[Némésia] confidences (ou pas) au clair de lune

*Un peu plus tôt dans la journée, Benjy était passé en salle des professeurs pour récupérer le planning des rondes de la semaine. Entre l'enlèvement de deux élèves et la fameuse nuit sans magie où plusieurs intrusions avaient été rapportées, les rondes de nuit s'étaient vues multipliées. Poussant un soupir, il constata avec dépit qu'il était de garde cette nuit. Lui qui rêvait d'une bonne nuit de repos devrait attendre. Rangeant distraitement la feuille dans son sac, il claqua la porte de son casier et regagna son bureau. Le reste de la journée passa plus vite qu'il ne le crut mais finalement l'heure fatidique sonna. Jetant un dernier regard à son lit, il prit sa baguette et s'enveloppa dans sa cape. Si les journées s'étaient réchauffées, les nuits se révélaient être encore fraiches. Jetant un regard circulaire, il se rappela alors qu'il n'avait même pas pensé à regarder qui était son compagnon de galère. rattrapant son sac, il en sortit une feuille pour découvrir non sans surprise un nom qui lui paraissait encore étranger. Une nouvelle collègue dont il ne savait encore rien mais dont le nom avait déjà été évoqué quelques fois au détour d'un couloirs. Finalement, la soirée ne s'annonçait peut-être pas aussi morose qu'il le pensait. Fermant la porte de son bureau, il la verrouilla d'un sortilège avant de se diriger vers la porte de sa collègue.*

Professeur Emploi/loisirs : Professeure de Runes.

Confidences pour confidences ♪Perchée sur la branche d'un pin, elle observait la cabane du garde-chasse. Une semaine qu'elle vivait dans ce château et elle ne l'avait toujours pas vu. Certes, elle évitait l'heure de pointe au repas, espérant secrètement que son nom volerait jusqu'aux oreilles de son époux et qu'il hanterait son esprit. Il ne devait pas la voir, pas encore du moins. Elle voulait être une ombre afin de l'observer à sa guise. Chaque jour faisait naître une nouvelle impatience. Comment réagirait-il ? C'était une question qu'elle ne cessait de se poser dès lors qu'elle était éveillée. Après tout, si elle devait retenir une chose du flibustier qu'elle avait épousé, c'était bien son imprévisibilité. Il était l'homme qu'on ne voyait jamais venir, elle voulait être la femme qu'il ne verrait jamais venir. Son nom devait être un chant dans la nuit, un murmure soufflé au détour d'un cauchemar, une pensée de plus en plus envahissante ... Elle rêvait de reprendre ses droits. Mais il n'était pas là. Chacune de ses heures de pause était une occasion pour filer et cependant jamais elle ne le voyait, comme tapi dans l'ombre. Les traces ne trompaient pourtant pas et le jeune Poufsouffle lui avait offert une description suffisamment précise pour qu'elle ne doute un seul instant de sa présence en ce lieu. Une semaine ... et elle s'imaginait déjà toquant à sa porte, dans une tenue des plus charmantes. Faible elle était. Indécise surtout.

Le corbeau finit par s'engouffrer par la fenêtre de son bureau et dans un bruissement de plumes céda sa place à la jeune professeure hispanique. Aussitôt, elle rattacha l'alliance autour de son cou à l'image d'un bijou dont elle ne pouvait plus se passer. Elle la caressa du bout des doigts avec tendresse avant de lever son regard vers l'heure. Sa ronde allait débuter d'un moment à l'autre. L'utilité de celle-ci la laissait complètement interdite. La guerre lui importait peu pour ne pas dire pas du tout. Depuis des mois maintenant, pour ne pas dire des années, elle n'avait que sa vengeance en tête, que ce visage si attirant et toutefois si détestable sur lesquelles elle glissait ses doigts avec amour avant de les refermer autour de son cou de brigand. Elle lui volerait alors mille baisers fougueux le temps de serrer plus fort encore. Elle savourerait son souffle chaud, imbibé d'alcool, jusqu'à sentir son corps s'abandonner littéralement contre le sien. Des larmes couleraient sur ses joues et elle le serrerait contre son sein en le priant de l'excuser, de lui pardonner, que plus jamais elle ne recommencerait.

