[Echtra] Quel meilleur endroit qu'un cimetière pour vaincre la mort ?

*Le carillon d'une petite église gothique sonnait minuit lorsque une chauve-souris d'une taille extraordinaire pour ce coin du monde, cessa de battre des ailes pour se percher sur la girouette du clocher. La place du village, qui s'étendait sous sa tête renversée, était faiblement éclairée par un cercle de lampadaires. Au-delà, les sinueux chemins demeuraient dans le noir le plus complet. L'animal resta ainsi jusqu'à bien après minuit, observant les habitations aux quelques fenêtres encore allumées s'éteindre une à une. Il ne restait plus qu'une seule loupiote rouge vacillante sous un toit, mais les sens de la créature lui permirent de déterminer avec certitude qu'il ne s'agissait que d'un adolescent en pleine crise existentielle, en transe à l'écoute d'une musique tenant plus d'un assourdissant tintamarre, bien que rehaussé par un chant beuglé dans la douce langue de Goethe que notre observateur appréciait particulièrement. En somme, personne susceptible de mettre en péril l'expédition.

La rue principale fut éclairée quelques instants par les phares d'une voiture zigzagante. Lorsqu'elle s'éloigna, une femme perchée sur des talons fit son apparition aux abords de la place. Le mammifère volant relâcha son perchoir et vint se matérialiser dans un coin d'ombre du parvis de l'église du village d'Upper Flagley, une bourgade située dans le Yorkshire contenant autant d'habitants moldus que de magiciens. Il poursuivit sa course pour rejoindre l'intéressée en quelques enjambées imperceptibles sous sa lourde cape.*

Mrs Wilkes, ma missive vous ai donc parvenu ?

*Dit-il en évoquant une courte lettre qu'il avait envoyé le matin même pour l'avertir du rendez-vous. Il franchit le dernier mètre qui les séparait pour prendre la main de la femme et déposer sur sa paume un baisemain.*

Sur le seuil du manoir, elle abandonna un à un ses talons, titubante. L’aurore avait déjà pointé le bout de son nez, l’heure pour les ténèbres de se coucher. Elle était d’une humeur massacrante, ivre comme rarement elle l’avait été. Un miracle qu’elle fut arrivée à bon port… Elle avait encore abusé de ce fameux cocktail pour connaître la fin de l’histoire. Du moins était-ce l’excuse qu’elle se donnait alors qu’elle rêvait d’assouvir sa frustration, chaque soir un peu plus grandissante. Qui aurait pu croire que le piètre remake du « Loup et de l’agneau » eut de telles conséquences ? Sans compter ce qu’elle pouvait lire dans la presse qui la désespérait au plus haut point… Oh elle se ressaisirait, c’était certain. Echtra Wilkes n’était pas femme vivant d’illusion, encore moins se droguant de rêves révolus. C’était l’histoire de quelques soirs. Son corps était tendu et elle ne pouvait se défaire de ses pulsions. De une, parce que personne n’était à la hauteur de ses attentes, de deux, parce qu’elle avait renoncé à son passe-temps favori pour son fils, de trois, parce qu’elle avait la désagréable impression de perdre le contrôle.

Huit heures plus tard, elle ouvrit les yeux dans ses draps de soie. Une missive était posée à côté d’elle, mais elle n’eut pas la force de la lire. Elle appela ses elfes et leur ordonna de lui offrir un remède suffisamment efficace pour la remettre sur ses pieds. C’était comme si un incendie géant ravageait sa tête. C’étaient là les effets secondaires à long terme.
[…] Une fois les différents breuvages ingurgités, elle y voyait déjà plus clair. Echtra, maussade, lut enfin la missive et se massa les tempes. Etait-ce un signe ? Si peu d'informations... Elle ne prit pas la peine de répondre et gagna la salle-de-bain dont elle sortit deux heures plus tard, vêtue d’un tailleur noir, le teint magiquement plus frais qu'il ne l'était réellement. Son regard se posant tout à coup sur sa récente marque, Echtra préféra la dissimuler magiquement. Par prudence, dirons-nous, car par les temps qui courraient, on n’était jamais sûr de personne.

A l’heure du rendez-vous, elle apparut aux abords de la place, dans un noir presque complet. Pour éviter d’être repérée par un quelconque moldu, elle ne portait pas de cape, mais un simple trench noir. Patiente, elle ne bougea pas, se contentant simplement de scruter la rue principale, jusqu’à l’arrivée du vampire.

- Monsieur Sanguini, bonsoir.

Au baisemain, elle lui sourit avec amitié, toute humeur maussade volatilisée : il fallait se focaliser sur leur avenir radieux !

- Vous vous êtes montré bien avare de détails dans votre missive. Qu’avez-vous donc en tête, dites-moi ? Sachez que j'ai souvent pensé à vous ces derniers jours. J'ai rêvé que vous et moi faisions des miracles !

*Sa tête s'inclina une nouvelle fois sur son cou en réponse aux politesses qui lui étaient rendues.*

Vos pensées vous ont-elles menées à concevoir quelques théories ? Notre entreprise est si immense, que j'ai eu peine à déterminer par quel obscur côté l'entamer. Mais avant tout venez, enfonçons-nous dans l'ombre. Il y a des sorciers dans ce village, nous ferions mieux d'être prudents.

*Il écarta son bras pour que tu y glisses le tien. Avec l'épaisseur de ses vêtements d'un autre âge, la fraicheur de ses membres ne devraient pas t'atteindre. Une fois à son bras, il te mena aux abords de la place, sur le bas-côté de l'église plus précisément, à l'abri de toute indiscrétion.*

Je ne savais point par où partir, comme je vous le disais.

