To be or not to be

De la surveillance ! Son parrain l’utilisait pour du babysitting ! Quelle humiliation quand elle pensait pouvoir enfin faire ses preuves ! Mais non, elle était reléguée au second plan, autrement dit celui de pister et d’espionner un Serdaigle. Son cher parrain adoré la sous-estimait cruellement et l’ego de la Serpentard en était incroyablement vexé. Si encore c’était Granger qu’on lui demandait d’espionner, elle aurait pu lui tirer les cheveux par inadvertance, lui faire des croche-pattes au détour de couloir ! Mais là encore c’était non … Kevin Entwhistle. On lui donnait le jumeau de Picky ! De quoi la rendre encore plus bougonne qu’à l’habituée.

Rien n’allait dans la vie de l’adolescente depuis des semaines maintenant. Le Professeur Wilkes draguait tout ce qui bougeait et sortait avec des impurs ; elle n’avait pas encore plus castré l’auror qui avait séduit son aimé ; Granger était encore en vie ; Pansy n’arrêtait pas de lui demander si elle s’était occupée du cas de la rafleuse ; Drago ne la ramenait plus assez ; on sous-estimait cruellement son nom ; Serpentard était entrain de perdre face à Gryffondor ; et ses notes battaient de l’aile : résultat des courses, la Serpentard était déprimée, de très mauvais poil, et fort malheureuse dans son petit cœur. Comble du désarroi, elle n’avait même pas Adam et sa bande de losers pour leur taper dessus. Sa vie craignait !

Cela étant Millicent Bulstrode était une battante. Depuis des décennies maintenant et même des siècles (soyons fous) sa famille retombait toujours sur ses pattes. Elle ne pouvait se laisser aller, car une fois sa garde baissée, on la frapperait inévitablement par derrière. Ce qu’elle ne pouvait laisser faire. Alors, l’adolescente s’était levée tôt ce matin-là pour pouvoir réfléchir et trouver des solutions radicales afin d’améliorer sa vie. En solitaire, elle avait pris dans une serviette trois muffins au chocolat blanc, trois pancakes et s’était enfilée trois jus de citrouille d’affilée pour enfin prendre l’air dans le parc. Désireuse qu’on lui foute la paix et qu’on ne vienne pas l’interrompre dans ses réflexions profondes et existentielles, Millicent avait par prendre le chemin du lac noir. Si quelqu’un venait à la déranger, elle le jetterait dans le lac, le noierait et prétendrait ensuite à un accident. Pas de preuve, pas de crime.

Adossée à un arbre, elle déjeunait et ne vit pas l’arrivée inopportune d’Emma. Ses lèvres étaient plongées dans son gâteau et son esprit cogitait : elle allait devoir passer au plan b. Mais quel plan b ? Telle était la question bien sûr. Il paraissait évident que les Serpentards étaient devenus mollassons et qu’elle devait y remédier. Elle devait également redoubler d’efforts pour que son professeur la remarque enfin pour ce qu’elle était. Enfin, elle devait s’occuper du cas de Scabior pour lui faire payer les propos de sa harpie de fiancée. Ses bourses seraient vides, elle le promettait ! Puis soudain, elle entendit un bruit suspect, comme des cartes que l’on battait. Aussitôt elle fit volte-face : une Serdaigle ! C’était bien sa veine. Que faisait-elle ? Et si …

- Hey toi là, Bras-de-lait c’est ça ? articula-t-elle en faisant un effort considérable de mémoire. Tu t’y connais vraiment dans ce genre de choses ?

Elle pointait les cartes de son doigt, intéressée. Car au point où elle en était, elle pouvait bien se permettre un petit écart si ça remédiait à ses problèmes, non ?

- Si t’es du genre à prédire le sinistros à tout bout de champ, je te préviens, toi et tes cartes finirez dans le lac, menaça-t-elle sa camarade fidèle à sa réputation.

« Nom d’une gargouille puante ! » se mit à penser Millicent, pour qui la Serdaigle se prenait-elle ? Croire qu’elle pouvait se permettre d’être hautaine en SA présence ? En plus d’être dingo (car pour s’intéresser à la divination, il ne fallait pas être très nette), il ne faisait aucun doute qu’elle était aussi suicidaire. A croire que c’était devenu une mode ces temps-ci. Preuve que les Serpentards ne faisaient plus suffisamment parler d’eux, les gens de peu se mettaient à penser, pire à se rebeller !

Choquée par le toupet de sa camarade, Millicent arqua un sourcil dédaigneux. Voilà qu’en plus elle ne connaissait pas son nom. Un retour de médaille, dirons-nous. Pourtant, il allait faire l’affaire de la Serpentard. Prête à mettre son « avenir » dans les mains de la diseuse de bonne aventure, il n’était en revanche pas question que son nom soit associé de près ou de loin à la divination. De fait, elle n’aurait qu’à remettre toute la faute sur le dos de Pansy. Après tout, ce n’était pas comme-ci sa meilleure amie n’en avait pas l’habitude. Et pour gagner l’amour de Drago – quelle drôle d’idée tout de même – tous savaient à Poudlard, que Pansy Parkinson était prête à tout.

Une fois le marché conclu dans sa petite tête, Millicent s’avança d’un pas ou deux, pas vraiment vaillante. Comment avoir confiance en une aiglonne ? Ses yeux glissèrent alors à gauche, puis à droite, à deux reprises. Personne. Alors elle fit deux pas de plus. Si son parrain voyait ça … Si Picky voyait ça … Si sainte Granger voyait ça … Si son Professeur Wilkes voyait ça …

- Ok Serdaigle, tu vas me prédire mon futur. Mais je te préviens, prédis-moi une quelconque forme de mort ou quelque chose d’horrible, et tu auras affaire à mes poings ! répéta-t-elle comme pour se convaincre elle-même qu’elle ne pouvait mériter un tel sort.

La divination était bonne pour les âmes naïves et les loufoques, c’était la règle n°1, ce que tout le monde savait. Cependant, désespérée qu’elle était, Millicent ne pouvait s’empêcher de miser sur cet art aléatoire à son tour, ce qui l’effrayait au plus haut point. D’une part parce que cela entachait sa réputation, d’autre part parce qu’elle craignait le pire pour ce tirage. Lui vint alors une idée, complètement farfelue, elle en était elle-même exaspérée d’avance. Mais si c’était là sa seule chance, alors elle devait la saisir. Restait bien sûr un problème : la confiance. Cette Serdaigle allait lui jouer un mauvais, c’était évident ! Avait-elle seulement le choix ? Si les cartes se révélaient coopératives, il lui faudrait recommencer l’expérience, encore et encore, pour être certaine d’être sur la bonne voie. Ce qui malheureusement sous-entendait de pactiser avec la Serdaigle et donc de veiller à lui faire garder le secret. Encore une fois sa vie craignait !

- Bon, comment on fait ça ? demanda-t-elle finalement après une longue inspiration. Et comment tes cartes vont savoir que c’est pour mon avenir ? Qu’est-ce qui me dit qu’elles ne vont pas prédire le tien puisque tu les as en main ? Et qui me dit aussi que tu vas pas chercher à me rouler dans la farine, Serdaigle ? enchaîna-t-elle d’une voix aussi menaçante que suspicieuse.