Némésia balaya les épines de pin sur sa cape et dans ses cheveux, lesquels elle releva magiquement. Étonnamment, elle se sentait quelque peu fiévreuse. Penser à son époux lui donnait toujours quelque chaleur. Elle se souvenait, et c'était là son plus lourd fardeau. Comment expliquer à son psychomage qu'elle rêvait encore de leurs ébats autant qu'elle rêvait de ses doigts autour de son cou ? Jour et nuit son esprit la torturait. Et ce soir, durant sa ronde, elle appréhendait de tomber sur lui, dans un état qu'elle lui avait connu que trop bien les dernières semaines de leur relation. Ses doigts abandonnèrent finalement l'alliance et s'agrippèrent à la poignée de porte, laquelle elle ouvrit d'un air décidé. Ne s'attendant pas à y voir quelqu'un, elle sursauta à l'approche de Benjy. La main, qu'elle porta d'abord à sa poitrine, remonta aussitôt vers l'alliance dissimulée derrière son chemisier blanc largement boutonné.

- Nom de dieu, vous m'avez fait peur ! se plaignit-elle dans un demi-sourire. Attendez ne me dites rien ... Professeur Fenwick c'est bien cela ? Métamorphose, je crois bien. Vous souhaitiez me voir ou c'est avec vous que je travaille ce soir ?

A nouveau elle lâcha l'alliance pour fermer la porte derrière elle et adresser, cette fois, un sourire plus chaleureux à son collègue.

- J'espère que vous connaissez le château mieux que moi, déclara-t-elle finalement en sortant sa baguette nonchalamment, je ne suis pas encore très au point sur l'immensité de cette école. Mon premier guide avait un entraînement de Quidditch important.

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*Lui aussi avait eu un petit mouvement de surprise alors que la porte s'était ouverte avec détermination avant qu'il n'ait eu le temps de toquer. T'adressant un sourire d'excuse. Pas le moins du monde surpris que tu saches qui il était, il devint au contraire un peu plus morose bien qu'il n'en montra rien. Qu'était-il allé s'imaginer ? Il était évident que toi aussi tu avais lu la Gazette, qui ne la lisait pas de nos jours ? En revanche, il ne s'attendait pas vraiment à la suite. Où étaient le ton cassant et les regards meurtriers qui lui étaient d'ordinaire donnés sans retenue ? Te jetant un regard scrutateur, il chercha à savoir si tu te montrais aimable simplement pour lui extorquer des informations ou si c'est parce que tu faisais partie de ces rares personnes dotées d'un esprit critique. Ton regard ne fit qu'épaissir le mystère alors il abandonna pour le moment. Il trancherait plus tard, quand il aurait appris à te connaitre. Un sourire chaleureux pris alors place sur son visage et il te tendit la main.*

- C'est exact, enchanté de faire votre connaissance Professeur Vasquez ! Non, c'est pour la ronde.

*Jetant un regard à son cou où elle avait porté la main, il comprit, bien qu'il lui était dissimulé, qu'il s'agissait d'un collier. En revanche le pendentif était lui aussi source de mystère : appartenance à une religion ? une amulette peut-être, ça correspondrait à sa profession, ou encore un bijou qui lui serrait cher par les souvenirs et qui lui aurait été offert par une personne de confiance pouvant lui apporter protection. Nouveau sourire et ... une petite blague ? Après tout pourquoi pas, tout n'était peut-être pas perdu et il ne tenait qu'à lui de faire en sorte que la soirée soit agréable ... ou morose.*

- Si vous êtes aussi peu renseignée sur les couloirs de l'école que sur vos collègues, je crois qu'il y a fort à craindre en effet !

*Certes, il avait dit qu'il remettrait cela à plus tard mais sans mettre les pieds dans le plat comme à son habitude, il pouvait tout de même tisser sa toile de sécurité. Petite réplique amusante et pour autant il guettait ta réaction alors qu'un léger sourire se dessinait sur ses lèvres à la pensée que finalement l'influence d'Orcus se faisait déjà sentir. Prenant tout de même les devants pour ne pas te mettre dans l'embarras, il se dirigea vers le septième étage. Leur tour de garde commençait par là.*