*Il libéra ton bras, non sans avoir été secoué par un vilain frisson une fois les abords du lieu saint atteint. Il jeta un regard de crainte à la bâtisse et se tourna pour te faire face.*

Puis, je me suis remémoré que tout miracle commençait dans la noirceur. J'ai également pu faire le constat que chacun sait déjà, que l'espérance de vie, sinon l'immortalité, était différente pour chaque espèce. Le troll vit moins que le moldu. Le moldu a une espérance de vie bien plus courte que le sorcier. Le vampire lui, possède une forme d'immortalité à écueils. Le phœnix, quant à lui, est d'une pérennité parfaite. Alors j'ai mis ces deux connaissances en relation et en ai tiré la conclusion que nous devrions commencer par étudier les corps. Une telle recherche, bien que paraissant évidente, n'a jamais été faite. Jadis, il manquait le savoir, à présent, c'est une entreprise interdite en raison de la crainte de s'en servir à des fins eugéniques, mais vous et moi ne souhaitons opérer que pour le plus grand bien, n'est-ce pas ?

Des théories ? Elle n’en manquait pas, mais toutes lui semblaient étonnamment fades. Echtra passa son bras autour du vampire et eut un sourire pour elle-même. Ainsi donc le vampire était réellement déterminé à élucider le secret de l’immortalité. Nul doute qu’il serait un partenaire assidu. Si elle avait pu en douter jusqu’à maintenant, ce n’était désormais plus d’actualité.
Son regard passait d’un trottoir à l’autre, tandis qu’elle examinait les lieux. Elle n’y voyait pas grand-chose à dire vrai. Mais le lumos aurait révélé leur présence, aussi se fia-t-elle à la vision nocturne du vampire. En revanche, elle reconnut l’Eglise. Elle n’était pas très fan de ce lieu, bien au contraire. De mémoire, elle en avait peut-être franchi le seuil, une fois ou deux, pour se moquer des croyants assurément. Pourquoi s’arrêter ici ? Les sourcils froncés, Echtra écouta les explications du vampire avec grand sérieux. Ce qu’elle croyait comprendre manqua de la faire éclater de rire. Maman Wilkes dût se faire violence et mordre sa joue pour ne pas inquiéter le vampire sur ses intentions.

- Êtes-vous en train de suggérer que nous profanions des tombes ?

Elle était partagée entre l’excitation et la profonde surprise. Pour quelqu’un qui prônait le plus grand bien et la vertu de vos actions, le vampire était plutôt plein de ressources. Maintenant qu’elle y réfléchissait, la disparition des corps à Ste Mangouste aurait pu éveiller les soupçons. Seul le cimetière paraissait être une banque de corps envisageable. Même si c’était peu ragoûtant, admettons-le. Endossant tout son sérieux, Echtra acquiesça sur le ton d’une femme d’affaires.

- « Tout miracle commençait dans la noirceur » oui c’est exact. Mais entendons-nous bien, cher ami. Vous savez mieux que personne les liens étroits unissant les ténèbres à la lumière. Notre entreprise étudiera ses liens, nous ne pouvons faire abstraction de ces deux penchants. Autrement dit, je vais devoir user de magie noire pour que nous puissions étudier ses impacts sur les corps et sur le sang, vous comprenez ? Vous avez raison, nous opérerons pour le plus grand bien, mais les moyens entrepris ne seront pas toujours nobles. Etes-vous en accord avec ça ? Naturellement nous chercherons des équivalents dans la magie blanche, mais cela demandera du temps.

Elle posa alors sa main au niveau de ton épaule, amicalement.

- Je vous promets que tout ira bien, et si, un soir, vous pensez que nous allons trop loin, nous arrêterons. Cela vous va-t-il ? Je crois avoir le lieu idéal pour notre entreprise.

Le manoir de sa défunte famille.

Précisément. J'ai connaissance que c'est une entreprise répugnante pour les êtres humains, mais ceux là sont bien morts et leurs corps ne leur est plus d'une quelconque utilité. Je m'engage à ne pas profaner les tombeaux d'individus ayant conservé un résidu de vie, question de respect et sait-on jamais. La colère d'un fantôme, bien qu'impalpable, peut être une véritable plaie.

*Dit-il en songeant particulièrement à Mimi Geignarde qui, à elle seule, parvenait à harceler la moitié du château. Pas lui, étrangement. Il tourna son visage vers le lieu de foi à l'évocation des moyens qu'ils devraient se donner, son regard s'accrochant à un vitrail dont il parvenait à discerner les contours malgré la nuit. Le vampire était pensif, il pesait le pour et le contre même.*

Je me sens peu enclin à user de la magie noire, point que je la répugne, mais mon être y est déjà tant empêtré que j'ai parfois la sensation que m'y glisser un peu plus pourrait me faire perdre les derniers résidus de mon âme. Mais soit, j'y consens si nous ne trouvons pas d'alternative et tant que les conséquences restent minimes.

*Il entoura son corps de son bras pour poser sa main sur la tienne.*

J'ai toute confiance en vous Mrs Wilkes, je sens que je peux me remettre aveuglément entre vos mains.

*Pauvre naïf. Le vampire retira sa main et poursuivit son idée.*

Je pense que nous devrions commencer par prendre deux corps, un sorcier et un moldu, sans laisser la moindre trace de notre larcin pour ne pas affoler la population de veuves. J'ignore s'il y a des corps frais, je n'ai pas poussé mes investigations jusque là ne sachant si vous me suivriez dans cette entreprise, alors peut-être devrons nous nous contenter de squelettes pour cette fois. Il serait arrangeant que vous possédiez un lieu pour nos recherches, le cas contraire je m'occuperai d'acheter une maison dans un coin reculé.

*Proposa le vampire possédant les économies de quelques vies.*

Jusque-là, elle n’avait jamais eu à faire aux fantômes et ne comptait absolument pas commencer aujourd’hui. Un frisson désagréable s’empara d’elle à l’idée que ses meurtres viennent la hanter sous une forme fantomatique. Etait-ce l’Eglise ou les paroles du vampire qui la mettaient si mal à l’aise ? Probablement les deux. Pourtant elle en avait vu d’autres, mais le vampire savait se rendre terrifiant.
Elle devait le rassurer pour qu’il songe enfin à abandonner ce côté cynique et sombre. Au moins savait-elle qui inviter pour les prochaines soirées d’Halloween…

- Ne vous en faîtes pas, cher ami, j’assume pleinement la perversion de mon âme. Je prends l’entière responsabilité de l’usage de la magie noire en cas de nécessité. Je vous promets que nous ne trahirons pas nos valeurs. Nous allons travailler pour la science et mettre certaines barrières quant à l’usage de la magie noire au profit de l’immortalité. On doit en savoir plus sur l’immortalité, à tout prix, car notre ignorance à son sujet pourrait se révéler dangereuse.

