[Benjy] “Une lumière ici requiert une ombre là-bas”, Virginia Woolf

“Une lumière ici requiert une ombre là-bas”

Orcus était toujours du genre en retard, soit que le rendez-vous l'ennuyait auquel cas il traînait la patte pour s'y rendre, soit qu'il en attendait beaucoup et son retard était alors un moyen de se faire désirer. Même en cours il arrivait généralement 10 bonnes minutes après ses élèves, il appréciait assez l'idée de leur faire une fausse joie en apparaissant toujours au dernier moment. Seule Naya pouvait se vanter d'avoir gagné sa ponctualité. Mais ce soir, il était arrivé à la salle de bain des préfets avec un bon quart d'heure d'avance, ne serait-ce que pour ne pas éveiller les soupçons en croisant Benjy devant la porte alors même que leur couple fictif était considéré par tous comme de l'histoire ancienne. L'ancien serpentard n'avait jamais utilisé la célèbre salle de bain du château, il n'avait jamais été préfet, pas seulement parce qu'il avait quitté Poudlard pour une autre école avant sa 5ème année, il ne le serait jamais devenu de toute façon. Pas assez populaire, ni auprès de ses camarades, ni auprès de ses professeurs.

Comme à son habitude, rien n'avait été organisé au hasard, le choix du lieu n'avait pas pour uniques motivations la discrétion et la réalisation d'un vieux fantasme, il aimait encore plus l'idée de mettre mal à l'aise ses semblables, plus encore le fier auror. Ce n'était pas de la cruauté, peut-être une pointe d'amusement, mais par-dessus tout sa façon à lui d'appréhender la nature humaine. On apprenait beaucoup en poussant les autres hors de leur zone de confort.

Bref, après avoir actionné au petit bonheur la chance quelques vannes délivrant des eaux colorées et parfumées, il s'était glissé dans l'eau presque bouillante. Il avait pris soin au préalable de placer un cendrier sur le rebord et attendait face à la porte que son invité pointe le bout de son nez, expirant autant de fumée que les eaux sous lesquelles il était à moitié immergé.

Codage par Libella sur Graphiorum

“Une lumière ici requiert une ombre là-bas”

Au "bonsoir" de l'auror, le botaniste se contenta de sourire avec désinvolture, première réussite, il était venu. Il hocha de la tête de manière à peine perceptible alors qu'il arrivait au bout de sa cigarette.

- Vous voulez que je ferme les yeux ?

Il se faisait déjà taquin alors que l'homme en face de lui déboutonnait sa chemise. Lorsqu'il abaissa son pantalon, Orcus fit une petite mine déçue.

- Je constate que ce n'est pas la peine. Je ne comptais pas vous sauter dessus vous savez, je réserve ça aux personnes qui ont le bon gout de me trouver désirable.

Il savait inutile toute tentative de contrôler son sourire insolent. Seconde réussite, mettre à mal la pudeur de Benjy.  Il prit une profonde inspiration et se tourna de trois quart pour écraser son mégot dans le cendrier prévu à cet effet, petit con certes, mais respectueux néanmoins. Notons qu'il n'y avait pas de mousse dans le bain, le botaniste détestait la sensation collante que ça procurait sur la peau, mais la coloration de l'eau privait l'auror d'une vue indésirable à moins de vouloir observer de très près les fonds marins.

- Nous avons tellement de choses à nous dire Mr Fenwick, je vous promets d'être honnête cette fois et de vous laisser seul juger si vous voulez encore me fréquenter ou non, annonça-t-il en se replaçant dans l'eau, venant se gratter paresseusement le pectoraux toujours marqué de la croix dessinée par Quinn. Intelligent comme vous l'êtes, je suppose que vous avez fait le lien entre les deux dernières attaques des mangemorts ? Ma mère. Je crois que ma charmante petite maman est terriblement en colère contre moi, je crains que mes derniers choix de vie ne soient pas fait pour apaiser son ressentiment. Je compte bien lui en toucher un mot, mais j'aimerais autant ne pas lui donner la satisfaction de gouter au plaisir de l'infanticide. Je préférerais encore crever de votre propre main histoire de lui pourrir la vie une dernière fois. Mais commençons par le commencement, quel est donc ce "reste" dont vous êtes au courant me concernant ?

Codage par Libella sur Graphiorum

- Vous voulez que je ferme les yeux ?

- N'en faites rien, je pourrais être vexé !

*répliqua-t-il du tac-au-tac avec un sourire en coin tandis qu'il défaisait sa chemise. Lâchant un rictus amusé à ta seconde réplique, il profita que tu détournais le regard pour finalement retirer son maillot avant de se glisser dans l'eau. Il prit soin de le placer stratégiquement afin que ce détail t'échappe le temps que tu demeureras dans le bain.
Tu allais droit au but, il aurait pu s'en douter mais ça lui fit tout de même hausser un sourcil. Allais-tu vraiment tout lui révéler, faire disparaître de ton propre chef le brouillard que, jusqu'à maintenant, tu t'évertuais à épaissir ? A ce changement, Benjy ne voyais que deux possibilités : soit tu étais effectivement en danger de mort imminente, soit c'était toi qui étais en besoin d'affection. Ou peut-être les deux. Après tout, lorsque tu étais venu le trouver dans son bureau peu de temps avant l'évasion de Quinn Selwyn tu étais également en danger de mort et tu n'avais pas pris ce risque. En quelques brasses tranquilles il t'avait rejoint. Il s'assit suffisamment loin pour vous laisser à tous deux la liberté de se mouvoir librement. Posant sa tête sur le rebord, il expira doucement pour se détendre plus encore. Son visage se crispa toutefois en une grimace, le fait que tu voulais savoir pour le reste était prévisible mais pourquoi commencer par là ? Tournant la tête vers toi, il te regarda dans les yeux pour te répondre.*

- Votre mère. *dit-il dans un souffle comme s'il avait peur de te faire du mal.* Vous l'avez dit... le lien entre les deux attaques.

*Et le prix du manque de tact est décerné à ... Ne pouvant supporter ton regard plus longtemps, il détourna le sien et regarda à nouveau le vitrail face à lui. Tu n'étais pas responsable des actes de ta mère, et il n'avait pas envie de les ramener à ton bon souvenirs, d'autres étaient déjà là pour ça. Et en même temps, elle était à présent ta plus grande menace alors le sujet semblait incontournable.*

- Et l'article. Je sais ce que ça fait.