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Confidences pour confidences ♪La Gazette. Durant un bon moment, Némésia avait cessé de la lire dans l’espoir de se couper du monde des sorciers le plus possible. Tout ce qui avait trait à Scabior, de près comme de loin et à cette époque, la rendait malade. Renouer avec la magie, la beauté du monde et les sorciers lui avait demandé du temps. Elle ne s’était pas réabonnée à la Gazette depuis le drame, parfois cependant, elle s’arrêtait au Chaudron Baveur pour la lire ou quand elle rendait visite au docteur Thempson. Le destin avait souhaité qu’un jour elle tombe de nouveau sur le visage de son époux. Avait-elle eu vent également du scandale Fenwick ? Très brièvement. Encore une fois, elle ne s’intéressait pas à la guerre, encore moins à ses protagonistes. Elle avait fait, probablement inconsciemment d’ailleurs, le rapprochement avec l’article survolé et la personne sous ses yeux. En était-elle perturbée ? Non et la raison en était, encore une fois, fort simple : elle ne se souvenait que très peu du dit-article.

- Réciproquement Professeur, répliqua-t-elle d’une voix enjouée en serrant fermement la main qu’on lui présentait. Et bien allons-y !

Prête à lui emboîter le pas, la nouvelle professeure s’arrêta pourtant une seconde aux paroles de l’auror qu’elle sentait … curieux ? soupçonneux ? Non, méfiant, ou du moins dans ces tons-là. Connaissait-il ses desseins, son véritable nom ? Impossible.

- Voilà qui n’est pas très gentil, rétorqua-t-elle alors d’une voix aussi douce que réprobatrice. En fait, je trouve que cette pique n’est absolument pas méritée. D’ailleurs détrompez-vous, bien que pressé, mon petit guide avait la langue bien pendue. Je sais par exemple, énuméra Némésia en comptant sur ses doigts de sa baguette, que votre garde-chasse est un malotru irresponsable, que votre professeur de potions est un fin d’esprit qui n’aime en aucun cas les Bizarr's Sisters, que Mme Bibine est prompt à donner des conseils de Quidditch, enfin que ma cousine est une bonne enseignante en dépit de sa sévérité. Apparemment, vous avez également un très bon enseignant de soins aux créatures magiques. J’accepte vos excuses, ajouta-t-elle enfin après un silence d’une seconde ou deux.

Elle lui adressa alors un sourire malicieux avant de finalement regarder droit devant elle. Quelque chose planait dans l’air. Némésia y était devenue sensible au fil des années, se méfiant parfois-même de son ombre. Afin de guérir, elle avait dû affiner ses observations, analyser le faciès humain pour distinguer la fausseté de la vérité. Adieu l’insouciance et la naïveté. A l’image de sa virginité, toutes deux avaient été perdues au profit du voyou qu’était Scabior. Si bien que la sorcière ne fut pas dupe très longtemps…

- Dites-moi Monsieur Fenwick, est-ce moi qui vous mets dans cet état de nervosité, ou bien est-ce votre état naturel ? Dans le premier cas, j’en ignore bien la raison, déclara-t-elle d’une voix parfaitement calme et douce. Dans le second cas, vous devriez faire un exercice de respiration pour détendre vos épaules. Vous vous en sentirez tout de suite mieux.

Consciente de sa franchise, peut-être trop grande pour l’auror, elle posa brièvement sa main sur l’épaule de son collège comme pour le rassurer sur ses intentions aucunement hostiles. Sa fausse-assurance pouvait en tromper plus d’un, elle le savait. Aujourd'hui froide pour certains, colériques pour d’autres, Némésia était surtout une personne chaleureuse et conciliante dont le cœur avait été suffisamment brisé pour la métamorphoser en une personnalité ambivalente … imprévisible.

- Pardonnez ma brusquerie, j’ai appris à ne plus me fier aux sourires. Ils sont peut-être de bonne intention, certes, mais un sourire en révèle plus que n’importe quel autre renseignement. Nous sommes souvent trop aveuglés pour nous en rendre compte jusqu’au jour de la Leçon. Alors soyez généreux et ne souriez que si vous en éprouvez l’envie. La bienséance, c’est surfait Monsieur Fenwick, conclut-elle dans un clin d’œil qui se voulait léger. Avez-vous passé une bonne journée ?