Et inutile surtout..  La gloire les attendait !

- Et vous avez raison, mon ami, acquiesça-t-elle non sans tiquer au contact glacé. Très bien, commençons par des squelettes. Nous pourrons étudier l’impact de la magie sur ces derniers.

Elle se retroussa les manches et sortit sa baguette, prête à réveiller les morts-vivants.

- Votre proposition est fort aimable. Néanmoins, elle est inutile. A la triste mort des membres de ma famille (sortez les violons…)  j’ai hérité du manoir familial. Je suis la dernière de ma famille. Le manoir risque d’être poussiéreux, mais je suis certaine qu’avec quelques aménagements, il sera parfait. Nous le rendrons magiquement incartable pour qu’on ne vienne pas déranger nos recherches. Est-ce que cela vous va ?  

Echtra appela alors son elfe de maison en chef. Mieux valait vérifier que tout était en ordre dans le manoir et que rien ne trahirait les meurtres perpétués par la main-même de Maman Wilkes.

- Veille à ce que le Manoir Gordon soit dépoussiéré et prêt à l’emploi, je te prie.

« Je te prie » : politesse nécessaire devant une créature aux mœurs si nobles. L’elfe s’inclina et disparut dans la nuit.

- Il faudra l'agrémenter de quelques outils, naturellement. Pensez-vous pouvoir trouver du matériel non-utilisé à l'hôpital ?Nous en aurions bien besoin pour notre laboratoire improvisé. Mais chaque chose en son temps. Commençons, voulez-vous ? Des tombes dénuées de fleurs sont symptomatiques de la solitude des morts, je pense que nous devrions viser celle-ci. Je vous laisse choisir le reste, cher ami, pendant que je jette des sorts d'insonorisation.

*Il hocha la tête, acceptant de fait tes propos sur l'usage de la magie noire. Vous étiez sur la même longueur d'onde, du moins c'est ce qu'il croyait.*

Je pense qu'étudier les os est un bon commencement, peut-être y découvrirons-nous des particules magiques pouvant expliquer la différence d'espérance de vie. Se serait un formidable point de départ. Ma pauvre amie, toute votre famille vous dites ? Que de chagrin il a dû vous en couter, enterrer les siens à un si jeune âge... Une épidémie peut-être ? De mon temps, j'ai vu la dysenterie ravager tout un village, l'odeur pestilentielle qui s'en dégageait gagnait jusqu'aux terres de mon château... J'ai moi aussi vu mes proches mourir, aussi je compatis à votre peine.

*Dit-il en éludant qu'en ce qui concerne sa famille, c'est lui-même qui leur avait déchiré les artères avec un plaisir bestial.*

Va pour votre manoir si vous y rendre ne vous cause pas quelques mots de cœur. Je devrais pouvoir me procurer du matériel sans peine, je suis médicomage et j'aime avoir mes propres instruments, cela ne mettra la puce à l'oreille de personne. Au pire, je prétendrai vouloir m'établir dans un cabinet privé.

*Qui ne marcherait jamais, qui voudrait se faire soigner de son plein gré par un suceur de sang ? Il s'éloigna à son tour, se dirigeant vers le petit cimetière entourant l'église. Grace à ses yeux de créature de la nuit, il pouvait lire sans peine les épitaphes, cherchant alors des noms sonnant à consonance sorcière et suffisamment ancien pour que le corps soit totalement décomposé. Il s'arrêta au 7ème rang, devant une tombe recouverte d'une vieille stèle en simple pierre, nue, comme tu le lui avais si sagement conseillé.*

Mrs Wilkes ? Pssst ? Ici, Johnus Malkovitch, décédé il y a 35 ans. Cela vous semble-t-il bon ? Voulez-vous que je soulève la stèle ?

Une fois de plus, Echtra dût jouer la comédie, faisant mine d’être affectée par cette « tragédie », dont naturellement, elle était l’auteure. Elle ne s’en vanta pas non plus, cependant. Pourtant, à les regarder tous deux, on aurait pu constater bien des similitudes ! Mieux valait toutefois que le vampire n’en apprenne pas trop sur ses incartades. Nul doute qu’il aurait eu alors deux mots à lui dire, voire pire encore.

- Je l’ignore, sûrement une vengeance. Ma famille avait de nombreux ennemis, et ils ont payé pour tous leurs torts. J’étais déjà mariée pour ma part. Je suppose que le titre de mon mari m’a valu d’être épargnée. Cela n’a pas dû être simple pour vous, mon ami. Vous savez néanmoins que la famille possède de multiples formes. Vous êtes le bienvenu au Manoir Wilkes comme bon vous semble, sachez-le.

Ou comment noyer le poisson. Toutefois, ne soyons pas trop méchants vis-à-vis de Maman Wilkes. Son affection à l’égard du vampire était sincère. Malheureusement, il y avait de fortes chances pour qu’il devienne un jour, un dommage collatéral.

- Convenons donc de cela.

Laissant le vampire vagabonder, Echtra lança des sorts s’insonorisation afin que personne ne soit dérangé. Le contraire aurait été fâcheux et les moyens utilisés bien peu catholiques. Mieux valait protéger leurs arrières. Elle n’aimait guère cette atmosphère pesante. Pressée d’en finir au plus vite dans ce lieu saint, elle ne e se fit pas prier quand le vampire l’appela.

- Je pense. Sorcier ou Moldu selon vous ? Espérons qu’il y ait encore suffisamment de résidus magiques.

Elle allait lever sa baguette quand ta proposition la stoppa nette.

- Non, non ne vous donnez pas cette peine. Je vous laisserai en revanche ouvrir le ... cercueil.