*Il laissa sa main remonter à la surface de l'eau colorée, la regarda flotter puis la ramena vers lui en la faisant à nouveau disparaître.*

“Une lumière ici requiert une ombre là-bas”

Le botaniste suivit du regard son collègue venir le rejoindre sur sa propre rive de ce qui était d'avantage une mini piscine qu'une baignoire. Libéré de l'étreinte de sa fausse cigarette pour quelques instants, il appuya ses coudes sur le rebord du bassin.

- Ma mère, confirma-t-il. Elle a rejoint Vous-savez-qui. Pas par dévotion pour les idées du Seigneur des Ténèbres, elle pense qu'elle peut profiter de son aura pour tirer son épingle du jeu. Ma mère souffre d'un abyssal complexe d'infériorité, elle vendrait son âme - si tentée qu'elle en ait une - au diable pour assouvir sa volonté de puissance, et c'est d'ailleurs ce qu'elle a fait. La seule chose que j'ignore, c'est si elle veut me voir mort ou seulement me faire souffrir, mais je compte bien le découvrir, entreprise dans laquelle vous pourriez m'être utile si vous décidez à la fin de notre entretien que je mérite toujours votre confiance.

Il prononça tous ces mots sur un ton léger, son petit sourire insupportable selon certains, irrésistibles pour d'autres, claqué sur son visage. Orcus comptait bien rendre une visite à sa mère, même la maison devenue incartable ne l'empêcherait pas d'avoir cet entretien. Peut-être était-ce risqué, mais il ne pouvait pas continuer à vivre avec la menace de se faire attaquer à n'importe quel moment. C'était mauvais pour ses artères (il n'était jamais trop tôt pour s'en soucier hum...), mauvais pour sa carrière et mauvais pour ses affaires.

- Je me fiche de l'article, j'ai été le sujet de quolibets depuis que j'ai posé mon pied dans ce foutu château, dit-il en haussant les épaules. Ce que je veux Mr Fenwick, c'est vivre pleinement sans regrets. Ou à minima choisir le moment de ma mort et j'ai choisi que ce ne serait pas demain. Vous avez lu ma lettre ?

Il fit un quart de tour pour se tourner vers son interlocuteur. Sa tête trouva naturellement un appui dans sa main toujours accoudé au rebord.

- Je n'ai jamais eu la prétention de me faire passer pour un être innocent, qui y croirait de toute façon ? Je n'ai cependant jamais reconnu publiquement être un... comment dirais-je ? Un calculateur ? Ce terme vous parait-il suffisant, mon cher auror ? Vous préférez peut-être le terme de "retors" ? "Mauvais homme", pourquoi pas ? Je désire ardemment des choses Mr Fenwick et contrairement au commun des mortels, j'ose. J'ose tout mettre en œuvre pour parvenir à mes fins. Je veux du pouvoir, je veux compter dans ce monde, je veux changer les choses et je suis prêt à faire énormément de sacrifices pour y parvenir. Je ne laisse jamais rien au hasard, pas même ce qu'il s'est passé entre nous. Rien jusqu'à récemment... Je me rends compte aussi que j'ai besoin d’alliés, de personnes qui croient en moi, de personnes captables de me venir en aide quand je déconne ou de me canaliser quand je veux aller trop loin. Si je vous disais que je veux gagner du pouvoir pour rendre le monde meilleur, est-ce que vous y croiriez ? Est-ce que je vous dégoute d'avantage ou est-ce que vous trouvez l'idée tentante ?

Codage par Libella sur Graphiorum

*vous pourriez m'être utile cette phrase lui arracha un sourire en coin. Tu avais beau être en train de lui confier tes projets, à tes yeux il n'était pas là pour t'aider mais pour que tu uses de lui.*

- J'ai lu votre lettre oui, et si j'ai bien appris une chose en vous côtoyant, c'est que vos intérêts ne sont pas toujours au centre de vos actions contrairement à ce que vous aimez laisser penser. J'ai failli y croire moi aussi, jusqu'à ce que je reçoive une certaine lettre.

*ajouta-t-il en te lançant un regard malicieux.
Rien jusqu'à récemment ce nouvel aveu l'interpella alors qu'il écoutait minutieusement chacune de tes paroles. Parlait-il de leur relation ou des événements récents comme l'attaque ? Il sentit les mouvements dans l'eau, puis que ton regard l'observait tandis que tu te tenais à présent tourné vers lui. Mais il ne fit aucun geste dans ta direction, préférant poursuivre son étude de tes paroles. Il savait qu'il ne pourrait plus se montrer objectif dès lors que son regard aurait croisé le tien. Il se détendit un peu plus en entendant la suite. Tu donnais l'impression de t'ouvrir au fur et à mesure, te laissant emporter par ton propre flot de paroles. Changer le monde qui ne désirait pas le faire ? S'il avait autant d'ambition que sa mère, il pourrait aller loin. Et il savait qu'il possédait déjà la force mentale et la détermination nécessaires pour mener son projet à terme. Toutefois ... une peur demeurait. Le pouvoir avait la fâcheuse manie de transformer les gens. La faiblesse est gravée au fer rouge dans les gènes de la nature humaine, il en savait quelque chose. Changer le monde... c'était beau dit ainsi mais une fois tout là haut, les clés entre les mains et plus personne pour l'arrêter, comment agirait-il ? Parviendrait-il à se tempérer ? Alors même qu'il venait d'avouer avoir besoin de quelqu'un pour l'arrêter lorsqu'il allait trop loin. Pourrait-il résister à l'attractivité diabolique du pouvoir absolu ?
Pour quelles raisons l'avait-il choisi lui alors qu'il était auror justement ? Il détestait ses pairs mais lui proposait d'être à ses côtés. Etait-ce parce qu'il le pensait capable de le tempérer ou au contraire parce qu'il savait qu'il pourrait user de lui à sa guise ?*

- Pourquoi ?

*La question lui brûlait tellement les lèvres qu'elle avait fini par sortir d'elle-même. Se tournant vers toi, cette fois il te regarda dans les yeux, y cherchant la sincérité.*

- Je veux dire, qu'est-ce qui vous fait penser que je serai capable d'endosser ce rôle ?