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*L'engouement de la jeune femme fit sourire légèrement Benjy. Au moins pour l'instant elle ne se montrait pas fausse, à moins qu'elle ne soit très douée pour jouer la comédie et duper son entourage. Néanmoins, il fronça les sourcils en entendant que les pas dans son dos venaient de se stopper. Se retournant lentement, il haussa un sourcil vers sa collègue avant de comprendre le quiproquo.*

- En vérité cette phrase était ironique. Nous ne nous étions jamais rencontré mais vous connaissiez déjà mon nom ainsi que la matière que j'enseigne. Et ce que vous venez d'énumérer *dit-il en désignant la main sur laquelle tu venais de compter* ne fait que confirmer ce que je pensais.

*Ses épaules se tendirent au contact de ta main et il se dégagea doucement. Ta gentillesse, ta voix douce, ton sourire. Un sentiment qu'il mit du temps à identifier l'empêchait de réfléchir convenablement. Pourquoi se montrait-il aussi méfiant ? Pourquoi réagissait-il ainsi ? A force d'être tendu, de légères douleurs parcoururent ses muscles et suivant malgré lui tes conseils il prit une profonde inspiration. Peut-être un peu surpris par la suite de ton discours, un demi-sourire amusé parcouru ses lèvres alors qu'il se détendait un peu. Voilà qu'il venait de rencontrer une personne plus franche que lui.

Le fourmillement dans ses jambes qui s'engourdissaient à force de rester dans la même position l'incita à reprendre leur ronde. Un souvenir des plus récents remonta brusquement à la surface. Couché sur le sol, il se tordait de douleurs, alors que l'endoloris d'Echtra lui dévorait les entrailles. Rita, Eleanor, Echtra. Rita avait fait de lui un monstre, Eleanor l'avait trahit, bien qu'il se doutait qu'elle ne l'avait surement pas fait en ce sens, le mal était fait et ce jour là il avait failli perdre deux personnes de confiance. Quant à Echtra, elle était dangereuse, il le savait, mais elle lui avait laissé un arrière goût amer doublé d'une sorte de traumatisme corporel. Ce soir là, il avait été confronté à ce qu'un humain peut avoir de pire. Déversant sa haine à travers son sort, elle y avait mis toute l'horreur dont elle était capable. Depuis, il ne parvenait plus à concevoir les choses comme avant. Concevoir l'être humain comme empli de bonté, voir la lumière en chacun d'eux. Les humains ne sont ni bons, ni mauvais en soi. Mais surtout, tout être "bon" pouvait soudainement devenir "mauvais". Les intérêts passaient parfois avant l'humanité. C'est ce qu'il s'était passé ce soir là avec Echtra. Et il n'avait pas l'intention de donner l'occasion à une autre personne de lui faire du mal. Malheureusement, il ne pouvait accuser la femme qui le talonnait d'aucun de ces maux. Cela aurait été tellement plus simple de la mettre dans une case sans prendre aucun risque. Elle n'avait rien fait. "pas encore" lui murmura une petite voix. Il ne voulait pas devenir comme Maugrey qu'il jugeait parano et fermé d'esprit. Certes, cela l'avait maintenu en vie alors qu'il avait vu des horreurs qu'il n'aurait jamais à affronter mais pouvait-on vraiment appeler ça une vie ? En plein dilemme, il finit toutefois par ce retourner vers la jeune femme avec un air désolé sur le visage.*

- Pardonnez mon comportement, je ne suis pas l'être le plus sociable qu'il soit. A vrai dire, plutôt mauvaise, mais ça ne fait rien, ma soirée ne pourra en être que meilleur !

*T'adressant un petit sourire engageant, il reprit doucement la marche à tes côtés.*

- Et la votre ? comment se passe votre intégration au sein de ce château ?

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Confidences pour confidences ♪Némésia n’aimait que très peu l’ironie, et pour cause, non seulement elle peinait à la maîtriser, mais elle la comprenait encore moins. Plus jeune, elle avait fait l’erreur de croire que l’ironie n’était rien d’autre qu’une forme d’humour, une blague en d’autres termes. Or, force était de constater que l’ironie n’était que vérité dissimulée derrière un sourire faussement moqueur. Aussi associait-elle désormais l’ironie au sarcasme, à tort ou à raison. Par conséquent, la réponse de son collègue la fit une fois de plus tiquer. Quelque peu piquée, elle répliqua alors :

- Je n’ai certes pas lu vos biographies à tous, Professeur Fenwick, mais je sais encore me renseigner sur mes collègues. Ou du moins ai-je la politesse de connaître leur nom et la matière qu’ils enseignent, deux informations qui me paraissent amplement suffisantes pour appréhender mes collègues.