Parce qu’imaginer le vampire posséder une telle force la dérangeait quelque peu. Elle ne pouvait totalement oublier sa nature de prédateur. Une telle puissance pouvait causer bien des dégâts.. et même sa propre mort si elle n’y prenait pas garde. Aussi dût-elle se faire violence pour incanter un Wingardium Leviosa et se concentrer dessus sans faillir aucunement. La stèle libéra de la poussière et finit par se lever, progressivement. Echtra se tourna légèrement pour venir poser la pierre non loin d'eux en évitant bien sûr de l'endommager.

- Cet homme avait un nom fort laid et de toute évidence, il ne manque à personne, commenta-t-elle en s'époussetant brièvement.

*Alors que tu t'avançais vers lui, il croisa ton regard triste. Ma foi, sur ce registre-là en tout cas, tu étais piètre comédienne, mais bien suffisante pour la créature dont la transformation avait rendu les émotions humaines difficilement à sa portée. Il détourna le visage dans un grand geste, marquant par là qu'il préservait la pudeur de tes sentiments, comme ça se faisait de son temps.*

Diable merci, votre adoption par votre nouvelle famille vous aura au moins prémunie, vous, pour veiller sur leurs mémoires.

*Lui non plus n'appréciait pas le lieu, et pour cause. Alors que tu revenais sur tes pas pour le rejoindre et lever la lourde stèle de granit, il recula afin de te laisser le champ libre. Il se retrouva le dos contre de la pierre à laquelle il ne jeta pas même un regard... jusqu'au moment où une odeur de cochon grillé l'alerta. Il se détacha soudain de ce qui était une croix, la cape fumante, secouant les bras pour dissiper la fumée qui s'échappait de ses habits.*

Par Lucifer, j'avais omis la capacité hautement inflammable des lieux de foi, c'est que je les fuis comme la peste habituellement... Hum, veuillez pardonner mon étourderie, j'espère que vous ne vous estouffez point ?

*Parce que la galanterie lui dictait que la distribution des rôles était une évidence, Sanguini se jeta dans le trou laissé béant, sautant à pieds joint sur le cercueil encore en bon état.*

Cet homme n'était pas un pécore, sa boite est d'une excellente facture. C'est du noyer ou je ne m'y connais plus ! Il est assurément sorcier, il n'y a qu'eux pour avoir si mauvais gout en matière de prénoms... sans vouloir vous offenser.

*Sur ce, il posa un genou sur le cercueil, plongea ses longs doigts sur les scellés et d'un mouvement brusque qui ne lui demanda que peu d'effort, arracha une grande partie des planches. Il allait soulever le corps, mais vu l'était de l'ossature, en appeler à la magie semblait plus intelligent.*

Il faudrait que vous usiez de votre baguette pour ne pas séparer les os pendant le transport, à moins que vous pensiez que sa tête seule suffira ?

*Dit-il en pivotant de 3/4, toujours à genoux, tenant le crâne dans sa main en coupe comme un trophée.*

« Prémunie » ? Elle ravala un vilain sourire moqueur. Oh pour veiller sur leur mémoire, elle y veillait oui ! Le vampire avait décidément le cœur trop bon. Quant à elle, elle jubilait encore intérieurement de sa cruelle vengeance.

En pleine concentration, Echtra n’avait pas senti l’odeur de roussi qui se dégageait dans son dos. Seul le bruit l’alerta finalement. Elle se retourna vivement et observa la scène avec une parfaite impassibilité. Bien au contraire, c’était même un sourcil de réprimande qui se soulevait. Comme si c’était le moment idéal pour faire des pitreries ! Heureusement qu’elle avait insonorisé les lieux ! Ce dont elle se remercia, bien entendu.

- Cher ami, soyez donc vigilant. D’une part parce que vous partiriez en fumée avant d’avoir goûté à la gloire de notre projet, d’autre part parce que nous n’avons guère le temps de danser autour d’un feu de joie. Que ferais-je si vous deviez périr ?

Un tas de choses, évidemment, mais elle devait ménager leur amitié. A nouveau sérieuse, elle observa la scène se déroulant six pieds sous terre. La critique sur l’esthétique des prénoms sorciers ne lui fit ni chaud ni froid. Elle était bien trop obsédée par le cercueil. Et si … Non pas de folklore dans un moment aussi sérieux. Un craquement de branche la fit soudainement sursauter. Violemment effrayée, la sorcière observa tout autour d’eux à l’affût du moindre détail avant de trouver le responsable de sa frayeur : un écureuil détalant comme un lapin. Lorsqu’elle se retourna, elle contempla le vampire, crâne à la main.

- Vous comptez aussi nous jouer Hamlet ?

Elle soupira, non sans un petit sourire, et leva sa baguette à nouveau pour ramener l’étendue des ossements à ses pieds avec grande vigilance. Transplaner avec des squelettes allait être tout à fait charmant …

- Sortez donc de ce trou, mon ami, je vais y remettre la stèle.

Ce qu’elle fit une fois la voie libre.

- Bien trouvons un moldu désormais, et par pitié, prenez garde aux pièges religieux qui nous entourent. Ensuite nous pourrons rentrer et examiner les deux corps. Vous allez bien ? demanda-t-elle tout de même par sollicitude.

Rassurez-vous mon amie, je ne flamboie pas si facilement et je suis absolument certain que vous auriez le réflexe de me lancer un de ces sortilèges d'apparition d'eau... Aguamenti si mes souvenirs sont exacts. Mais vous avez raison, je manque de prudence alors que je devrais me montrer plus circonspect que jamais. Ce siècle a vu la disparition de tous les abreuvoirs qui jadis pouvaient se montrer si précieux pour mon secours...

*Il soupira de nostalgie. De son point de vue, la modernité faisait aller le monde de mal en pis, même si fort heureusement, la communauté sorcière européenne avançait moins vite que le reste du monde, c'est la conclusion qu'il en avait rapidement tiré.*

Votre inquiétude me touche plus que vous ne pouvez l'imaginer.