*Scrutant ton visage à la recherche du moindre signe de mensonge, il s'aperçut alors de la tension qui parcourait à nouveau son corps. Il était sur la défensive. La méfiance avait repris sa place dans son esprit tandis que ses anciens démons semblaient à nouveau tourner autour de lui. Il attendit la fin de ta réponse pour fermer les yeux et se laisser couler dans l'eau du bassin. Faisant quelques brasses sous l'eau, il émergea à l'autre bout du bassin et rouvrit seulement alors ses paupières. Tu n'étais pas LUI. Il avait fait l'erreur une fois et n'avait pas l'intention de la reproduire. Il était temps qu'il ré-apprenne à faire confiance. Passant ses mains dans ses cheveux, il les coiffa en arrière en chassant le surplus d'eau tandis que ses pas le ramenaient se positionner face à toi.*

- Vous ne m'avez jamais dégouté M. Wilkes, sachez-le. Quand au reste, je vous proposerai volontiers mon aide, pas mes services.

*Il te fixa un temps dans les yeux, puis d'un mouvement souple repris sa place initiale, appuyé sur le rebord.*

- Que désirez-vous changer exactement ? J'imagine que supprimer le bureau des aurors sera une de vos priorités !

*Ajouta-t-il avec un petit sourire taquin tandis qu'un éclair d'amusement brillait dans son regard.*

“Une lumière ici requiert une ombre là-bas”

Il resta immobile mais suivit du regard l'auror dans ses déplacements, il inclina la tête sur le côté en fronçant des sourcils aux propos de Benjy. Orcus avait fait une grossière erreur lorsqu'il avait connu le sorcier, il avait en effet rangé ce dernier dans la catégorie des hommes prévisibles et pourtant il ne cessait de le dérouter. Depuis la découverte de sa liaison avec Quinn, il aurait pourtant dû remettre les pendules à l'heure, apprendre qu'il le suivait et commérait sur son dos aurait dû être le coup de grâce. Et pourtant, le botaniste se laissait encore surprendre.

- Qu'est-ce qui vous fait croire en ma soudaine débordante générosité ?

La question suivante était elle au moins beaucoup plus convenue et il n'avait pas besoin de se triturer les méninges pour y répondre. Il avait dit qu'il dirait toute la vérité et rien que la vérité... en laissant néanmoins quelques zones d'ombres, celles que l'auror n'était pas encore prêt à entendre.

- "Aide", "service", c'est du pareil au même, ne jouons pas sur les mots. Quant au pourquoi, n'est-ce pas évident ?... Peut-être pas. Il y a plusieurs réponses. La première est que malgré tout ce que nous avons traversé, malgré mes menaces lors de nos précédents échanges épistolaires, vous avez tenu à prendre de mes nouvelles, vous êtes venu ce soir et je crois qu'en dépit des mises en garde que vous faites aux autres, Mr Fenwick, vous me trouvez aussi attirant que "malveillant". Je dois aussi avouer que j'ai du mal à vous comprendre, vous soufflez le chaud et le froid, or j'éprouve une passion pour les énigmes, les risques et tout ce qui menace de me brûler. Vivre à moitié ou ne pas vivre, n'est-ce pas la même chose ? Il marqua un temps d'arrêt, te laissant le temps de regagner ta rive alors que lui-même n'avait toujours pas bougé. Mais tout ceci ne sont que des raisons secondaires. J'ai juré d'être sincère alors voici. Je ne laisse rien au hasard même entre vous et moi, aucune de nos rencontres n'a été exempte de calculs, je le reconnais aujourd'hui. Je vous voulais pour moi, Mr Fenwick. Vous étiez étranges, il y avait des failles dans vos histoires, des années laissées vides, je me suis dit qu'en découvrant ce que vous vouliez dissimuler, j'aurais de quoi vous faire chanter et vous avoir à ma botte, je reconnais que votre joli minois a aussi pesé dans la balance. Bien sûr, tout ceci était sans compter quelques complications : votre béguin pour une mangemort, la haine que j'inspirais à cette même mangemort et la détestable rigidité de votre caractère. Mes actions ont entrainé la mort de Quinn, n'importe qui se serait contenté de m'ignorer après ça, mais vous êtes là. J'ai tué Quinn et vous avez protégé mes arrières. Vous ferez ce que vous voulez, je vous le répète encore une fois, je demande mais n'exige pas. Cependant, en vous disant tout ce que je suis de pire, je ne prends guère de risques. Quinn est notre alliance, vous ne pouvez me trahir sans entrainer votre propre chute.

Il sourit une nouvelle fois, ferma les yeux et se laisser couler lentement dans l'eau. Il remonta à la surface quelques instants plus tard, après un moment plus long que ce qu'un gros fumeur tel que lui laissait présager. Dégoulinant d'eau, les cheveux raplaplas, il se frottait les yeux en commençant à répondre à la suite, assez amusé à vrai dire.

- Vous craignez que je me la joue Seigneur des Ténèbres ? Je pratique peu la magie noire, vous devriez savoir suite à mes deux dernières agressions que je suis aussi bon en duel que je le suis en cuisine. Je ne suis pas un sorcier puissant Benjy ni un admirateur du pouvoir absolu, dit-il en se tournant pour tirer jusqu'à lui une petite serviette qu'il se passa sur le visage histoire de retrouver l'usage de ses rétines et sur sa tête pour retrouver quelques bouclettes, je suis en revanche un homme plutôt malin. Je n'inspire pas l'amour, ni même le respect et j'espère, ajouta-t-il en tenant toujours sa serviette dans les mains et en se retournant debout vers l'auror, l'eau lui arrivait alors jusqu'aux hanches, que je n'inspire pas plus la peur. Je suis lasse de l'inactivité de gouvernements aussi compétents qu'une assemblée de Troll. Notre monde crève de son incapacité à amorcer le moindre changement. À force d'aller nulle part, on ressasse de vieilles rancunes qui font naitre des guerres, des luttes intestines et une communauté repliée sur elle-même privée d'avenir.

Il fit une boule de sa serviette et la jeta à la face de l'auror, du moins c'était son but, mais Orcus et le sport ça faisait deux.

- Non, en revanche j'ajouterai deux cours obligatoires à leur formation, une sur la courtoisie et la seconde sur l'humilité !

