jour elle puisse guérir ce qu'elle considérait comme une malédiction, mais elle s'envola rapidement. Elle se fit nonchalante, et tourna le fond de son verre.

- Les mystères de l'esprit m'intriguent. Mais je n'ai pas la détermination nécessaire pour passer une vie à les percer.

- Les mystères de l’esprit, vraiment ?

Echtra n’accorda aucune attention au restant de la phrase. Un large sourire trônait sur ses lèvres. Elle voulait en savoir plus, mais pas ici, pas à découvert. Lentement elle glissa une première fois sa main dans la poche de sa cape de sorcière et en sortit quelques pièces, qu’elle posa sur le comptoir à l’attention de Madame Rosmerta.

- La consommation de la demoiselle est pour moi.

Puis la sorcière se leva, estimant qu’il était temps de prendre congé. Une seconde fois, elle glissa sa main dans sa poche pour en ressortir cette fois-ci l’équivalent d’une carte de visite. Celle-ci était aussi douce que du velours. En lettres dorées était gravé le nom suivant : « Le Val d’amour ». Derrière se trouvait l’adresse, enfin, elle aurait dû s’y trouver. Echtra posa la carte sous le nez de l’élève et murmura :

- Lorsque vous serez lasse de l’ennui, rejoignez-moi à cette adresse. C’est un lieu où l’esprit n’a guère de limites, un Cabaret** plus exactement. Rassurez-vous ma chère, il ne fait pas seulement dans la débauche. Je ne permettrais pas (oh que si !). Pour en trouver la position, il faut prouver à la carte, que vous le souhaitez ardemment.

Elle eut un regard pour le reste des Serpentards, presque dédaigneux.

- Je vous dis à bientôt ma chère enfant, du moins je l’espère. Nous pourrons ainsi reprendre notre conversation loin des oreilles indiscrètes.

Et sans attendre de réponses, la sorcière quitta les Trois Balais en direction du château. Aussi étonnant cela pouvait-il paraître, elle était ravie et impatiente. La Serpentard allait-elle céder à la tentation ? Elle l’espérait, sans pouvoir pourtant y répondre.

** Cabaret luxueux des embrumes

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