*Ne sachant comment sourire, il se contenta d'un hochement de la tête pour clore l'incident avant d'obéir en bondissant hors du caveau.*

Hamlet ? Vous avez décidément bon cœur et une ouverture d'esprit qui dépasse de loin celle de la plupart de vos compatriotes. Rares sont les sorciers de sang-purs à avouer apprécier les arts moldus. Quant à ma propre survie, je vous promets de ne plus m'éloigner des sentiers sans m'être assuré qu'aucun piège ne me menace, du reste je sens que l'étroite brûlure qui m'a saisi s'est déjà presque entièrement refermée.

*Il fit quelques pas, changeant d'allée en scrutant les épitaphes. Il fit enfin son choix, s'arrêtant devant un simple monceau de terre depuis si longtemps abandonné, que le tas qu'il fut un temps était presque entièrement plat. Une fleur si fanée qu'un simple effleurement du doigt aurait transformé en poussière trônait dans l'unique vase à moitié renversée contre la croix en bois. L'écriture sculptée était difficilement lisible mais ne résistait pas à l'acuité du vampire.*

Celui-là, un jeune homme décédé à l'âge de 27 ans et qui, a priori, n'avait que sa mère pour le pleurer. A l'état de sa tombe, je dirais qu'elle n'est plus de ce monde elle aussi. Auriez-vous l'obligeance de creuser à l'aide de votre baguette ?

Des réflexes ? Oui, elle en avait. Assez aiguisés pour certains. Malheureusement pas quand il s’agissait de sauver des vies. C’était contre-nature voyez-vous ? Par exemple, l’Aguamenti était parfaitement dans ses cordes, mais pour tirer avantage de la situation, elle essaierait plutôt de faire naître un ouragan. Les accidents étaient si vite arrivés … Les vampires pouvaient-ils d’ailleurs se noyer ? Probablement, mais pour mieux revivre ensuite. Décidément, rien ne valait un bon barbecue !
Fidèle à elle-même, la sorcière s’inclina pour répondre à ses paroles.

- Si je ne m’inquiète pas, qui le fera ?

Pour le coup, elle était curieuse de connaître les possibles amitiés du vampire. En connaissait-il d’autres de son espèce, suffisamment proches pour s’inquiéter en cas de disparition soudaine ? On n’était jamais prudent quand il s’agissait d’avenir. Et nul doute qu’elle aurait été chagrinée de la disparition de son seul « ami », mais parfois les affaires étaient les affaires. Aussi préférait-elle se renseigner en toute discrétion, au cas où.

- Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, mon bon ami.

Apprécier les arts des moldus ? Elle ? Ses yeux s’ouvrirent grand sous le choc. Douce Morgane, heureusement qu’ils n’étaient que tous les deux. Son cœur venait de faire un bref arrêt. Aimer les moldus… Non mais !

- En revanche, leur littérature est pleine de ressources. Vous n’imaginez pas comme ils peuvent avoir l’esprit tordu, vil, et parfois parfaitement charmant. Ils ont l’imaginaire bien plus développé que certains sorciers, du moins est-ce le cas des écrivains.

Autrement dit, avaient-ils participé au diabolisme de son esprit ainsi qu’à la sournoiserie de ses passions.

- Disons que pour eux, j’ai une tendresse particulière.

La tombe suivante la rendit parfaitement silencieuse. Devait-elle y voir un signe ? La question se posait. Son fils était assez fou pour se fourrer dans le pétrin et ne jamais trouver comment en ressortir. Echtra ferma les yeux quelques instants et déclara d’une voix plus douce qu’ordinaire.

- Pourriez-vous me laisser seule une petite minute, je vous prie ? Je … Rien qu’un instant de réflexion, vous comprenez ?  

Une fois seule, elle se perdit dans la contemplation de cette « tombe » de fortune. Son cœur battait un peu plus fort bien que sa propre raison la fustigeait pour sa faiblesse. Ce n’était qu’un pauvre moldu !
Echtra tendit sa baguette, redonna sa jeunesse à la fleur et l’envoya magiquement sur le bureau de son fils. Sans un mot ni une note. Ce ne fut qu’après qu’elle se força à se remettre au travail. Un nouveau sort et la terre en petit tas, s’ôtait d’elle-même.

*Le vampire baissa son regard, une lueur de tristesse passant sur ses rétines d'un noir profond.*

Personne, je le crains. Je n'eus que peu d'entourage dans cette non-vie et vous êtes sans doute la personne la plus proche d'une amie que je possède. Encore que, j'entretiens de passionnantes discussions chiffons avec l'elfe qui me sert d'assistant lorsque l'infirmerie se trouve particulièrement pleine. Il est plutôt mailles quand je préfère le tissage, mais ma foi, nous trouvons toujours un terrain d'entente. Et vous Mrs Wilkes ? Ne vous est-il point trop désagréable de devoir vous extraire de la bonne société pour passer du temps en ma compagnie ?

*Questionna-t-il à celle qu'il s'imaginait multipliant les amitiés et fréquenter moults salons à la mode du siècle dernier. Orcus, pourtant, remarquerait la disparition du vampire, à n'en point douter.*

Je le sais, la lecture est un de mes passe-temps. Quand on a l'éternité devant soi et des journées d'une longueur à n'en plus finir, l'on fait vite le tour des romans sorciers.

*Il arqua un sourcil à la demande pour le moins inattendue. Il te savait le cœur tendre, mais au point de t'émouvoir du décès d'un moldu que tu n'avais même pas connu ?... soit, il s'éloigna, mais son acuité ne lui ferait louper que peu de choses du spectacle. Il revint vers toi quelques instants après, alors que des mottes de terres sautaient hors de la tombe comme si elle était habitée par une horde de gnomes de jardin en pleine rave party.*

Hum... *s'annonça-t-il* Il me tarde la fin de cette entreprise. Vous pensez connaître un sort permettant de voyager avec les deux squelettes intacts, ou au moins ayant le pouvoir de les ré-assembler dans le bon ordre. Je pourrais le faire manuellement au pire, mais le puzzle me demandera aisément 2 ou 3 jours.