Codage par Libella sur Graphiorum

*Posant sa tête sur le rebord, Benjy était complétement absorbé par tes paroles. Puisque tu reparlais de Miss Branstone à demi-mots, peut-être était-il temps qu'il te donne des explications ? Il s’apprêtait à le faire mais tu repris alors le fil de ton discours. En entendant toutes ces révélations sur lui, sur comment tu avais perçu leur relation, les yeux de Benjy se fermèrent. Il avait peut-être laissé son masque derrière la porte mais il ne pouvait se permettre de laisser ses yeux le trahir. Il savait, qu'un seul regard aurait suffit à ce que tu le transperces et devines ce qu'il ressentait. Alors finalement il avait raison depuis le début. Tu voulais le faire chanter, le manipuler. Un frisson incontrôlable parcouru son corps. Il n'eut pas le temps de traiter l'information que le nom de Quinn s'échappait de tes lèvres. Une fois, deux fois. Les premières images de ce qui s'était passé cette nuit là défilèrent dans son esprit sans qu'il puisse les stopper. Rouvrant brusquement les yeux, il crut pouvoir y échapper mais ce fut en vain. Sur ce point Orcus avait raison. Pourquoi ne le détestait-il pas ? Heureusement tu choisis ce moment pour plonger la tête sous l'eau, lui laissant le temps de se remettre de ses émotions. Le regard vide et triste, il observa sans la voir la salle de bain autour de lui. Le visage de Quinn continuait à s'afficher derrière ses rétines sombres tandis que le décor devenait de plus en plus flou. Comprenant que c'était ses yeux qui s'embuaient de larmes, il mit ses mains en coupe pour asperger son visage. Hors de question qu'il te montre davantage ses faiblesses ce soir.
Lorsque tu remontas à la surface, le regard de Benjy ne portait plus aucune trace des émotions qui venaient de le submerger.*

- Lorsque j'ai appris que Miss Branstone s'apprêtait à faire un stage à vos côtés je l'ai mise en garde sur vos intentions. Je soupçonnais alors que vous cherchiez à avoir l'ascendant sur moi et je lui ai conseillé de garder pour elle ses émotions. Qu'elles la trahiraient face à vous, et que nous ne pouvions savoir ce que vous en ferez. J'ignorais alors quelles étaient vos motivations, pourquoi vous l'aviez accepté comme stagiaire tout comme j'ignorai quelles étaient réellement vos intentions à mon sujet. Il faut croire que depuis le début j'avais raison. Cela ne veut pas dire que j'ai eu raison de faire ce que j'ai fait.

*Et maintenant ? Il avait bien envie de demander. Tu l'avais avoué toi-même, tu lui confiais tout cela non pas parce que tu lui faisais confiance, simplement parce que tu avais une monnaie d'échange si jamais l'envie lui prenait d'en répéter un traitre mot.*

- Et à présent vous avez renoncé à percer ce mystère parce que vous avez trouvé quelque chose de plus croustillant sur moi c'est ça ?

*te questionna-t-il avec un sourire sarcastique*

- Gardez ce discours pour vos électeurs. En tant qu'auror simple d'esprit j'ai besoin de quelque chose de plus concret. Qu'est ce que vous comptez changer ?

*D'un geste du bras il rattrapa la serviette avant qu'elle ne touche l'eau sans même t'avoir quitté du regard, un sourire amusé aux lèvres.*

- Avec un peu de chance, l'un d'eux vous prendra en pitié et vous offrira des cours d'agilité.

*et de loyauté faillit-il ajouter mais il s'en garda bien. Cela viendrait peut-être plus tard. En attendant, Benjy avait beaucoup à faire. La première fois c'est son instinct qui lui avait soufflé de se méfier de toi mais cette fois il restait bien silencieux. Que faire ? S'il acceptait de te suivre dans ta voix, il devrait te faire une confiance aveugle. Or qu'est-ce qui lui garantissait que tout ne se déroulait pas à nouveau comme la première fois ? n'étais-tu pas encore une fois en train de tout calculer ? Cachais-tu encore quelque chose, habilement dissimulé sous toute cette vérité ?*

“Une lumière ici requiert une ombre là-bas”

Il poussa un profond soupir en regardant l'auror d'un air pincé. S'il n'avait pas perçu son moment d'émotion pendant qu'il était en apnée, en revanche il avait bien noté que ce dernier évitait son regard depuis qu'il était entré dans la salle de bain, rien qui n'aidait à instaurer une confiance absolue. Orcus, peu importe les airs qu'il se donnait, était un homme très renfermé. Le nombre de fois où il s'était ouvert à une personne tenaient amplement sur ses doigts et lorsque l'attitude en face de lui n'était pas celle espérée, sa réaction épidermique était de prendre la fuite, au sens figuré de préférence, soit en assénant quelques coups de griffes avant de quitter le ring comme une diva. Il dût prendre sur lui pour ne pas laisser exprimer ses instincts et sa langue acérée, avant de planter là le professeur de métamorphose et ses airs moralisateurs. Comme s'il luttait avec lui-même, il croisa les bras et se rassit dans l'eau.

- Est-ce que vous vous entendez ? À vous croire je suis le diable et vous un saint. Vous n'êtes pas un saint, vous n'êtes pas meilleur que moi, la seule différence entre vous et moi, c'est que j'assume ce que je suis. J'ai "renoncé" comme vous dites non par une satisfaction quelconque, mais parce que je suis fatigué. Oui, je suis fatigué, j'en ai ma claque Mr Fenwick de lutter en permanence. J'aimais Quinn, il ne vous a peut-être pas effleuré que sa mort m'a fait plus de mal que vous ne le pensez et que ces derniers mois je n'ai fait que baisser les bras ? Je me suis désintéressé de vous parce que vous m'avez trahi à votre tour. Si je voulais un gage vous concernant pour me protéger, mon intérêt pour vous était sincère. J'ai cru en vous et en votre bonté. Vous me voyez comme un être immonde, je crois que je possède plus d'empathie que vous n'en serez jamais capable.

Il tourna la tête et ferma les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, ce fut pour chercher à tâtons son paquet de cigarettes dont il en sortit une. Une fois logée entre ses doigts, alors même qu'il ne l'avait pas encore allumé, il se sentit suffisamment assuré pour reprendre la parole, les yeux dans les yeux du moins si son interlocuteur lui laissait l'occasion de capter son regard.

- Toute ma vie n'a été qu'une succession de trahisons et de mauvais traitements. Je n'étais pas né que mon père m'avait promis au Seigneur des Ténèbres, quant à ma mère elle essaye "juste" de me tuer. Après mon attaque, j'ai passé une nuit au département de la justice qui ressemblait d'avantage à un interrogatoire qu'à une déposition. La seule fête à laquelle j'ai été invité lorsque j'étais élève à Poudlard avait pour but d'amuser la galerie en m'humiliant, un seul de mes professeurs a cru en moi et encore, je suis pratiquement sûr qu'il avait seulement trop bon cœur et que je lui faisais pitié. J'avais 10 ans lorsque vos copains aurors, m'apprenant la mort de mon père pourrissant dans une fosse commune, ont eu la délicatesse de m'instruire sur le fait que je n'étais "qu'une vermine qui terminerait aux ordures tout comme lui", aujourd'hui encore Maugrey me rend régulièrement des visites pour me traiter de parasite. Je ne crois pas aux actes désintéressés, je ne crois pas en la gentillesse sans un intérêt derrière parce que je n'en ai jamais vu et vous n'avez pas fait exception. Pendant que je pensais apprendre à vous connaitre et à vous apprécier, vous batifoliez avec une mangemort, me suivais et mettais en garde contre moi des enfants ! J'ai besoin de quelque chose en gage avant de faire confiance au cas où ça tournerait mal, car la seule personne apte à me protéger c'est moi-même. Et vous, quelle est votre excuse pour avoir joué un double-jeu ?