La dérobade à son contact eut le don de la rendre nerveuse. Les raisons de sa présence à Poudlard devaient être parvenues à ses oreilles. Autrement, pourquoi une telle réaction ? Ses yeux se froncèrent. Qu’avait-elle pu manquer ? Soupçonneuse, la jeune femme l’analysa de la tête aux pieds. Il y avait un problème chez cet homme. Un problème qui, maintenant qu’elle y réfléchissait, lui avait été familier durant de longues années : La peur d’être touchée, la peur d’être reconnue, la peur de l’attaque, la méfiance accrue … Cet homme avait subi un traumatisme. Soudainement compatissante, sa voix se fit plus douce, plus aimable également, exactement comme l’avait fait Charles Thempson avec elle.

- Je ne vous veux aucun mal.

Elle retint de justesse la phrase qui lui brûlait les lèvres : « Je ne suis pas ici pour vous. ».

- Si cela peut vous rassurer, reprit-elle sur un même ton, je n’aime pas être approchée non plus. La sociabilité est un luxe qui ne prend en compte que les facteurs environnants et jamais les facteurs identitaires. Pourtant, c’est bien le passé qui nous définit et nous rend ouverts ou non à la société. Vient ensuite le vécu proche, modulateur de nos envies, de nos peurs et de notre comportement, mais toujours relié à ce que nous sommes au plus profond de nous. En résulte parfois des personnalités entièrement indéchiffrables, lunatiques à l’extrême ou simplement perdues. Il est difficile de s’adapter dans un monde qui grouille autant d’individus, vous ne croyez pas ? Nous sommes toujours obligés de composer et cependant, nous ne prenons jamais le temps nécessaire de le faire. D’où notre quiproquo sur l’interprétation de vos propos ou de mon geste. Vous pouvez prendre le temps de composer en ma présence, Professeur.

Briser les codes, c’était là toute la tactique de Némésia. Certes ses propos avaient été dits de bon cœur. Ils étaient même on ne peut plus sincères. Toutefois, ils résultaient d’un plan profond et stratégique. En effet, la sorcière n’avait plus aucune confiance dans les codes de la bienséance. Scabior les avait tous bafoués et c’était à cause d’eux qu’elle s’était retrouvée avec des vers plein les cheveux. Aussi avait-elle décidé de ne pas se tenir à distance raisonnable de ses collègues. En acceptant de se découvrir, elle les forcerait à en faire de même, ce qui établirait non un rapport de confiance, mais un rapport suffisant pour qu’elle n’ait pas à les surveiller comme elle surveillait son époux. Elle ne voulait pas avoir à regarder par-dessus son épaule à chaque détour de couloir. Par conséquent, elle devait se faire apprécier et ce, loin des codes manipulateurs et trompeurs. Est-ce que cela faisait d’elle une hypocrite ? Rien n’était moins sûr, car son plan avait beau être parfait, Némésia laissait toujours une trace personnelle dans chacun de ses mots, à chacun de ses pas.

- Je dois bien avouer que votre château est immense et réellement complexe. Vos élèves ont un vécu conséquent, ce qui fait que nous sommes loin des élèves normaux que j’ai l’habitude de côtoyer. Mais encore une fois, ce n’est qu’une question d’adaptation et de temps. Ils sont fort intéressants à observer, tout comme le personnel de Poudlard d’ailleurs.

Sa main glissa alors sur le mur du château, froid.

- La chaleur tend à disparaître de ses murs. La tension y est permanente. Les regards scrutent, soupçonnent et fuient. Nous sommes loin d’une atmosphère favorable à l’enseignement, vous ne croyez pas ? Mais je vous en prie, parlez-moi donc de votre si mauvaise journée. Cela ne pourra que vous soulager et nous avons de longues heures devant nous.

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- Vous avez raison, les sixièmes et septièmes années y sont particulièrement sensibles... Avant leurs premières craintes étaient de réussir leurs examens de fin d'année, à présent, leurs regards sont tournés vers ailleurs... Les professeurs font leur possible pour leur offrir un cocon, pour qu'ils s'y sentent en sécurité mais parfois je trouve que c'est bien mal les préserver du monde extérieur auquel tôt ou tard ils seront confrontés. C'est difficile de trouver un juste équilibre entre les deux : avoir un environnement propice à l'éducation et en même temps les préparer à ce qui les attend.