- De la « bonne société » ?  Entendez-vous donc que vous êtes de mauvaise compagnie ou qu’il existe une bonne société ? Parce que l’un comme l’autre, je devrai vous donner tort. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise société, mais des êtres suintants le vice. L’homme qui se dit vertueux se croit suffisamment malin pour ne pas être démasqué. Quant à votre compagnie, elle est assurément plus agréable que certaines autres. Les futilités du bavardage ne m’intéressent que bien peu, car les sujets abordés sont toujours les mêmes et d’une fausseté sans précédent. Votre conversation, mon bon ami, a le privilège de susciter la curiosité et d’être sincère.

Cela pouvait étonner, mais Maman Wilkes ne mentait pas en cet instant. Elle avait appris à faire usage de la société, de s’entourer de certains cercles pour parvenir à ses fins, et ce en dépit de l’ennui profond qu’ils lui apportaient. Elle ne pouvait nier cependant que ses conversations avec le vampire étaient trop saines à son goût. Après tout, Maman Wilkes adorait les vices, la perversité des paroles, et les plans machiavéliques pour susciter le Mal. Le Vampire était à des années lumières de ce genre d’activités. Un jour peut-être, aurait-elle assez d’influence sur lui pour lui donner le goût de certains … vices sociétaux.

[…]

La question du transport des squelettes la fit réfléchir un bon moment. Le temps pour eux de s’emparer du second squelette et de tout remettre en ordre. Elle avait bien pensé à en faire des inféri. Mais non seulement, elle ne se souvenait plus des sorts à mettre en pratique, mais elle craignait surtout de la réaction du vampire à ses côtés. Quant au sort de réassemblement, elle n’était pas certaine qu’un simple « réparo » fonctionne. Le transplanage, quant à lui, risquait de faire voler les os en éclat. Non, Maman Wilkes avait envie de tester quelque chose de nouveau et surtout de s’amuser.

- Avez-vous déjà pris les transports moldus, cher ami ?

Le sourire malicieux aux lèvres, elle fit léviter les corps et invita le vampire à le suivre. Allait-elle avouer n’avoir jamais conduit ? Si un moldu pouvait conduire un tel objet, pourquoi pas elle après tout ?! Arrivés aux devants de l’Eglise, elle fit signe à son complice d’attendre dans l’ombre. Echtra était toute excitée par son entreprise. Baguette en main, elle s’avança en catimini dans la rue et s’approcha d’une cadillac seville. Elle n’y connaissait bien sûr absolument rien, mais de toutes les voitures garées sur le trottoir, celle-ci lui apparaissait acceptable. Madame ne pouvait pas rouler dans quelque chose de cabossé !
Un coup d’alohomora et la voiture leur ouvrait ses portes.

- Il doit bien y avoir un plan de l’Angleterre dans cette boîte de conserve, indiqua-t-elle une fois tout le monde à bord. Savez-vous lire une carte, Monsieur le co-pilote ?

Restait surtout la question du mode d’emploi, mais chaque chose en son temps !



[Nota Bene pour notre lecteur : Ceci n’est pas à reproduire chez vous. Rouler sans permis de conduire est dangereux et puni par la loi, surtout quand vous avez deux squelettes comme passagers clandestins.]

Vous allez encore me faire pâlir Mrs Wilkes, trêve de flatterie. Je faisais partie de la bonne société grâce à mon titre de noblesse jadis, mais bien que je conserve mon rang, je n'y ai plus guère été convié depuis mon trépas. Il faut dire que j'avais alors bon appétit... Maintenant que vous le dites, je me remémore la fausseté des salons de l'époque, mais j'ai ouïe dire qu'ils étaient encore pires pour les femmes car nous autres, mâles, finissions toujours par trouver un accord autour d'un tonnelet de Pálinka*, partageant pour quelques heures l'ivresse du peuple.

*Pendant que tu songeais à le pervertir, lui-même se remémorait ses premiers jours aux Etats-Unis. Oui il avait emprunté les transports moldus quelques fois, il avait même trouvé ça rafraichissant au début et à l'époque, les vitres séparant les conducteurs de leurs passagers lui offraient un certain confort.*

Bien sûr, le Macusa exige que nous nous fondions dans la population moldues... même s'il m'arrivait de voler quelquefois. Vous savez ce que l'on dit ? "Pas vu, pas prit". Je pense pourvoir vous aider...

*Il te suivit jusqu'à ton choix pour une Cadillac alors qu'à quelques places de là, un corbillard lui faisait de l'œil. Ton air décidé lui fit renoncer à son propre projet alors qu'il prenait place à tes côtés.*

Très bien, je prends la place du mort.

*Dit-il en voulant simplement utiliser une expression typiquement moldue pour frimer.*

La chose ronde est un "voletant", on le tourne pour donner la direction. A vos pieds, il y a une pédale pour avancer, une pour s'arrêter et une pour... je crois que la 3ème est optionnelle. Quant à ce pommeau *il désigna le levier de vitesse* il sert seulement d'accoudoir.

*Bonne chance et que Merlin veille sur nous.*



*Alcool de fruit artisanal faisant cracher du feu plus fort qu'un magyar à pointes en rut.

« Pas vu pas pris ». Un dicton qu’elle connaissait bien voire même trop bien. Après tout n’était-il pas son préféré ? Agir dans l’ombre, il n’y avait rien de plus délicieux. Cela nourrissait le mystère et l’amusait profondément. Bon, les aurors réglaient très vite la question, mais les moldus, eux, c’était une toute autre affaire. Ils passaient des mois et même des années à résoudre une affaire ! Echtra aimait les faire tourner en rond, telles des fourmis affolées. Ils lui faisaient passer son ennui. De temps à autre, elle semait des miettes de pain, histoire qu’ils ne l’oublient pas trop vite. Maman Wilkes commençait même à connaître leurs noms, au moins de deux d’entre eux. C’était qu’ils y croyaient dur comme fer au surnaturel. Jamais elle n’avait vu une imagination aussi débordante les concernant, eux les sorciers ! C’était vraiment ex-ci-tant !