Il voulut coincer la cigarette entre ses lèvres, mais s’aperçut qu'elle était trempée, totalement inutilisable. Soirée de bouse.

- Quant au reste, c'est finalement ainsi que vous me voyez ? Vous pensez que je m'amuse à manipuler des enfants ? Des enfants, sérieusement ??? Quelle est la prochaine étape Mr Fenwick ? Vous allez soulever tous les pots dans les serres pour voir si je n'y cache pas des restes de nouveaux-nés et une collection de viscères de chatons ?! Pour votre information, je n'ai jamais voulu de stagiaire, c'est elle qui m'a piégé pour avoir ce stage où elle fait ce que tout apprenti fait : observer, gratter des parchemins et apporter le café. Si vous voulez savoir pourquoi elle l'a voulu, c'est à elle qu'il faut le demander, pas à moi. Je n'aurai jamais d’électeurs, personne n'élirait quelqu'un comme moi. Je vous l'ai dit, je n'inspire pas l'amour, je suis fait pour l'ombre.

Finalement, trahit même par sa cigarette, Orcus se débarrassa de cette dernière comme il l'avait fait de la première et, tournant le dos à Benjy, prit appui sur le bord du bassin pour s'en extraire. Peu pudique, il enroula néanmoins une serviette autour de sa taille avant de se retourner et marcher autour du bassin.

- Je doute que mes rêves concernant le monde vous intéressent. Oh, dit-il en relevant la tête alors qu'il venait de s'asseoir sur un banc en pierre où gisait ses affaires, et je n'ai besoin de la pitié de personne, je sais viser correctement quand je vais aux chiottes et ça me suffit amplement.

Bon, peut-être qu'il n'avait pas réussi à se contenir finalement...

Codage par Libella sur Graphiorum

*En vérité, Benjy te regardait systématiquement dans les yeux quand il cherchait des réponses, et évitait ton regard chaque fois qu'il sentait que les émotions risquaient de prendre le dessus c'est-à-dire bien souvent en cette soirée de confidences. Il ne put s'empêcher de remarquer que le Benjy avait disparu au profit du Mr. Fenwick. Pas difficile de comprendre que ce qu'il avait dit ne te plaisait guère et ce qui suivait encore moins mais ils devaient passer par là. Benjy avait eu beau tourner et retourner le cas Orcus Wilkes dans sa tête, il ne voyait pas d'autres chemins. C'était la voie qu'il haïssait le plus, celle qu'il ne voulait jamais emprunter car elle revenait à jouer à pile ou face avec une pièce truquée. Mais peut-être que ça passerait ? il l'espérait du fond du coeur en tout cas car avoir une réponse ne lui servirait à rien s'il te perdait toi.*

- Arrêtez, le monde n'est pas binaire il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les mauvais. Je suis loin d'être un saint et vous semblez le seul à avoir cru le contraire. Et concernant Quinn, pourquoi ne vous ai-je pas détesté selon vous ? vous l'avez dit vous-même, n'importe qui vous aurez haït et aurez trouvé ça normal. J'ai compris ce soir là que malgré tout c'était une personne qui vous était chère et que par conséquent vous vous retrouviez dans la même situation que moi. Seulement je n'ai pas été assez solide pour rester debout alors vous aider à vous relever quand j'étais à terre était impossible.

Vous me voyez comme un être immonde poussant un profond soupir, il se tourna vers toi et se rapprocha alors que tu avais fermé les yeux. Lorsque tu les rouvris, il se tenait à moins d'un mètre, te regardant droit dans les yeux pour s'assurer que le message passe cette fois.*

- Pour la dernière fois : vous ne m'avais jamais dégoûté et non je ne vous vois pas comme un être immonde, sinon je ne serai pas ici, sinon je ne vous aurez pas envoyé cette lettre et ces fleurs, sinon je n'aurai pas accepté d'assumer un meurtre que je n'avais pas commis ... qu'est ce qu'il vous faut de plus ?

*Alors que tu reprenais la parole, il se tut, t'écoutant dans un silence respectueux sans lâcher ton regard cette fois. Alors que ta vie défilait devant ses yeux, son coeur se serra. Vous étiez à la fois tellement similaires et tellement différents.*

- Vous n'êtes pas le seul à avoir souffert pendant vos années à Poudlard. Toutefois, la suite diverge pour moi.

*Tristesse. Peur. Angoisse. Tristesse. Désespoir. Peur. Les émotions se bousculaient dans son regard et cette fois il ne fit rien pour les dissimuler à ta vue. Il se doutait de ce qu'avait pu être ta vie, des épreuves que tu avais du traverser mais entendre ainsi le récit de ce que tu avais endurer, étape après étape, était tout autre chose. En voyant que tu t'apprêtais à sortir du bassin, il s'écarta et se retourna pour te laisser un peu d'intimité. La dernière phrase sonna durement à son oreille. Il était allé trop loin. Il avait sa réponse à présent, mais il n'en était pas fier, loin de là. Pousser les gens dans leurs derniers retranchement pour être sûr d'avoir la vérité dépourvue de tout déguisement ou artifice. C'était ce qu'on leur avait enseigné mais cette méthode n'avait jamais plu à Benjy. Et s'il ne parvenait pas à redresser la barre, il se haïrait surement de vous avoir fait percuter le mur tous les deux. Sortant de l'eau à son tour, il enveloppa sa taille dans une serviette et vint s'asseoir à côté de toi.*

- Je l'ai rencontré peu après avoir quitté Poudlard. Il était gentil, attentionné, il avait confiance en lui et confiance en moi, en mes capacités. C'est lui qui m'a poussé à devenir auror, sans lui j'y aurai renoncé plus d'une fois. Comment aurais-je pu faire un bon auror alors que je suis incapable de dissimuler ce que je ressens ? Maugrey n'a jamais cessé d'essayer de me décourager, ne m'accordant pas sa confiance, allant même jusqu'à me mettre sous surveillance. Mais il était là. C'était lui qui gérait mes émotions quand j'étais incapable de le faire. A cette époque je n'avais que deux personnes dans ma vie : lui et ... ma meilleure amie. A cette dernière, si je ne lui dois pas tout, je lui dois beaucoup de chose. C'est elle qui m'a sauvé de moi-même.