*Restant dans le silence quelques instants, il réfléchit à tes paroles et à ta proposition.*

- C'est très aimable à vous de proposer, mais croyez-moi, ce ne sera agréable ni pour vous de m'écouter me plaindre, ni pour moi de ressasser ma journée. En revanche, je peux vous raconter la fois où deux élèves ont transformé un couloir entier en marécages, faunes et flores incluses ! J'imagine que personne n'a encore eu le temps de vous en faire le récit !

*Dit-il un sourire aux lèvres alors qu'il adoptait un ton un peu plus enjaillé.*

*Ils longèrent alors un couloir dont les fenêtres donnaient sur le parc. La lune presque pleine illuminait le ciel et nimbait les jardins d'un voile argenté. Soudain, aussi vive qu'un éclair, Benjy vit une ombre sortir de la forêt et se précipiter vers les serres.*

- Vous avez vu ?

*Son sang ne fit qu'un tour alors que ses pensées se dirigeaient automatiquement vers Orcus. Vu l'heure tardive, il y avait peu de chance pour qu'il se trouve encore au château, en revanche, rien n'empêchait cet individu de lui tendre un piège ou de lui jouer une mauvaise blague.*

- Nous ferions mieux d'aller voir, qu'en dites-vous ?

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Confidences pour confidences ♪Silencieuse, la nouvelle professeure prit le temps d'écouter son collègue d'une oreille attentive, ou presque. Jamais son esprit n'était entièrement penché sur le présent. C'était devenu un réflexe ou plutôt une habitude, avec ce sentiment permanent d'être coincée entre deux mondes. Peut-être parce qu'elle avait vu la mort en face. Cela ne l'empêcha pas de répondre, cependant.

- Et qu'est-ce qu'un environnement propice à l'éducation selon vous ? On ne peut protéger les élèves de la réalité, pour autant, ils ne devraient pas avoir à surveiller ce qui se passe derrière leur dos à tout instant du jour et de la nuit. L'expérience façonne, c'est pourquoi il est idiot de les ménager ou de vouloir le faire. N'y voyez pas d'offense de ma part, mais cette école manque clairement de sécurité. Vous n'avez pas idée de qui vous laissez pénétrer dans vos murs, murmura-t-elle finalement pour elle.

Si ses pensées étaient une fois encore tournées vers l'homme aux mille visages, Némésia nota toutefois les nombreuses dérobades de son collègue. Il ne cessait de les cumuler, préférant de loin les anecdotes aux faits actuels. Très peu emballée par la perspective d'une anecdote qui ne lui apprendrait rien, la sorcière acquiesça néanmoins d'un sourire poli et bienveillant.

- Je vous en prie, contez-moi donc cette histoire. En quoi est-elle plus importante que celle susceptible d'alléger votre tourment ?

Son regard pétilla de malice. Ses années de collocation avec ses démons avaient développé son entêtement, le rendant particulièrement exemplaire et agaçant. Peut-être que son collègue, à tort, y verrait là une curiosité mal placée. Qui pouvait savoir ? Les hommes se révélaient parfois si ... surprenants.
Occupée à observer les rayons lunaires tandis qu'elle attendait patiemment une réponse satisfaisante, la professeure ne vit pas la vilaine ombre mouvante. Elle tourna un regard interrogateur vers le professeur de métamorphose et observa sa soudaine nervosité.

- Si cela peut calmer votre nervosité, Monsieur Fenwick, allons-y.

En réalité, et bien qu'elle le dissimulait avec soin, Némésia se sentait paralysée. Son coeur avait recommencé à battre avec vigueur. La perspective de s'approcher du parc ne l'emballait guère, bien au contraire. Un face à face avec Scabior en présence d'une tierce personne n'était absolument pas souhaitable. Pourtant, elle suivit sans broncher, la main serrée autour de sa baguette, priant qu'il ne soit question que d'un chat sauvage ou d'un élève ivre après sa longue journée d'école buissonnière.

- Vous êtes conscient, j'espère, qu'il y a de fortes chances pour que ce ne soit qu'un animal ? L'ombre que vous seul avez aperçue devait être rapide. A cette heure-ci, aucun homme n'est capable de cet exploit, ajouta-t-elle non sans sarcasme.
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