Mais peut-être pas autant que ce fameux tas de ferrailles ! Les mains sur le volant, elle ignorait comme la faire démarrer. Pourtant ça ne devait pas être bien sorcier ! Pourtant elle arqua un sourcil peu sûre d’elle à l’évocation de « la place du mort ». Qu’est-ce que ça signifiait ? Est-ce que ce tas de ferrailles pouvait causer leur mort ? En l’occurrence la sienne ? Non, elle valait mieux que la Mort ! Maman Wilkes inspira profondément pour se donner du courage et écouta les instructions du co-pilote.

- Optionnelle ? Les moldus ont tellement tendance à se compliquer la vie !

Néanmoins les indications du vampire la laissaient sceptiques. Tant de manettes inutiles ? Même pour des moldus c’était curieux ! Elle toucha l’accoudoir et trouva que celui-ci bougeait beaucoup trop pour un accoudoir ! Ces infos étaient bien intéressantes mais ne lui disaient toujours pas comment démarrer ce foutu engin ! Echtra avait beau tenté d’appuyer sur la pédale d’accélération, rien ne se produisait.

- Démarre ! Démarrage ! En route ! Go ! Start ! Allumage ! Par tous les diables !

Rien. Silence radio. Tant pis. Echtra prit sa baguette et jeta un sort pour démarrer l’engin. Mais le dit-engin ne bougeait toujours pas. Alors elle changea de système et ensorcela la boîte de ferrailles tout entière. Tout se mit alors en marche et la voiture démarra en ligne droite, à toute vitesse.

- Oula oula ! Pas si vite !

Elle eut tout juste le temps de tourner le volant. Le lampadaire passa à ras d’eux, enlevant au passage le rétroviseur droit. Bon. Ses sourcils froncés, mine sérieuse, Echtra ne rigolait plus. Cette chose allait être difficile à manier !

- Allez allez trouvez où nous sommes ! On doit rejoindre Somerset, au bas-là …

Vaguement elle montra le bas de la carte tandis qu’elle peinait à garder le cap.

- Bon priez mon cher ami qu’on ne rencontre personne sur notre route ! A gauche, à droite, dans le mur ?

Elle jura entre ses dents tandis que la voiture grondait.

- Cette voiture est vraiment indisciplinée ! Y a plein de lumières, ça veut dire quoi ces symboles ? On dirait des hiéroglyphes.

Ayant passé moult années dans des bastions moldus, je ne peux que vous concéder ce point. Savez-vous que...

*Le vampire ravala sa phrase autant que sa langue alors que la voiture avait démarré en trombe, le clouant au fond de son siège. Les yeux écarquillés, il cramponnait ses longs doigts griffus de part et d'autre de l'assise. Après avoir passé (et survécu) aux 2 ou 3 premiers virages ainsi, s'habituant aux secousses de tout son corps et remerciant sa nature de l'avoir privé de la capacité à régurgiter son dîner, il attrapa maladroitement la carte du bout des griffes. Posées sur ses genoux, il cherchait le nom de "Somerset", ce qui n'était pas chose aisée alors que la machine donnait l'impression de les avoir mis sur vibreur.*

Ne... ne pouvez-vous pas l'enchanter pour qu'elle nous mène à bon port ? N'est-ce pas ainsi que le ministère procède avec leurs transporteurs d'apparence moldue ? Je doute qu'ils aient fait passer le permis de chauffard à certains de leurs personnels, on le dit impossible à obtenir.

*Il se pencha pour regarder les voyants alors que tu l'interrogeais. Il tapota sur un premier avec sa griffe.*

Je dirais que ce "P" signifie "partez", une manière de nous dire que nous sommes en marche si tenté que nous puissions rater l'information. Ce petit bonhomme rouge zébré de noir *Le voyant rappelant de boucler sa ceinture* doit prévenir du danger de perdre la vie et... d'être coupé en 3 dans l'accident. Ce serait peu étonnant avec autant de tôle autour de nous. Ce voyant vert est de toute évidence un soleil, il fait pourtant nuit.

*Il frappa dessus.*

Et pourquoi diable y a-t-il une chaloupe naviguant sur les flots *le voyant du niveau d'huile.* Pour le reste, j'avoue n'avoir jamais étudié les runes, son enseignement était optionnel à Durmstrang.

*Il releva la tête d'un coup, déclarant sur un ton solennel...*

Je suis formel, cet engin dysfonctiooooo...

*Un virage un peu trop serré le fit cramponner au levier de vitesse, lequel lui resta dans les mains.*

Vous voyez, ça ne servait à rien, nous ne sommes pas en plus mauvaise posture qu'avant !

*Et il le jeta par la fenêtre.*

- L’enchanter davantage ? Oh non ce tas de ferraille n’y entendra rien ! […] Vous dites ? Mais je ne sais strictement rien de ce sortilège. Si je les connaissais tous, mon cher ami, nous serions déjà rendus !

Elle osa un regard vers lui, circonspecte.

- Ne me dites pas que vous ne savez pas lire une carte ? Pas avec autant d’années derrière vous ! Allons allons êtes-vous un vampire ou un homme inutile ? J’ai foi en vos capacités très cher, maintenant dites-moi dans quelle direction aller, je vous prie.

Ah Maman Wilkes sortait le grand jeu. Fini les politesses, ils avaient franchi un cap maintenant ! Première fois dans un cimetière, première fois au volant d’une boîte de conserve, les familiarités pouvaient être de mises désormais.
Pour le reste, elle ne comprit strictement rien aux différents voyants. Quel intérêt y avait-il à leur dire qu’ils allaient mourir ? D’ailleurs le voyant (bouclage de ceinture ) continuait de clignoter jusqu’à l’agacer. Finalement, elle avait misé sur le mauvais cheval. Et de toute évidence, le vampire n’était plus compétent qu’elle !
Le drame survenu, Echtra regarda le vampire avec une certaine panique. En se cramponnant autant, le vampire avait poussé jusqu’à la dernière vitesse accessible. La voiture avait indéniablement réagi. Heureusement, la magie pouvait tout réparer. Enfin ça c’était avant … Avant que son compagnon d’infortune ne balance la chose suspecte par la fenêtre. Ne jamais conduire avec un vampire comme co-pilote ! Echtra ferma les yeux brièvement et finit par attraper la carte sur les genoux du vampire.