*Se tournant vers toi, il te regarda dans les yeux pour poursuivre, guettant tes réactions.*

- Elle s'appelait Lily Potter. La suite tu la connais, du moins en partie. Lorsqu'ils se sont cachés, Voldemort a envoyé ses sbires traquer tous leurs amis pour trouver le gardien du secret. Sauf que c'est lui qui est venu me trouver. Celui en qui j'avais toute confiance était venu pour m'arracher des renseignements. Il savait parfaitement sur quelles cordes jouer pour me faire danser. Je n'ai rien lâché, et ne lui étant d'aucune utilité, il m'a alors lancé le sortilège de mort. Je crois qu'il est inutile de t'expliquer en détails ce que l'on peut ressentir après ça.

*Baissant la tête, il fixa à nouveau le bassin devant lui. Sa voix était devenue roque par l'émotion lorsqu'il poursuivit.*

- Vous voulez tout mettre à plat, voici le reste. J'ignorai tout de votre relation avec Quinn lorsque je l'ai rencontré. Je ne vous ai jamais fait suivre, surement encore un coup farfelu de Maugrey, j'étais moi-même sous sa surveillance le trimestre dernier. En ce qui concerne Quinn, je ne vous demande pas de comprendre ou d'accepter quoi que ce soit, j'ai simplement vu le bon en elle. Celui qu'une personne s'est évertuée à détruire mais qui, lorsque je l'ai rencontré, ne demandait qu'à sortir. Je vous ai déjà expliqué pourquoi j'avais mis cette élève en garde et vous ai demandé pardon à plusieurs reprises. Si vous saviez à quel point je regrette ce geste Orcus.

*Se tassant un peu plus sur le banc, il donnait l'impression de se recroqueviller un peu plus, comme s'il cherchait à se protéger face à ce qu'il s'apprêtait à dire.*

- Il ne reste plus qu'un point à éclaircir. Après quoi, sachez que je vous suivrai Orcus, si vous voulez encore de moi.

*sa voix n'était plus qu'un murmure tout juste audible par toi*

- ce soir là, si j'ai perdu ma meilleure amie ... c'est parce que je n'étais pas présent au moment où elle avait le plus besoin de moi. Quand il m'a envoyé ce ... sort, je n'avais aucune échappatoire. Il fallait que je reste en vie, je devais prévenir les autres qu'il était en vérité un mangemort. Je ... je ... me suis métamorphosé en arbre. Les 15 ans, c'est pour ça. Le temps n'est pas le même.

*Il parlait de plus en plus vite, faisant des phrases décousues au sens parfois opaque trahissant son mal-être profond. Il l'avait dit finalement. C'était sorti, et il en ressentait à la fois un grand soulagement et une grande peur. Il ignorait totalement comment tu réagirais et bien qu'il ne s'attendait pas à ce que tu éclates de rire en te moquant de lui, il n'était pas pour autant serein. Une chose était sûre : après toutes ces révélations, votre relation ne serait plus jamais la même.*

“Une lumière ici requiert une ombre là-bas”

Il était assis sur le banc encore trempé et immobile, son visage relevé en arrière, mais le regard toujours baissé sur l'auror. Benjy Fenwick était plus imprévisible qu'une tempête de sable au Sahara. Ce dernier reprochait au botaniste son manque de transparence, laquelle il ne supportait pas lorsqu'elle lui était offerte, alors même que lui même, ses inspirations et ses motivations restaient totalement opaques. Un joli retournement de situation sans doute.

- Je ne crois pas au manichéisme, mais je constate votre manque de nuance. Il se pencha en avant, croisant ses mains les bras appuyé sur ses genoux, fixant l'auror toujours dissimulé par l'eau rose bonbon du bain. Je n'en sais rien, je ne sais absolument pas ce que vous pensez et je commence à croire que vous non plus. Alors quoi ? Vous m'avez pardonné parce que j'avais de l'affection pour elle ? C'est juste ça ? Ce qu'il me faut de plus, c'est vous comprendre, je ne devrais pas être le seul à me dévoiler si vous voulez que ça fonctionne. Le cas contraire, je vous le répète encore une fois, mais je ne vous retiens pas.

Comme pour illustrer ses paroles, il commença à passer une serviette sur ses jambes et se munir d'une chaussette en cachemire aux couleurs chatoyantes, il avait à peine eu le temps de l'enfiler que Benjy était venu le rejoindre, s'invitant à ses côtés pour lui raconter son passé.

- C'est qui, "il" ? Demanda-t-il, supposant qu'il s'agissait de l'information la plus importante, celle qui lèverait un peu le voile d'ombre. Il se tenait droit, vêtu uniquement d'un pagne en serviette et d'une unique chaussette, observant du coin de l’œil l'auror se ratatiner sur lui-même. Il ne fit aucun geste de plus jusqu'à ce que son sourcil se leva à l'entente de la dernière confidence. Vous êtes... un arbre ? Je suis un peu déçu, moi qui espérais vous extorquer le secret de votre jeunesse, dit-il après avoir marqué un temps de silence sous l'effet de surprise, plaisantant d'une voix mesurée. Voilà qui explique bien des choses au moins. Vous êtes un arbre, je suis un botaniste, je comprends mieux cette curieuse alchimie qu'il y a entre nous, continua-t-il de plaisanter en le poussant timidement du coude. Alors, vous êtes prêt à devenir mon ami Mr le... le quoi ? Chêne ? Hêtre ? Non je sais, vous êtes un bouleau ! Blanc, pur, beau et fragile.

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- En vérité, dès notre première rencontre je vous ai vu comme un animal blessé. Ne vous vexez pas, je vous en conjure *ajouta-t-il précipitamment* Je ne dis pas ça pour blesser votre égaux, car je suis loin de vous voir comme un être faible. Au contraire, vous êtes une personne forte et courageuse. En vous rencontrant j’en ai même compris les propos de Nietzche « ce qui ne me tue pas me rend plus fort ». Dans votre cas, il semblerait que ce soit la vérité. Au fil des ans, vous vous êtes construit une carapace plutôt impressionnante… Et je vais arrêter là mes éloges de craintes que vous ne parveniez à enfiler votre seconde chaussette !

*Le sourire aux lèvres, il désigna la seconde chaussette gisant encore au sol avant de reprendre le fil de son propos.*

- Un animal blessé donc… blessé et esseulé. Tout cela vous ne l’avez jamais fait par choix, vous y avez été contraint par la force des choses. J’ai pensé qu’il était temps de changer tout ça, et votre comportement envers moi au fur et à mesure de nos rencontres n’a fait que renforcer ce sentiment.

*Faisant une pause pour prendre une respiration, il repensa à ce qu’il venait de te dire et tira une grimace avant de pousser un soupir.*

- Et pour vous dire tout ça je manque encore une fois cruellement de tact …

*Se tournant complètement vers toi, il posa sa main sur la tienne et chercha à capter ton regard.*

- Je veux dire … ce n’est pas par pitié que je suis là. Et quand je parle d’animal blessé, ça n’a rien de péjoratif. Au contraire, j’éprouve bien plus d’affection pour les animaux, y compris les oiseaux qui me déféquaient dessus lorsque j’étais arbre, que pour les humains. Si je suis là c’est pour vous en tant qu’être existant, parce que lors de notre première rencontre vous avez directement mis les pieds dans le plat en me parlant de ces quinze années fantômes, parce que vous êtes doté d’une intelligence fine et que vous êtes brillant observateur, parce que un soir, alors que j’avais décidé de me noyer dans l’alcool, faisant fi de tout le reste, vous êtes apparus et avez fait en sorte que je passe une excellente soirée. Voilà pourquoi je suis là et que je n’ai pas l’intention de partir.

*‘C’est qui il ?’ En entendant ta question Benjy retira sa main et se tourna pour récupérer une serviette derrière lui. Son visage se dessinait sous ses yeux alors que distraitement, il épongeait les gouttes qui dégoulinaient de ses mèches et ruisselaient sur son torse. Tes plaisanteries le sortirent peu à peu de sa torpeur, et au cou de coude, il réagit en tournant la tête vers toi, le regard brillant. Un mince sourire se dessina sur ses lèvres alors que tu tentais de deviner l’espèce à laquelle il appartenait.*

- Beau et pur, vous pensez vraiment que ces qualificatifs me conviendraient ?

*Son amusement était à présent franc et sincère, en quelques mots, tu parvenais à le sortir de sa torpeur et à lui rendre le sourire.*

- Un saule pleureur, un arbre ambigu symbolisant autant la vie que la mort, plutôt mélancolique mais idéal pour ceux qui désirent se réfugier entre ses branches. Plutôt ironique vous ne trouvez pas ?

“Une lumière ici requiert une ombre là-bas”

Il arqua un sourcil aux termes "d'animal blessé" comme l'avait si justement prédit Benjy, suffisamment vite d'ailleurs pour que le botaniste ne réplique pas, se contentant de baisser son regard sur cette chaussette qui allait faire l'objet de la prochaine raillerie. À son évocation, il décida d'enfiler sa jumelle, comme une manière de prouver que ses chevilles pouvaient amplement supporter quelques compliments. Il avait surtout besoin de gagner ne serait-ce que quelques secondes pour trouver une parade réponse correcte.

- Vous me voyez comme une tortue blessée, je vous ai toujours trouvé des airs de chaton perdu, voilà une association qui a de quoi faire trembler ! Une plaisanterie qui laissa place à un regard plus sérieux, un contraste un peu ridicule en considérant que seuls ses pieds étaient vêtus. Vous savez que je ne suis pas une pauvre petite chose ? Je ne suis pas une victime, encore moins un saint. Je n'ai pas besoin d'être secouru Benjy, en tout cas pas d'autrui.

À part d'être sauvé de lui-même, peut-être. Dans ces trop rares instants d'honnêteté, il savait reconnaitre que son comportement frisant parfois l'auto-destruction allait devenir un problème. Orcus avançait dans la vie comme un funambule sur un fil, si parfois ce dernier pouvait lui paraitre un peu plus stable, il n'était jamais tout à fait exempté du risque de chute.

Un sourire attendrit naquit sur ses lèvres tandis qu'il observait l'auror sortir les rames pour se justifier. Le sorcier préférait la sincérité à l'excès de tact, il préférait la brutale vérité aux faux semblants. Il était faux avec pratiquement le monde entier parce qu'il savait que dans ce monde, c'était à qui mentait et trichait le mieux. Il était devenu meilleur à ce jeu à la fois par adaptation à son environnement et par son insatiable ambition, mais il continuait d'éprouver le plus grand respect pour les rares osant se montrer franc avec lui. Lorsque la main de Benjy se posa sur la sienne, il baissa spontanément son regard sur le geste avant de le relever en arquant un sourcil. Pour le coup, il en oubliait même de se moquer des oiseaux faisant leurs déjections sur le fier auror !

- Je le savais bien que vous aviez aimé cette soirée.

Il lui sourit à nouveau et se leva pour finir de se sécher et reprendre son habillage.

- Beau, certainement. Pur, si on n'y regarde pas de trop près vous faites encore facilement illusion, dit-il sur un ton taquin. Il nota qu'il avait choisi de taire l'identité de ce mystérieux "il" qui lui avait brisé le cœur. Soit, passons pour cette fois. Un saule ? Je ne qualifierais pas ça d'ironique, disons simplement que c'est peut-être vous qui avez particulièrement besoin d'abriter des gens sous vos branches. C'est curieux, vous voulez donner sans recevoir, chez la plupart de nos compatriotes c'est l'inverse. Je lis vos pensées d'ici.

Pour illustrer son propos, il se redressa, tourné vers Benjy, ses mains posées sur ses joues avec un air exagérément désespéré.

- "Oh mon dieu, je n'ai pas été capable de sauver le monde tout entier !".

Il se tut, reprit une pose normale et observa son collègue toujours assit, persuadé que l'homme en face de lui était encore en train de culpabiliser d'une chose ou d'une autre.

- L'orage n'épargne aucun arbre, Mr Fenwick. Lorsque le tonnerre gronde, la foudre finit toujours par tomber et vous n'y pouvez rien.