- Donnez-moi ça.

Elle la posa sur son volant et plissa les yeux pour observer les différents noms.

- Pourquoi est-ce écrit si petit ?!

Soudain, mais elle ne le vit que trop tard, un chat traversa la route. Le bruit-même lui fit faire une grimace de dégoût tandis qu’elle continuait de lire la carte. Peut-être parce qu’ils passaient à ce moment-là sous un réverbère, elle aperçut leur destination et la pointa violemment sur la carte pendant que la voiture allait droit dans une épicerie.

- Là ! Maintenant il faut arriver jusque-là !

Son œil se posa sur l’obstacle en face d’elle et elle tourna le volant (et elle avec) de justesse pour reprendre la route. Echtra ravala un haut-le-cœur et redonna la carte au vampire.

- Vous êtes sûr que ce n’est pas Merlin qui nous punit pour lui avoir volé des squelettes ? demanda-t-elle d’une voix fluette. C’est nous qui allons finir dans un cercueil si cela continue.

Elle eut un long soupir de désespoir avant de se redresser subitement, prise d’un sursaut d’orgueil.

- Nous ne sommes pas plus mauvais que des moldus n’est-ce pas ? Si eux réussissent, pourquoi pas nous ? Allons, mon ami, détendez-vous. Je nous ramènerai entier, je vous le promets. Les griffes-là, vous vous les limez ? Elles repoussent ?

Suivez le sud-ouest... cette étoile devrait nous mener à peu près à bon port.

*Il désigna une étoile bien brillante dans le ciel. Son acuité accrue lui permettait de lire parfaitement la moindre patte de mouche, il était d'ailleurs l'un des rares à Poudlard à réussir à déchiffrer la fine écriture penchée de Rogue, mais les cartes, à l'époque, étaient des plus sommaires et bien peu fiables... Il ravala bruyamment sa salive.*

Permettez-moi tout de même d'émettre une suggestion : à l'avenir, nous devrions trouver un moyen plus pratique pour finaliser nos pillages de tombes.

*Soudain, un choc suivi d'un plus gros soubresaut de la voiture annonça le décès d'un félin malchanceux (mon moi moldu ne te le pardonnera jamais !), aussitôt le nez de Sanguini frétilla alors qu'il tournait son visage vers la fenêtre restée entre-ouverte après qu'il eut jeté le levier de vitesse.*

Il nous faudrait faire une collation en arrivant, les travaux manuels m'ouvrent toujours l'appétit.

*Les petits animaux éventrés, surtout.*

Seul le diable se soucit réellement des morts, Mrs Wilkes. Et tant que nous ne parviendrons pas à nos fins, je gage que ce dernier se repaît de nos crimes. Et votre crainte d'un trépas imminent n'excuse pas votre irrespect. Je vous assure qu'un cercueil de bonne facture n'a rien d'inconfortable. Vous seriez surprise d'apprendre que l'on dort du sommeil du juste dans le mien, son bois est en cerisier et son tapissage en velours est d'une excellente facture, je l'ai fait importé d'Inde.

*Il croisa les bras et te tourna le visage, boudeur. Il haussa les épaules alors que tu le questionnais sur ses griffes. Si tu pensais l'attendrir par quelques flatteries...*

Ni l'un, ni l'autre. Elles sont indestructibles.

*... c'était tout à fait possible. Au moins, il ne pensait plus à la maltraitance de ses boyaux.*

Une étoile. S’en référer à une étoile ?! Autant dire que Maman Wilkes leva les yeux au ciel devant cette proposition. Elle obtempéra néanmoins pour le bon déroulement du trajet et se mordit la langue pour ne pas répliquer davantage. Car après tout, l’avait-on prévenue ? Lui avait-on dit qu’ils pilleraient un cimetière ce soir ? Non. Absolument pas ! Si cela avait été le cas, elle aurait pris davantage de précautions. Toutefois, elle ne pouvait pas dire que la situation lui déplaisait. Echtra avait toujours voulu conduire un de ces engins. Ils lui paraissaient tellement farfelus qu’elle voulait comprendre pour quelle raison, les moldus les vénéraient autant.

A la question de la collation, la sorcière se figea. Une lueur d’inquiétude passa dans son regard, renforcée par le terme « appétit ». Elle n’était pas prête à donner son sang en guise de service. Dans le cas contraire, elle y aurait réfléchi à deux fois avant d’embaucher le vampire comme partenaire. Sans compter que son sang était bien trop précieux pour être gaspillé de la sorte ! Elle allait devoir trouver une solution au plus vite.

- Nous essaierons de faire le nécessaire.

Diable, irrespect, confort d’un cercueil, tout cela passait bien au-dessus d’elle. A ses yeux, le vampire dramatisait pour pas grand-chose…

- Indestructibles ? A quoi pensez-vous qu’elles sont dues ? Sont-elles reliées au vampirisme ?

Finalement, ils roulèrent, selon le bon gré d’une étoile. Heureusement pour eux, les routes étaient désertes et Echtra, en dépit de sa fatigue grandissante, commençait à réellement rouler droit. Vite mais droit. Peut-être trop vite d’ailleurs car soudain, un autre voyant s’alluma. La fameuse question de l’essence, alors même qu’ils étaient à une centaine de kilomètres de leur destination. Elle montra au vampire le problème en question.

- Rappelez-moi ce que cela veut dire, cher ami ?

Une vingtaine de minutes plus tard …

- Nous ralentissons non ?

En voyant des lumières sur leur gauche, elle dévia de leur trajectoire. Juste au bon moment.

- Je crois que nous n’avançons plus.

Elle tenta de la remettre en marche, mais la voiture ne voulait absolument rien savoir. Echtra y regarda alors à deux fois et observa les deux pompes à essence esseulées. Concentrée, elle plissa les yeux et naïvement demanda :

- Vous ne trouvez pas que cela est très ressemblant ? Mmh... Peut-être devriez-vous … vous sustenter le temps pour moi de résoudre ce mystère ?