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*''Un chaton perdu'' vraiment ? Perdu ça oui, il l'avait été de plus en plus après son retour brutal dans ce monde. Mais un chaton ? il y avait là de quoi méditer quand à ce tu mettais derrière. Oui mais un chaton c'est inoffensif, naïf, ma-ni-pu-la-ble. Il avait l'impression de l'entendre murmurer à son oreille. On dit toujours que lorsqu'on reste sans voir quelqu'un pendant plusieurs années, la première chose qui s'efface de notre mémoire c'est le son de sa voix. Dans le cas de Benjy, il en était tout autre. Ces derniers temps il avait l'impression de l'entendre de plus en plus souvent, ses cauchemars qui avait été supplantés par d'autres pendant un temps avaient fini par revenir le hanter. Et sa voix, sa voix à la fois douce et suave ne le quittait plus. Heureusement, la tienne, réconfortante, parvenait à chasser les démons et à lui redonner le sourire.*

- Pas une tortue, c'est un animal d'un autre temps, bien trop réfléchi pour vous !

*Dit-il en te donnant un léger coup d'épaule alors qu'il te charriait comme si de rien n'était. Plus sérieusement, avec sa lenteur d'action et de réflexion, il n'aurait jamais pu suivre le rythme auquel tu te mets dans les pires situations. D'un autre côté l'idée de l'armure inviolable était intéressante...
La serviette toujours enroulée autour du bassin, Benjy se leva et attrapa sa chemise qu'il enfila. Pas d'autrui Cette précision n'était pas passée inaperçue, et Benjy prit soin de la noter dans un coin de sa tête, elle venait confirmer ses pensées. Souriant de plus en plus à tes remarques successives, retenant parfois même un petit rire, il ne résista toutefois pas à ton imitation et montra clairement son amusement. [i]Sa voix[i] n'était à présent plus qu'un murmure. Haussant les épaules, il te regarda en penchant un peu la tête sur le côté en un geste vif.*

- Non ... Je me contenterai de l'univers !

*Dit-il d'une petite voix tandis qu'une étincelle de malice brilla dans ses prunelles sombres alors qu'il te jetait un regard complice. Boutonnant sa chemise, la tête baissée pour s'assurer qu'il ne confondait pas lundi avec mardi, Benjy ne remarqua pas ton soudain changement d'attitude. En revanche le ton sérieux de ta phrase le lui indiqua très vite. Suspendant son geste, il garda un temps les yeux fixés sur ses mains, méditant sur ce que tu venais de lui dire. Cette marque d'attention le touchait mais la voix de sa conscience ne pouvait se taire. Te jetant un regard gêné, il répliqua dans un murmure.*

- Les moldus ont inventé des paratonnerres...

“Une lumière ici requiert une ombre là-bas”

- Outch ! Ça c'était mesquin, dit-il en penchant la tête sur le côté à la boutade sur la tortue.

Sur ce, par égard pour le pudique auror, il enfila son caleçon sous son pagne et retira enfin la serviette pour entamer le délicat enfilage des différentes pièces qui formaient son costume du jour. C'est dans un quasi silence qu'il enfila son pantalon et sa chemise. Il avait encore les mains affairées sur les délicats boutons de nacre quand son attention fut de nouveau tournée vers son collègue qui venait de baragouiner quelques mots.

- Et c'est moi dont l'ambition vous inquiète ? Je me contenterais du ministère quand vous souhaitez posséder toutes les galaxies ! Pfff !

Il secoua la tête les sourcils froncés, pour un peu il l'aurait traité d'hérétique ! Il perçut ensuite le nouveau changement d'humeur de Benjy, comme une vague de mélancolie à laquelle il était impossible d'échapper. Le botaniste se rapprocha de lui jusqu'à se trouver suffisamment prêt pour poser un index sous son menton et l'obliger ainsi à relever son minois. Il prit sa place pour l'aider à fermer ses derniers boutons comme une mère un peu trop prévenante.

- Je n'ai pas la moindre idée d'à quoi peut bien ressembler un "paratonnerre", Mr Fenwick, murmura-t-il, réflexion qui pouvait être autant prise au premier degrés que d'une façon plus imagée pour l'impétueux sorcier. Ce dernier redevint souriant, il affichait même un air enfantin plutôt peu habituel et pourtant qui lui était assurément naturel. Lorsque vous serez officiellement mon conseiller, je vous enverrai faire un tour chez un styliste, acheva-t-il en terminant d'arranger son col et en s'écartant de lui pour de bon.

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*Trop occupé avec ses boutons, Benjy ne te vis pas approcher. Lorsqu'il sentit ta main caresser son menton pour le forcer à relever sa tête, il te regarda avec curiosité, le cerveau encore quelque peu embué par ses sombres pensées. Alors que tu ouvrais la bouche pour parler, il retient inconsciemment sa respiration. Te laissant boutonner ses boutons, il plongea dans ton regard. Sur le point de dire quelque chose, il se ravisa et se contenta de murmurer à son tour.*

- Un jour, je vous montrerai... Si vous le demandez gentiment.

*Il avait l'impression que cette phrase sonnait comme une promesse, alors qu'un petit sourire joueur naissait sur ses lèvres. Terminant de rajuster son col, tu t'éloignas ensuite. Avisant ton costume il jeta ensuite un regard à ses propres vêtements. Il est vrai que tu étais toujours élégamment vêtu, en toutes circonstances.*

- Et moi qui pensais que vous m'aviez choisi comme conseiller justement pour mon élégance ...

*Toujours le sourire aux lèvres, il enfila rapidement le reste de ses vêtements avant de s'asseoir sur le banc pour se chausser.*

- Que diriez-vous d'aller boire un verre un soir prochain ?

“Une lumière ici requiert une ombre là-bas”

- Je suis toujours gentil !... A ma manière.

Il sourit à nouveau et enfila sa veste, prêt à quitter non seulement la salle de bain, mais aussi Poudlard tout court. C'est le dos tourné qu'il prononça ses consignes.

- Je vais sortir en premier, évitons de prendre le risque que Miss Bulstrode ait à nouveau envie de coller de la fiente de hibou sur la chaise de votre bureau !

Il s'avança vers la porte, c'est la main sur la poignée qu'il se retourna une dernière fois.

- Je vous ai choisi pour votre pessimisme et votre méfiance voyons, dit-il sur un ton ironique alors que c'était plutôt juste. Benjy se méfiait "trop" de lui, mais n'était-ce pas ainsi qu'il forçait le botaniste à baisser les armes et à se montrer plus humble ? J'en serais ravi Benjy, vous saurez où me trouver le jour où vous aurez enfin envie de me dévoiler un peu de ce que vous aimez.

Il fit un clin d'oeil, ouvrit la porte et s'enfonça dans le couloir. Direction le parc et, au-delà, son bien aimé Londres.

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